2009 03 TR4 « S’installer, commercer, consommer : quelles libertés ? Quelles responsabilités ? »

2009, Consommation : cité du commerce et de la consommation

« S’installer, commercer, consommer : quelles libertés ? Quelles responsabilités ? »

 

 

  • Olivier Badot – Professeur et coordinateur du département marketing de l’ESCP-EAP ;
  • Jean-Paul Charié – Député du Loiret ;
  • Guy Gras – Président de la Fédération Française de la Franchise ;
  • Guy Leclerc – Président de la Fédération des enseignes du Commerce Associé ;
  • Dominique Moreno – Secrétaire générale de la Commission du commerce et des échanges à la CCIP ;
  • Eric Renard – Fondateur du « Petit Olivier », Président de l’Association Avenir.

 

 

La culture française est aussi celle du commerce dans le rapport à la convivialité, à l’échange. Mais le goût pour les antagonismes et l’opposition sans compromis mine aussi le développement commercial. Aujourd’hui deux modèles de commerces sont à l’œuvre avec les franchises et les enseignes. Deux conceptions des relations dans le travail.

 

La longue culture commerciale française.

Si l’image de la France en matière de savoir faire et de puissance commerciale est souvent sous estimée Olivier Badot, professeur à l’Escp-Eap, rappelle pourtant que les bases économiques, historiques et politiques du commerce français sont solides et anciennes. L’historien Fernand Braudel a enquêté minutieusement sur le développement des foires jalonnant les lieux de pèlerinage. Puis au 20eme siècle le commerce, poussé par l’industrialisation, continua ses métamorphoses à travers les coopératives, la vente par catalogue, les magasins populaires dont l’emblématique « Bon marché », les franchises, les centres commerciaux et à présent le e-commerce. L’activité commerciale importante de la France fut aussi à l’initiative d’un Droit positif du commerce dont le code de déontologie a façonné le Droit européen. La forte performance des commerces français à l’étranger (Sephora) est aussi un bon indicateur et on compte aussi de nombreux centres de recherche, des écoles, des colloques, des journées de recherche, des pôles de compétitivité. Il faut cependant reconnaître que la France ne s’engage pas avec le même dynamisme que les Etats-Unis dont la culture protestante est fondamentalement celle de la profanation et de l’innovation. Pour Jean-Paul Charié (député UMP et rapporteur de la loi sur la modernisation économique) l’intérêt général ne peut pas être compris sans la défense du commerce. La culture politique française favorisent particulièrement les oppositions stériles : petit commerce contre grand, ville contre périphérie. Il observe du reste qu’à l’Est les villes se sont formidablement développées depuis la chute du mur de Berlin avec la multiplication des commerces. Mais si les politiques gèrent la cité dans l’objectif de favoriser les acteurs commerciaux, certains doivent à présent comprendre que l’argent ne peut pas tout et qu’on ne peut plus se développer sans un minimum de règles. Déplorant que la France n’ait pas eu le courage dans le passé de sanctionner des pratiques illégales il convient de revenir à quelques règles du jeu pour remettre d’accord les partenaires économiques. La LME dont la fonction est de contribuer à favoriser la réduction des délais de paiement, une plus libre négociabilité et une transparence plus loyale en matière de concurrence devrait aussi faire comprendre au monde politique les changements de pratiques dans le commerce. Il s’agit aussi de favoriser l’urbanisation du commerce et son accessibilité par l’ouverture du dimanche. Pour Dominique Moreno (Chambre de commerce et d’industrie de Paris) il est essentiel de comprendre que le commerce repose sur la liberté et la confiance et qu’il fait partie de l’intérêt général d’une ville. L’action de la chambre de commerce étant de favoriser une diversité commerciale dans l’offre alors que le principal obstacle est le coût élevé des loyers en centre ville.

Eric Renard, fondateur des cosmétiques le « Petit Olivier », déplore également l’incapacité des français à travailler de manière consensuelle à travers le conflit entre commerçants et industriels. Les français ont certes des velléités d’investissement à l’étranger mais ils arrivent presque toujours en ordre dispersé contrairement à l’Allemagne plus solidaire. Toutefois la France a de réels atouts pour sortir par le haut de la crise en misant sur sa vitalité dans l’agroalimentaire (1ere industrie dans le monde) et dans les cosmétiques.

 

Quels modèles d’installation ?

Lors de cette table ronde deux modèles d’organisation étaient représentés avec Guy Gras, président de la Fédération Française de la Franchise et Guy Leclerc, président de la Fédération des enseignes du Commerce Associé. L’organisation en franchise repose sur un modèle pyramidal selon Guy Gras. Une tête de réseau prenant la responsabilité de délivrer son savoir faire à un commerçant indépendant moyennant un ticket d’entrée. Ce savoir faire est fondé sur une série d’applications rigoureuses et systématiques en matière de vente. La pratique de la franchise connaît actuellement un grand succès puisqu’en 10 ans le nombre de franchises a doublé en France et que le Droit de la franchise européenne s’est construit sur le modèle de la franchise française. D’autre part c’est un modèle de distribution reconnut à l’international qui offre l’avantage de présenter un langage commun en matière de développement. Enfin il est possible, selon lui, de détourner la frilosité actuelle des banques en matière d’aide grâce aux franchises. Le financement d’une enseigne déjà reconnue (type Yves Rocher) est l’assurance pour une banque de réduire le risque. A ce modèle basé sur la verticalité, Guy Leclerc préfère le modèle des enseignes du commerce associé reposant sur le principe « d’un homme égal une voix ». Un modèle qui génère 120 milliards de chiffre d’affaire et représente 26 % du commerce français avec 470 000 salariés et 27 000 entrepreneurs. Les enseignes selon Guy Leclerc sont aussi un ascenseur social créateur de 14 000 emplois. Mais le principal écueil à l’implantation d’un commerce en centre ville se situe dans le différentiel entre le chiffre d’affaire généré et le loyer. Il déplore également que les élus aient laissé partir les épiceries (notamment les bouchers) pour permettre l’installation des banques et des agences de voyage. Olivier Badot soulignant de son côté que le commerce n’est pas qu’une question conjoncturelle mais aussi une culture. La crise est aussi dans le vouloir d’achat, l’imaginaire se dilatant à mesure que le développement des médias offre une multitude de produits à consommer. Un bon commerçant sait créer un échange, instaure une confiance, sait embarquer le client dans l’histoire du produit. Le bon commerçant est finalement celui qui sait créer une relation hédoniste avec son client.

2009 03, Marion Msika-Jossen, journaliste

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