Dominique Desjeux, chroniques anthropologiques ou comment le futur est devenu le nouveau terrain d’exploration des anthropologues, leur nouveau monde « exotique », 4 juin 2025
Remarque : l’objectif de cette note de synthèse est de montrer comment une partie des Chinois se représente la géopolitique à partir de la vision officielle.
Une partie des Chinois pensent qu’il n’y aura pas de guerre entre les États-Unis et la Chine parce que les États-Unis ont déjà perdu la guerre des tarifs douaniers contre la Chine. Les deux pays se sont mis d’accord pour faire baisser toutes les taxes supplémentaires que les États-Unis avaient voulu mettre en place.
Les États-Unis ont aussi perdu indirectement face à la Chine du fait de la guerre entre les Indiens et les Pakistanais. Les Indiens sont soutenus par les États-Unis et les Occidentaux alors que le Pakistan est soutenu par les Chinois grâce à l’apport d’armes chinoises. Les soldats pakistanais sont entraînés par des militaires chinois. Par exemple une femme pilote, qui avait été formée en Chine pour piloter les avions chinois, a abattu un avion indien et donc cela veut dire qu’une technologie militaire chinoise pilotée par une femme a été supérieure aux technologies occidentales. Des avions russes et aussi un avion français ont été abattus par des avions chinois.
Vidéo réalisée en IA pour se moquer de la France et de l’inde https://youtu.be/1NUT5xWZ2-g
Sur cette Vidéo, il est écrit que « Des internautes ont utilisé l’IA pour créer une image d’un avion de chasse indien abattu, Modi et Macron se regardent interloqués »

Pour une partie des Chinois, dans l’histoire, les Américains ont déjà perdu trois fois contre la Chine.
La première fois, c’était avant établissement de la République Populaire de Chine, entre 1945 et 1949, pendant la guerre entre le parti communiste et le parti nationaliste, Guomindang, créé en 1912 par Sun Yat sen, puis dirigé par Tchang Kaï-chek. À l’époque les Américains soutiennent le parti nationaliste contre le parti communiste. Le parti nationaliste est riche. Il possède des armes américaines en quantité. Ils sont plus nombreux que l’armée communiste. C’était une des meilleures armées du monde. Mais, ils ont quand même perdu la guerre. C’est la première défaite des Américains face aux Chinois.
La deuxième fois, c’était pendant la guerre de Corée. Les États-Unis soutenaient les Coréens du Sud. Ils disaient qu’ils pouvaient envahir la Chine en trois jours. Ils ont même envoyé des avions jusqu’à la frontière chinoise. Pour les Chinois, c’est un acte très menaçant. Pour cela qu’ils ont décidé d’aider les Coréens du Nord contre les Américains et les Coréens du Sud. À l’époque, la Chine était très pauvre. Elle a perdu beaucoup de soldats aussi bien pendant la Seconde Guerre mondiale contre le parti nationaliste que durant la guerre de Corée. Mao Ze Dong, par exemple, a perdu son fils pendant la guerre de Corée. Beaucoup de jeunes sont morts. Cette guerre n’a pas non plus aidé au développement économique de la Chine. À la fin de la guerre de la situation économique de la Chine était très mauvaise. Cela n’a pas empêché les Chinois et les Coréens de repousser les Américains à la frontière actuelle entre la Corée du Nord et la Corée du Sud. Par conséquent, c’est une victoire indirecte de la Chine contre les États-Unis et avec très peu de moyens contre une grande puissance.
La troisième défaite américaine est celle de la guerre au Vietnam. Dans les années 1960, les Américains ont attaqué les Vietnamiens. Pendant cette guerre, les Chinois ont beaucoup aidé les Vietnamiens en matériel et en soldats. Beaucoup de soldats chinois ont participé à cette guerre. C’est grâce à l’aide chinoise que les Vietnamiens ont pu vaincre les Américains. Pour les Américains, à l’époque, cette guerre était un cauchemar. Le camp communiste, c’est-à-dire les Chinois communistes et les Vietnamiens communistes, a réussi à vaincre « le méchant capitaliste américain ».
Tout au long de l’histoire contemporaine, les relations entre la Chine et la Russie furent souvent mauvaises. Les Chinois ne se sentent pas très proches de la Russie. Ils ont eu des problèmes avec les Russes dans les années 1960, et donc « les ennemis de mes ennemis sont mes amis ». Ensuite, donc, pendant la guerre froide entre la Russie et les États-Unis, les Chinois se sont rapprochés des Américains.
Sous la dynastie Qing, la Chine est très prospère. L’empereur Qianlong (1711 – 1799) est très au courant de toutes les innovations qui émergent dans les pays occidentaux. Il est au courant de tout ce qui se passe en dehors de la Chine. Mais pour renforcer son pouvoir, il a fermé les portes de la Chine. La Chine est devenue un pays fermé qui s’est arrêté de progresser pendant une centaine d’années. La Chine s’est retrouvée très en retard par rapport aux autres pays qui ont commencé à l’attaquer au milieu du XIXe siècle, y compris la Russie. La Chine s’est donc retrouvée dans une position très défavorable par rapport aux pays occidentaux.
La Russie qui est à côté de la Chine en a bien profité, notamment en occupant la Mandchourie dans le nord de la Chine. Il y avait aussi un contentieux avec la Mongolie. Donc à l’époque la Russie et la Chine étaient des ennemies.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, les rapports entre la Chine et l’Union soviétique étaient très compliqués. Au début, les Soviétiques soutiennent plutôt le parti nationaliste. Après cependant, comme la Chine est dans le camp communiste, il faut bien les soutenir. Mais Staline ne fait pas vraiment confiance au parti communiste chinois, car il pense qu’ils sont moins puissants que le parti nationaliste. Ils sont pauvres, ils n’ont rien. Staline ne pense pas que le parti communiste chinois peut gagner cette guerre. Il ne fait donc rien pour le soutenir pendant la guerre civile. Il observe son déroulement sans vraiment intervenir. En réalité, il préfère le Guo Min Dang. Finalement il constate que les communistes sont en train de gagner la guerre. Il souhaite donc arrêter cette guerre en proposant de diviser la Chine en deux. Il propose au parti communiste la partie nord du fleuve Yangtze, la partie la plus pauvre, et au sud plus riche pour le parti nationaliste.
Note historique qui confirme cette analyse :
Article : “Stalin, the Cold War, and the Division of China: A Multi-Archival Mystery, par Brian Murray, Columbia University Working Paper No. 12. Washington, D.C. June 1995. Traduction annotée – Relations URSS, PCC et KMT avant 1949. Sources WOODROW WILSON INTERNATIONAL CENTER FOR SCHOLARS
« Le premier indice montrant que les Soviétiques ne souhaitaient pas voir le PCC engager, et encore moins remporter, la guerre civile chinoise provient d’une citation tirée des mémoires du communiste yougoslave Vladimir Dedijer. Selon Dedijer, Staline aurait admis en 1948 qu’il avait conseillé au PCC, en 1945, de faire la paix avec Chiang Kai-shek et de ne pas poursuivre la révolution en Chine. »
[…]
Le maréchal Nie Rongzhen, le père de la bombe atomique chinoise « a comparé l’attitude excessivement prudente des Soviétiques [et donc de Staline] à celle de l’homme de Qi dans l’Antiquité, qui, comme « Chicken Little », craignait en permanence que le ciel ne lui tombe sur la tête. »
[…]
l’URSS souhaitait voir la Chine divisée au niveau du Yangzi, plutôt que de risquer une confrontation potentielle avec les États-Unis [du fait] de la “perte” de leur sphère d’influence en Chine méridionale. »
[…]
« Du point de vue soviétique, la traversée du Yangzi par les communistes faisait clairement planer le risque d’un conflit avec les États-Unis. »
Mais Mao Zedong désapprouve, il ne veut pas séparer la Chine en deux. Et, donc il continue à attaquer le parti nationaliste. C’est pour cela qu’après sa défaite, le parti nationaliste est parti à Taiwan. Cf. Xavier Paulès
Après la victoire du parti communiste chinois, les Soviétiques deviennent des amis. Ils sont dans le même camp communiste. Les Soviétiques envoient alors des experts en Chine pour aider à reconstruire le pays, avec des usines, des bâtiments, etc., sauf que la Chine a l’impression de devenir un accessoire de l’Union soviétique. Staline veut manipuler la Chine comme il le fait pour les autres pays. Il veut que la Chine devienne un pays purement agricole et aucunement industriel. Mais Mao Zedong s’y oppose.
Remarques : il est intéressant de noter qu’un néolibéral comme Wilhelm Röpke, appartenant à la société du Mont Pèlerin (SMP), crée par l’économiste Friedrich Hayek en 1947, et qui est un opposant au système Soviétique, écrit à peu près la même chose sur les pays sous-développés en 1953, comme le raconte Quinn Slobodian dans son livre Les globalistes. Une histoire intellectuelle du néolibéralisme, publié en 2022 au Seuil : « La stratégie adoptée [par le Pakistan et qui consiste à se concentrer sur l’agriculture] est conforme au discours sur le développement tenu par la SMP, qui critique une potentielle « surindustrialisation » des pays de la périphérie et encourage le Sud à recourir à la production agricole pour conserver sa place dans la division internationale du travail », en faisant référence à un article de Wilhelm Röpke, « Unentwickelte Länder (Les pays sous-développés) », p. 89. 1953.
Cette stratégie favorise les pays du « centre » qui sont dominants et industriels, au détriment des pays de la « périphérie » qui sont dominés et agricoles. C’est autant le souhait des néolibéraux par rapport au Tiers Monde que des soviétiques par rapport à la Chine.
Et c’est pour cela que la Chine a rompu ses relations avec l’Union soviétique. À la suite de quoi les Russes ont retiré leurs experts et leurs ressources. Les Chinois et les Russes ne se sont plus parlé jusqu’à l’explosion de l’URSS en décembre 1991.
L’histoire montre donc que les relations entre la Chine et la Russie on plusieurs fois été très mauvaises. Mais comme ce sont se sont deux pays immenses qui sont voisins, il faut bien entretenir des relations de bon voisinage. Mais ce n’est pas vraiment de l’amitié. Il faut garder une bonne relation au niveau de géopolitique.
Les Chinois et le gouvernement chinois pensent que Poutine n’est pas réellement un ami sur lequel on peut vraiment compter parce que ce n’est pas quelqu’un de très bien même s’il y a eu toute une propagande sur les réseaux sociaux russes pour montrer que Poutine était puissant, qu’il faisait beaucoup de choses et qu’il avait une relation très amicale avec son peuple, qu’il était très humain. Tout cela relève de la propagande pour créer une illusion auprès des Chinois que Poutine était quelqu’un de puissant et d’humain, à l’inverse de l’image que l’on donne de lui dans les pays occidentaux. Aujourd’hui, cependant, les relations internationales ont changé. Il a montré qu’il était très instable dans ses relations avec les Chinois et avec les Américains et donc c’est quelqu’un sur lesquelles on ne peut pas compter.
Il y a eu des accords entre les Américains et les Russes, mais on ne sait pas ce qu’ils ont mis dedans. Ce n’est probablement pas très favorable pour les Chinois. Le gouvernement chinois et les Chinois se méfient des Russes et des Américains qui cherchent à créer du désordre. Ce qu’ils cherchent c’est à faire du commerce pour vendre ses produits et acheter les produits dont ils ont besoin. Mais en aucun cas les Chinois ne souhaitent faire la guerre.
Trump est très préoccupé par la Chine parce qu’il n’a pas gagné grand-chose et donc il commence à baisser la tête.
Si on regarde l’histoire contemporaine, pour les Chinois, les États-Unis sont très habiles pour créer des guerres indirectes. Trump pense qu’il faut toujours avoir un ennemi quelque part, soit les Russes, soit les Chinois. Comme il s’est rendu compte qu’il ne pouvait pas manipuler la guerre en Ukraine comme il voulait, il a essayé de prendre le cas de la Chine de façon plus sérieuse. Et donc il a essayé de faire comme il fait ailleurs, en créant une guerre indirecte entre la Chine et d’autres pays. Il a essayé de pousser les Philippines à engager une action contre la Chine dans la mer de Chine du Sud. Mais il n’a pas réussi, car les Philippines ne sont pas assez puissantes face à la Chine. Ils ont fait des exercices militaires, mais ils n’ont pas abouti à grand-chose. C’est pour ça que Trump est retourné vers les Indiens pour les pousser à agir contre la Chine à travers la guerre avec le Pakistan, mais il n’a pas réussi grand-chose.
La Chine ne souhaite pas faire la guerre avec Taiwan, car Xi Jinping a dit qu’il ne voulait pas que des Chinois attaquent d’autres Chinois parce que les Taiwanais sont des Chinois. Taiwan appartient depuis toujours à la Chine, mais il n’est pas possible de tuer d’autres Chinois et donc il est possible de mettre la question de côté en attendant de la résoudre. C’est un sujet historique.
Par contre s’il y avait une guerre entre les Indiens et les Chinois, le gouvernement s’y attaquerait plus sérieusement.
Au niveau géopolitique les Chinois pensent que le problème n’est pas simplement celui de la tension entre la Chine et les États-Unis, c’est aussi un problème entre l’Ukraine et l’Europe et avec la Russie. C’est un problème mondial.
Paris le 4 juin 2025, Dominique Desjeux, anthropologue