2024 11, D. Desjeux, les drones, une révolution dans la façon de faire la guerre

Les drones, les communications numériques et les réseaux mafieux représentent probablement un tournant dans la façon de faire « la guerre de demain », pour reprendre le titre d’une série d’ouvrages écrits par le capitaine Danrit à la fin du XIXe siècle au moment où il anticipait une guerre entre la France et l’Allemagne. Il insistait sur le rôle des aérostats « à la fois un croiseur à grande vitesse et un torpilleur aérien. » (La guerre en ballon, 1895).

Aujourd’hui, avec la guerre au Moyen-Orient, en Ukraine et dans la zone africaine de l’Adrar des Iforas, les drones jouent un rôle central alors que leur présence en 2020, au moment de la crise du covid 19, paraissait encore anecdotique.

En Chine, ils étaient principalement utilisés pour interdire de sortir de chez soi. Un point important est que leur coût est faible comparé aux armes comme les avions de chasse, les chars ou les porte-avions. Cela change les choix budgétaires à faire par rapport au budget militaire.

L’usage militaire des pagers, qui dans les années 2000 représentaient un usage privé, cf. ci-dessous la photo de deux pagers en 1997 en Chine, à Guangzhou, représente maintenant un moyen de désorganiser le système de communication et de logistique des adversaires. Cet usage rejoint l’analyse de l’historien britannique Philipps Payson O’Brien qui dans son livre How The War Was Won, de 2015, montre que la dernière guerre mondiale n’a pas été gagnée grâce aux grandes batailles comme El Alamein ou Stalingrad, mais par la désorganisation du système logistique d’approvisionnement des industries de l’armement en empêchant la fabrication de chars et d’avions.

Le piégeage des pagers et des walkie-talkies au Liban désorganise toute la logistique de communication du Hezbollah, tout en limitant l’engagement d’homme sur le terrain.

Tout aussi intéressant est la mobilisation des réseaux mafieux pour réussir cette opération de piégeage, comme Wagner, un autre réseau mafieux qui est intervenu en Ukraine, en Centre Afrique et au Mali. Tout cela ne signifie pas la fin des armes dites conventionnelles, mais montre l’émergence d’une autre façon de faire la guerre en ciblant les cadres dirigeants et les moyens logistiques de la communication grâce aux réseaux de la drogue.

Comme toujours, les innovations qui émergent n’éliminent pas les anciennes technologies. Il est même probable que ces nouvelles technologies reprennent des mécanismes propres à la guerre depuis des millénaires, comme la tactique de la terre brûlée qui représente une stratégie logistique pour empêcher les armées ennemies de se nourrir, comme les souterrains avec la ligne Maginot avant 1939, ou encore comme les piratages informatiques. Les drones, le piégeage des communications numériques, l’usage des réseaux mafieux, l’importance des souterrains transforment sûrement de manière inattendue la guerre au Moyen-Orient et ailleurs.

1997, « pager » en Chine à Guangzhou, Photo Dominique Desjeux

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