2009 03 TR 6 Consommateur, producteur, distributeur: quel partage des pouvoirs?

2009, Consommation : cité du commerce et de la consommation

Consommateur, producteur, distributeur: quel partage des pouvoirs?

 

  • Xavier Beulin – Président de Sofiprotéol 
  • Jacques Bouriez – Directeur général du Groupe Louis Delhaize (CORA-Supermarchés Match)
  • Pierre Coppéré – Président de la Fédération Française des Spiritueux
  • Marie-Jeanne Husset – Directrice de 60 millions de consommateurs
  • Alexandre Menais – Directeur Europe d’eBay en charge des partenariats avec les fabricants et les marques

 

Quel est le partage de la valeur entre producteurs, distributeurs et consommateurs ? Comment des nouveaux systèmes se font progressivement une place, notamment le e-commerce. Comment finalement trouver l’équilibre parfait entre tous les acteurs de la chaîne de vente et d’achat.

 

Une nécessité de rééquilibrage des pouvoirs entre les différents acteurs. Il existe 500 000 exploitations agricoles en France dont 10 000 sont des PME-PMI qui transforment les matières premières. A l’exception de quelques grands agriculteurs qui ont une taille de dimension européenne la France compte pour l’essentiel des petites et moyennes entreprises travaillant sur un marché très concentré et sur quelques grandes matières premières, notamment les céréales mais aussi la viande bovine et dans une moindre mesure le lait. Si les entreprises agricoles sont dispersées le secteur de la distribution est à l’opposé très concentré et pour Xavier Beulin (président de Sofiprotéol et de la filière oléagineuse française) il y a une nécessité impérieuse pour le monde agricole d’être mieux organisé afin d’avoir un rapport de force plus équitable au sein de la filière. D’autant que le désengagement progressif de la Communauté européenne, avec l’abandon de la Pac à l’horizon 2013, va également intensifier la pression sur les prix à travers une concurrence accrue. Mais le président de la filière française des oléagineux regrette également que les politiques publiques refusent de mettre en place des stockages publics pour anticiper les pénuries à venir. La crise alimentaire mondiale début 2008 n’étant qu’un prémisse à cette situation. Pour Jacques Bouriez (Directeur général du Groupe Louis Delhaize-CORA-Supermarchés Match) la crise ne change pas fondamentalement son métier mais oblige aussi à plus de rigueur. Le devoir de simplification, de sécurité alimentaire, de bonne exécution dans la mise en œuvre (80 % de la distribution est consacrée à la mise en œuvre et 20 % à la stratégie) rend ce travail plus impérieux. Pour Marie-Jeanne Husset (directrice de la rédaction de 60 millions de consommateurs) le débat sur le pouvoir d’achat est la préoccupation essentielle des consommateurs depuis septembre 2004. Dans une économie de marché le pouvoir appartient au consommateur qui décide de ses achats. Les producteurs et distributeurs ont par contre le devoir de produire et de distribuer au mieux les consommateurs. Mais l’époque est à la frustration et le consommateur est en perpétuel stress d’achat. Il est aussi  victime du système des marges arrières opérées par les distributeurs. Mais pour Pierre Copperé (président de la Fédération Française des Spiritueux) un consommateur est aussi un producteur ou un distributeur dans son métier et il est capable de comprendre la complexité de toutes les filières : il n’est donc pas entièrement une victime. 

 

Une nécessité de transparence.

Il y a un besoin de transparence plus importante dans la chaîne des valeurs selon Xavier Belun. L’Observatoire des prix et des marges du ministère de l’Agriculture devrait aussi permettre de saisir la commission présidée par Jean Paul Charrié pour redéfinir une équité entre les maillons de la filière. Les métiers de la viande ont des résultats entre 0,5 et 1 % de leur CA et sont aux prises avec des situations de survie particulièrement difficiles. Pour Alexandre Menais (directeur Europe d’eBay en charge des partenariats avec les fabricants et les marques) internet permet à la fois la transparence et une concurrence accrue des prix au bénéfice des consommateurs. Toutes les 4 seconde un IPod est vendu sur eBay, 1 voiture toutes les minutes, et le textile est le premier poste de ce site marchand global de C to C. Internet est devenu un canal de distribution à part entière avec un propre écosystème, constituant une sorte de laboratoire des nouveaux comportements où l’aspect communautaire est très important. On compte 276 millions d’utilisateurs d’eBay dans le monde actuellement et 12 millions d’utilisateurs en France. Mais pour Marie Jeanne Husset il ne faut pas sous estimer les problèmes de demain sur la traçabilité permanente (les puces RFID) qui laisseront peu de marge au consommateur en perpétuel état d’être observé à tous les moments de la vie.

 

Hausse des salaires et pouvoir d’achat.

La LME est souvent présentée comme une solution qui permettrait d’accroître la concurrence et de redonner une certaine vigueur au pouvoir d’achat. Mais Pierre Alain Weill (délégué national aux PME pour le PS), parmi le public, souligne plutôt la nécessité de s’attaquer à la crise du  pouvoir d’achat par une redistribution plus équitable des salaires. La tendance étant à oublier les salaires et à se borner à faire pression sur les industriels à travers les distributeurs pour faire baisser les coûts de production. Cette situation se révèle à terme dangereuse pour les PME et les producteurs agricoles. Pour Xavier Belun le problème des revenus est une réalité : le coût réel de l’alimentation pour un français est de 14 % (chiffre Credoc) dont 4% pour la matière première. Le paysan aujourd’hui ne comprend pas pourquoi on lui refuserait une augmentation de 5 à 10 % du prix de ses matières premières dès lors que l’impact final sur le coût alimentaire est modeste. Pour Marie Jeanne Husset  le pouvoir d’achat est aussi un problème de salaire. Les lois ne redonneront pas du pouvoir d’achat et il faut réajuster le dogme, qui est selon elle est une supercherie, de la concurrence comme profit pour le consommateur. Il y a une réalité dans les inégalités des richesses et la mondialisation nous a  éloignés de la fabrication des produits. Il faudra aussi revenir du marketing de la surpromesse décalée des vrais besoins des consommateurs désillusionnés. Il faudra donc recréer de la confiance mais celle-ci ne se décrète pas. Jacques Bouriez plaiderait plutôt de son côté pour un volontarisme des entreprises dans l’amélioration de la qualité des actes d’achat. Selon lui la pire des craintes que l’on peut avoir en période de crise c’est d’avoir peur pour reprendre la formule de Roosevelt.

2009 03, Marion Msika-Jossen, journaliste

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