2009 03 TR 2 « Quelles villes, quelles vies, quels commerces ? »

2009, Consommation : cité du commerce et de la consommation

« Quelles villes, quelles vies, quels commerces ? »

 

 

  • Lyne Cohen-Solal – Adjointe au Maire de Paris chargée du Commerce, de l’Artisanat, des Professions Indépendantes et des Métiers d’Art
  • André Santini – Secrétaire d’Etat auprès du Ministre du Budget, chargé de la Fonction public
  • Alain Taravella – Président directeur général du groupe ALTAREA

 

 

Le maintien des commerces de proximité est une des priorités des politiques locales. Au centre du réseau social les commerces au centre des villes donnent un aspect dynamique par l’effervescence de leur activité et rassurent par leur présence. Mais à l’heure de l’uniformisation des magasins de vêtements comment maintenir la diversité d’un site urbain ?

 

Fonction sociale du commerce en centre ville. Au moment où le lien social se délite dans des villes tendant à s’uniformiser, il apparaissait nécessaire de croiser les points de vue d’acteurs prépondérants de la cité. D’une part des politiques, dont la fonction est de réguler l’activité sociale et économique et d’autre part un promoteur et exploitant de centre commercial dont la fonction est de créer une dynamique économique et sociale. Pour Lyne Cohen-Solal, adjointe au maire de Paris, chargée du commerce, de l’artisanat, des professions indépendantes et des métiers d’art, conseillère d’arrondissement du 5e arrondissement de Paris, il est primordial de continuer à maintenir la diversité entre les différents commerces afin que la ville soit une force de proposition alternative aux grandes surfaces en périphérie. Elle déplore que le commerce de proximité soit trop souvent associé au commerce de « luxe » alors qu’il faudrait prendre également en compte le bilan carbone induit dans l’achat d’un produit en périphérie. Le commerce de proximité a également une fonction d’intégration puisqu’il sort des catégories sociales fragilisées de leur isolement et que les commerçants connaissent leurs clients et leurs attentes contrairement au personnel des grandes surfaces. La fonction sécurisante des commerces de proximité n’est pas non plus à sous estimer. La lumière des magasins est rassurante et donne à la ville une animation stimulante. Les commerces parisiens sont plus nombreux qu’à Londres ou Rome, on en compte 285 pour 10 000 habitants et 80 marchés non sédentaires. Sans ces marchés, le ravitaillement serait très insuffisant dans la capitale. Mais pour André Santini, maire d’Issy les Moulinaux, la création du centre commercial d’Issy en 1992 a redonné une vie à cette banlieue qui était étiquetée banlieue dépotoir à côté du chic 15eme. L’un de ses chantiers prioritaires a été d’aménager une friche de 42 hectares complètement abandonnée et la création du Centre d’Issy a contribué à sauver cette banlieue sans vie. Pour André Santini un centre commercial c’est avant tout un réseau de commerces solidement organisés, gérés par des familles, alliant un professionnalisme et une exigence de qualité. Soulignant que, pour les politiques, les commerces représentent une donnée essentielle dans l’organisation d’une ville et qu’un maire se doit de travailler étroitement avec ses animateurs. Il fallait aussi rapidement innover en matière d’offre : Issy fut la première ville à ouvrir le marché en plein air, l’après-midi et biologique pour un tiers de ses stands. Les marchés d’Issy drainent à présent 27 000 clients par semaine. Alain Taravella (PDG d’Altarea, opérateur industriel global de centres commerciaux) a bâti son entreprise sur le retour des commerces en centre ville mais il souligne que le commerce de périphérie reste une nécessité pour des produits exigeant d’importants espaces de stockage (type Ikea) et que le principal obstacle pour le commerce en ville est de se garer. Il faut, selon lui, offrir des solutions d’accès pratiques comme la construction de parkings ou le développement du tramway. C’est une fausse bonne solution pour Lyne Cohen Solal qui rappelle que la voiture et le caddie sont révolus. Il faudra à l’avenir maîtriser les flux pour que la ville ne soit pas inhabitable en développant la commande, le service à domicile, les messageries.

 

Impact de la LME sur l’évolution des commerces en ville. Pour l’adjointe au maire de Paris le pouvoir des maires en matière de régulation a également tendance à s’amoindrir avec la Loi de modernisation économique (la LME adoptée au printemps 2008) puisqu’elle supprime la demande d’autorisation, en commissions départementales d’équipement commercial (CDEC), pour l’implantation d’un commerce de moins de 1000m2. La conséquence immédiate est l’implantation de plus en plus importante des hard discounters à Paris sans que la mairie connaisse leurs projets de développement. Ces nouveaux commerces souvent liés aux grandes surfaces Casino et Carrefour sont une menace directe pour les petits commerces qui ne pourront pas s’aligner sur les mêmes prix. L’autre objet d’inquiétude de Lyne Cohen Solal est l’ouverture prochaine des magasins le dimanche. Mais pour Alain Taravella un commerce, quel qu’il soit, ne peut s’installer si la mairie si oppose. Le commerce nécessitant avant tout un consensus. Pour répliquer à l’offensive du hard discount Lyne Cohen Solal aimerait que les commerçants adhèrent obligatoirement aux associations de commerçants, permettant ainsi à la mairie de connaître leurs activités. De ce point de vue les Champs Elysées sont un exemple en matière de solidarité, d’animation et d’attractivité entre commerçants même si toutes les enseignes ne jouent pas le jeu et que les cinémas, concurrencés par les enseignes vestimentaires comme Zara ou H&M, sont actuellement en grand danger.

 

Comment maintenir la diversité ?

La question de la diversité est essentiellement liée aux loyers élevés des centres villes et c’est finalement cette donnée qui est bien plus handicapante que la concurrence de la périphérie. D’autre part la solution de la préemption de baux commerciaux par la mairie s’avère inadaptée aux réalités de la culture du commerce. Alain Taravella déplore qu’actuellement en France les commerces de culture (cinéma et librairie) disparaissent alors qu’un centre commercial a aussi besoin de vendre de la culture pour maintenir une attractivité. L’adaptation des commerces à l’évolution du mode de vie est aussi la clé pour maintenir la diversité, l’ouverture des magasins le midi est à présent une donnée incontournable pour les centres commerciaux. André Santini soulignant qu’il faut savoir « prendre l’air du temps », faire évoluer son activité aux nouvelles habitudes.

2009 03, Marion Msika-Jossen, journaliste

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