2009 03 TR 15 : Les exclus de la consommation: comment en sortir?

Consommation : cité du commerce et de la consommation

Consommer est-ce bon pour la santé ?

 

  • Jean-Michel Cohen – Nutritionniste
  • Jacques Fricker – Médecin, nutritionniste
  • Georges Grunenwald – Directeur de la communication de Picard Surgelés
  • William Lowenstein – Médecin, spécialiste des addictions, directeur général de la Clinique Montevideo
  • David Servan-Schreiber – Docteur en médecine, professeur clinique de psychiatrie

 

Quelles sont depuis quelques années les transformations à l’œuvre dans les comportements alimentaires ? Les messages d’interdiction radicale ont-ils été réellement efficaces en France ? Les consommateurs devenus des « consommacteurs » ne sont-ils pas aujourd’hui suffisamment informés et responsables pour décider par eux-mêmes de la dangerosité de leur consommation ?   

 

Les français ont des bonnes notions d’hygiène alimentaire.

Les campagnes nutritionnelles des deux dernières décennies ont fait leur effet. Selon le sondage d’Opinion Way la consommation de fruits et légumes arrive en tête chez les français dans la liste des produits et services bénéfiques pour la santé, suivi par le sport et les médicaments. Les nuisances sont pour les français le tabac et l’alcool, les drogues, les aliments gras sucrés, la pollution. Parmi les préoccupations la source d’inquiétude grandissante se focalise aujourd’hui sur le surdosage d’ondes émises par les ordinateurs, le wifi et les téléphones portables. Pour le docteur Fricker l’évolution notable chez les français concerne l’appréciation intelligente du vin qui a longtemps été un fléau. Dans un pays dont la tradition culinaire ne peut se passer d’alcool les français ont acquis l’idée que le vin est mauvais lorsqu’il est consommé en quantité mais bénéfique à petite dose. Pour le docteur Lowenstein les français ont également enfin compris que ce n’est pas parce qu’un produit est autorisé qu’il est bon à la consommation. Il souligne que l’alcool et le tabac, autorisés par l’Etat, font 100 000 morts par an alors que l’héroïne et la cocaïne sont responsables de 100 décès après le cannabis qui est la cause de 230 accidents mortels. Les différentes campagnes de prévention sont progressivement passées d’une logique manichéiste d’élimination totale à une logique d’explication et de réduction des risques. En somme une vision plus anglo-saxonne et moins cartésienne, autoritaire, de la santé. Le docteur Servan Schreiber souligne de son côté que la consommation ne doit pas être comprise comme un élément isolé mais s’inscrire dans un projet d’ensemble, une vie harmonieuse, une culture du bien être. Le « bien manger » ne peut être séparé de la convivialité, en famille ou avec des amis. Absorber de bons aliments dans le stress reste une consommation de mauvaise qualité. Apprendre à gérer l’anxiété pourrait même influer sur la réduction des risques de rechute du cancer. Mais on ne gagne guère d’argent à recommander cette simple mesure de bon sens.

 

Penser raisonnable et juste. Pour le docteur Fricker manger bien ne veut pas dire payer plus. La confection d’un bon panier est une affaire d’information qui passe par la lecture attentive des étiquettes où il faut exclure les acides gras hydrogénés que l’on trouve dans de nombreux produits industriels. Le bon consommateur est donc astucieux, malin, mangeant simplement, des produits locaux et de saison et conscient que la fracture alimentaire n’est pas une fatalité. Il ne faut pas non plus se réfugier dans le dogme « du tout frais ». On peut consommer intelligemment des produits surgelés, dont les prix ne sont pas excessifs, et qui conservent l’essentiel de leurs vitamines mis à part les Omega 3. La distribution des surgelés constitue même un plus permettant une plus grande consommation de fruits et légumes dans des organisations de vie où le temps passé en cuisine se réduit. L’information doit donc être graduée, le rôle des nutritionnistes consistant aussi à donner des repères justes de consommation en fonction des âges de la vie. La viande rouge est par exemple déconseillée pour les jeunes qui sont alors exposés au cancer du colon mais il est nécessaire que les personnes âgées en consomment pour lutter contre la dénutrition. Il faut également écouter son organisme et avant tout manger en quantité raisonnable rappelle le docteur Servan Schreiber. Le problème de la quantité reste un vrai problème dans des sociétés de surconsommation où la notion de satiété s’est perdue.

 

La dépendance au plaisir. C’est la façon et la quantité consommée qui fait prendre des risques. Consommer en lui-même n’est donc pas un danger mais il faut être conscient lorsqu’on franchit un des trois paliers qui va de l’usage, de l’abus puis de la dépendance. L’usage n’est pas de l’ordre de la nocivité mais on abuse d’une substance, psycho active ou alimentaire, lorsque celle-ci nous désinhibe ou que nous avons l’impression qu’elle nous fait du bien, que son bénéfice immédiat nous rend moins anxieux. Nous franchissons dès lors le troisième palier, celui de la dépendance : le cerveau enregistre l’effet de ce bénéfice et nous « dis », au vu du plaisir immédiat apporté, qu’il faut recommencer. C’est au fil de ces répétitions que s’installe des désordres cellulaires qui conduisent à la dépendance. Plutôt que d’interdire il faut donc apprendre à réduire l’usage et évaluer les stratégies pour pacifier les produits à risque. 

2009 03, Marion Msika-Jossen, journaliste

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