2009 03 TR13 La consommation: sommes-nous informés ou influencés?

Consommation

La consommation: sommes-nous informés ou influencés?

 

 

  • Olivier Caufment – Directeur associé d’Altavia Link
  • Marie-Paule Dousset – Journaliste, auteur de « Savoir économiser » et « Savoir Acheter »
  • Corinne Lejbowicz – Président directeur général de Leguide.com
  • Alexandre Michelin – Directeur éditorial et des contenus, MSN & Windows Live
  • Gérard Noël – Vice-président directeur général de l’Union des Annonceurs

 

 

La constitution de l’opinion et du jugement des individus, qu’ils soient citoyens ou consommateurs, s’est radicalement modifiée depuis une décennie, en lien avec les aspects communautaires du web et les processus utilisés par les individus dans leur recherche d’information. En sociologie on parle traditionnellement de « manipulation » mais ne devrait-on pas considérer plutôt l’information et l’influence en considérant les nouveaux processus à l’œuvre au moment où le « consommacteur » est devenu stratège, constituant lui-même sa propre opinion.

 

 

Internet en tête dans l’information des consommateurs. Même si l’enquête d’Opinion Way relève, parmi les verbatim les plus entendus, que beaucoup considèrent que l’information diffusée sur internet prête à la confusion il faut également souligner que 85 % considèrent que ce nouveau média informe. Il faut simplement mettre en place des stratégies de sélection pour hiérarchiser une information pléthorique et pas toujours pertinente. Mais pour 76% les avis des proches (famille et amis) continuent, classiquement, d’être la valeur de référence en matière d’information lorsqu’il s’agit d’avoir un conseil d’achat. Les consommateurs font encore confiance aux étiquettes et à la publicité, tant décriées par les associations de consommateurs, puisque 64 % se déclarent être informés par le pack contre 36 % qui se disent influencés et 46 % pensent que la publicité informe contre 54 % qui la perçoivent comme un canal d’influence. Pour Corinne Lejbowicz (PDG du guide.com) l’indice marquant de ces dernières années est que le consommateur à travers internet s’est construit un libre arbitre, prenant le temps de comparer en demandant l’avis à des communautés d’internautes anonymes comme lui avant de s’engager dans un achat en magasin. Cette nouvelle génération de consommateurs est ainsi devenue très experte dans ses achats, connaissant mieux l’objet que le vendeur en magasin.

 

Intégrer les avis d’anonymes dans la fabrication de l’information. Alexandre Michelin (Directeur éditorial et des contenus, MSN & Windows Live) constate que les internautes savent se réguler entre eux et ne pas « déborder » vers des rumeurs aberrantes, instaurant une sorte de sagesse de la foule. Cette nouvelle autorité du public est vérifiable sur tous les médias puisqu’on demande de plus en plus l’avis des auditeurs au téléphone en radio et les émissions de témoignages d’anonymes avec des avis envoyés par SMS sur les plateaux de télévision sont devenues également la norme. Internet vient finalement compléter cette prise de pouvoir des anonymes sur la fabrication de l’opinion. Mais ce média global accélère aussi ce processus en écrasant l’espace où les avis sont consultables depuis chaque endroit de la planète. Les marques ne sont cependant pas tout à fait en reste et s’adaptent en réinventant des modes de communication qui intègrent les internautes très au fait des techniques de manipulation comme le green washing. Pour Olivier Caufment (Directeur associé d’Altavia Link) ces nouveaux rapports de pouvoir, observables sur le net, sont aussi le signe d’une démocratie en pleine évolution. Le système dogmatique, émetteur-la marque, récepteur-la cible, média-les tuyaux dans lesquels l’information passe, n’est plus. Le centre de gravité s’est déplacé et le pouvoir se recentre sur l’individu, le consommateur ou la communauté de consommateurs. Paradoxalement le consommateur a moins de pouvoir d’achat mais de plus en plus de prise de parole et de contre pouvoir sur la prise de parole. La technologie internet lui a donné beaucoup plus de puissance, avec des pouvoirs de sanctions (boycott) et de nuisance sur la marque. Dans cette nouvelle configuration les marques doivent avoir l’humilité de se mettre à la place de l’individu et l’orienter vers elle sans dirigisme et manipulation mais de manière coproductive. La pire attitude pour les marques serait de considérer internet comme un danger. Cette position demande aux marques d’être très réactives et attentives au moindre changement de perception du public. Dans ce domaine les marques destinées aux publics jeunes ont particulièrement bien pris le virage et leurs zones de création sont de plus en plus floues puisque certaines marques comme Converse proposent à leurs clients de devenir leurs propres publicitaires. Les cibles ne sont pas en reste et montrent qu’elles maîtrisent parfaitement les codes marketing. Gérard Noël (Vice-président directeur général de l’Union des Annonceurs) remarque que la nouveauté n’est pas tant dans les échanges d’avis et de conseil, qui ont toujours existé dans les sociétés, que dans une recherche dynamique de préinformation avant l’achat. Les consommateurs français ont aussi une attitude particulière vis-à-vis de la publicité, fondée sur la défiance et qui prend racine dans une opposition traditionnelle à l’entreprise et à l’autorité, excluant la culture de la négociation et du partenariat comme en Europe du Nord. Les français n’admettent finalement pas que la publicité ne soit qu’un agent d’influence et non d’information. Mais pour la journaliste Marie-Paule Dousset il faut revenir à quelques règles de bon sens : le consommateur n’est pas devenu un expert parce qu’il a à disposition une documentation pléthorique. Consommer s’apprend mais les savoirs les plus complexes ne se maîtrisent pas en un click et l’on doit s’en remettre à une tierce personne dont le métier est de faire une recherche, de la trier, de la valider, de la comparer et de la rendre lisible pour tous.

 

Un nouveau média sans législation. Pour le moment la ligne de démarcation entre contenu publicitaire (qui ne représente que 7% des investissements totaux des annonceurs) et contenu éditorial n’est pas toujours claire sur toutes les plateformes comparatrices que l’on trouve sur le net. Mais pour Alexandre Michelin la crédibilité et le succès d’un site doit passer par une transparence dans ce domaine pour être gagnant et devenir un média majeur. Le consommateur est devenu si averti qu’il sait déjouer aussi les manipulations dans ce domaine et si MSN est construit sur la publicité c’est parce que le site a avant tout une valeur éditoriale qui draine des visites et incite les marques à s’afficher sur sa plateforme. Corinne Lejbowicz rappelle que l’on est sur des métiers jeunes où le travail d’établissement de règles est en pleine construction et il faudra à terme rédiger des chartes de déontologie posant des jalons pour faire la différence entre les parties commerciales et non commerciales.

2009 03, Marion Msika-Jossen, journaliste

 

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