Dominique Desjeux, L’empreinte anthropologique du monde, méthode inductive illustrée, éditions Peter Lang, Bruxelles, 2018
À travers 28 chapitres, Dominique Desjeux propose un kaléidoscope de ses travaux les plus marquants financés par une diversité d’interlocuteurs, privés ou publics. Après sa thèse d’État en ethnologie (1987) avec Georges Balandier (1920-2016), il étudie la gestion de l’incertitude notamment à travers la sorcellerie. En France, s’affrontent deux postures sociologiques critiques : à l’encontre des interprétations sociales réductrices qui présentent le système comme un tout dominant des acteurs sans marge de manœuvre, il prend parti pour celle qui déconstruit les apparences et fait apparaître les marges d’action des acteurs. Ses analyses l’amènent à proposer des principes d’explication des phénomènes humains différents en fonction des échelles et des découpages de la réalité. Il distingue l’existence de trois plans de causalité distincts, car observation et connaissance sont discontinues. La plupart des systèmes humains sont multicausaux, et surtout, il n’existe pas de cause première.
Après les États-Unis (1994-2001), ses voyages le conduisent à étudier la consommation des classes moyennes chinoises. La survenue de la crise de 2008 introduit une période d’insécurité sociétale majeure. La progression de la consommation mondiale fragilise les classes moyennes basses des pays riches. À l’inverse, dans les pays émergents celles-ci voient globalement leur pouvoir d’achat augmenter… Avec la montée d’une classe moyenne mondiale, le monde s’engage dans une convergence compétitive autour de l’accès à l’énergie, aux matières premières et aux protéines, alimentaires nécessaires pour produire des biens de consommation. On assiste à un véritable chassé-croisé : une sortie de la pauvreté dans les pays émergents et un certain appauvrissement des classes moyennes basses des pays riches. Cette convergence source de coopération est également productrice de tensions. La classe moyenne chinoise, notamment, est à la fois homogène et hétérogène en termes de revenus et de niveau d’éducation. Elle se déploie entre deux pôles extrêmes : celui des ultra-riches, qui ne représentent que (0,004 % de la population), et, à l’autre extrême, celui des très pauvres (moins de 2 dollars par jour). Hétérogénéité et homogénéité sont les deux faces de ces classes moyennes qui ne se réduisent pas à une description horizontale entre des classes de revenus. Elles sont insérées dans des réseaux sociaux et dans des clientèles politiques qui traversent leurs clivages. Les objets de consommation, leurs usages constituent des points de repère pour dessiner progressivement leurs contours fuyants./ Michel Bonnet 383 pages, 49,50 euros
Revue Urbanisme n° 411