2009 03 TR 11 Hausse des prix et pouvoir d’achat : quel danger pour la démocratie ?

2009, Consommation : cité du commerce et de la consommation

Hausse des prix et pouvoir d’achat : quel danger pour la démocratie ?

  • Jérôme Bédier – Président de la Fédération des entreprises du Commerce et de la Distribution
  • Jean-Paul Betbèze – Economiste
  • Olivier Desforges – Président de l’Ilec – Institut de Liaisons et d’Etudes des Industries de Consommation
  • Grégoire Kaufman – Directeur commercial & marketing Ed

 
Nicolas Sarkozy a voulu marquer sa campagne en se présentant comme le président du pouvoir d’achat. Une préoccupation qui occupe les esprits de tous les Français depuis deux ans. L’inflation est l’autre grande inquiétude et on l’associe souvent à une menace pour la démocratie en évoquant le spectre des années 30. Quelles sont les réalités macroéconomiques des prix et le budget des Français s’est-il réellement amoindrit ? Comment qualifier la crise actuelle ?

 

Le pouvoir d’achat est-il vraiment en train de s’éroder ?
Selon les témoignages recueillis par Opinion Way, pour cette occasion, le passage à l’euro est toujours montré du doigt dans les commentaires des sondés qui déplorent également une envolée des prix sur les produits de première nécessité et les dépenses contraintes. L’hyperconsommation est décriée et les grandes surfaces ne répondraient plus, pour beaucoup, à la demande mais créeraient des besoins inutiles. Le développement des crédits à la consommation, accessibles sur simple demande dans autant d’enseignes que le consommateur le souhaite, contraindrait à des situations irréversibles de surendettement. Mais toutes les personnes constatent que sans être pauvres elles ont à présent des réflexes d’économies dans leur achat en développant des stratégies d’achat malin ou en se limitant. Mais pour Jérôme Bédier les chiffres d’augmentation du pouvoir d’achat des Français n’ont jamais été mauvais. Le pouvoir d’achat a même augmenté en 2007 de 3 % avec cependant un ralentissement de la baisse d’un certain nombre de prix. Il existe donc une controverse entre la réalité du pouvoir d’achat en matière de consommation et sa perception par les Français.  C’est ce ralentissement d’un certain nombre de prix qui donne l’impression aux consommateurs que les prix augmentent alors que la mondialisation avait produit beaucoup des baisses de prix sur toutes les denrées. La distribution jouait dans les années 90 un rôle dynamique que personne ne contestait. Mais la hausse du prix du pétrole et des courts des matières premières agricoles clôture aujourd’hui une période où tous les prix de la consommation baissaient et les consommateurs ont à présent une attitude de défiance vis-à-vis de la distribution qui est moins intéressante pour leur porte monnaie. Pour Jean-Paul Betbèze il y a peu de hausse des prix parce puisqu’il y a peu de croissance et il faut surtout éviter de descendre en dessous de 2% de croissance car cette déflation serait destructrice pour l’économie. Le pouvoir d’achat concernant la consommation est donc en réalité stable et c’est le transfert vers d’autres dépenses qui donne le sentiment d’une inflation pour le directeur commercial et marketing de Ed Grégoire Kaufman. Les dépenses pour le logement ont doublé depuis 1970, la santé grève une plus grande part du budget et le poste des télécommunications (110 euros par mois pour n’importe quel foyer) a pris une nouvelle place. Ces parts en augmentation viennent donc effacer le faible gain de pouvoir d’achat. Pour Olivier Desforges (Président de l’Ilec- Institut de Liaisons et d’Etudes des Industries de Consommation) nous sommes passé d’un hyper optimisme à un hyper pessimisme qui ne se justifie pas : la baisse actuelle de la consommation est limitée mais pas cataclysmique. Les prix en France sont 4 % moins chers que dans les autres pays européens en partie grâce aux lois Dutreil et Chatel. Ce mouvement devrait perdurer et aller même dans le bon sens avec la LME.

Les français manquent-ils d’offres de distributeurs ? Pour Grégoire Kaufman il ne faut pas réduire la LME à un supposé manque de concurrence entre les distributeurs. La grande distribution en France présente un panorama unique avec une multiplicité des formats (l’hyper, le super, le hard discount) et une proximité. Les acteurs ont aussi des structures capitalistiques très différentes puisqu’on trouve des groupes en Bourse comme Casino et Carrefour, des non cotés comme Auchan et des indépendants comme Super U ou Leclerc. C’est cette multiplicité qui permet d’avoir une concurrence sur les prix. En revanche Grégoire Kaufman aimerait voir une réelle concurrence entre les fournisseurs des distributeurs mais cette situation reste subordonnée à la croissance. Pour Olivier Desforges la loi sur l’urbanisme commercial ne produira pas d’effets avant 3 à 5 ans. Mais la dimension de la LME sur la négociabilité et les prix donnera des effets pour le consommateur beaucoup plus rapidement. Pour Jérôme Bédier il y a aussi un effet de loupe non négligeable avec les lois sur la consommation. On observe en effet une concentration des médias et du politique sur toutes ces questions d’achats et en particulier celles liées à la hausse des grandes marques dans les magasins alors que la consommation ne représente que 15 % du budget des ménages. Mais c’est aussi le seul sujet sur lequel l’Etat peut encore agir contrairement à l’immobilier et l’évolution des marchés… Cette focalisation signifie également que la consommation est un baromètre constant dans le rapport à l’achat des Français.

Payons-nous le prix réel ? Le développement du bio dans les hard discounts est en train de gagner du terrain. Pour Grégoire Kaufman il n’y a pas de clivage entre les produits bio et les hard discounts qui sont fréquenté par 70% des Français. Le HD n’est pas un circuit composé de mauvais produits et on devrait d’ailleurs y trouver de plus en plus de marques comme le propose Lidl à présent. Le consommateur a pris à présent l’habitude de panacher astucieusement différents prix. Pour Jérôme Bédier le métier du commerçant est d’offrir le choix et lorsque les études ont montré que le consommateur voulait plus de bio, tous les distributeurs ont augmenté leurs assortiments et se sont engagé auprès de Jean-Louis Borloo à augmenter l’offre de bio de 25 % par an. Mais le bio, qui intègre les coûts sociaux et environnementaux, pose finalement la question de la réalité d’un prix.  Pour Jean-Paul Bétbeze, pour qui le bio ne rime pas nécessairement avec qualité, nous n’avons qu’une vision partielle du prix puisque les coûts externes ne sont pas pris en compte pour les produits non bio. Des travaux sont actuellement entrepris en ce sens entre des économistes et Jean-Louis Borloo. D’autre part les prix ne sont pas ressentis de la même manière entre les générations. Les jeunes locataires ont plus de difficultés que les plus âgés souvent propriétaires. Les zones géographiques et la catégorie sociale avec des familles monoparentales qui rencontrent plus de difficultés, impactent également sur le « ressenti » d’un prix qui est finalement une notion très relative. La crise actuelle n’a donc rien à voir avec l’inflation des années 30 et même si le chômage augmente au cours de l’année 2009 les aides seront là alors qu’elles étaient inexistantes avant guerre. Nous sommes seulement embarqué dans un ralentissement important dont nous n’avions plus l’habitude. Le vrai problème de la crise selon Jean-Paul Bétbèze est le choc sur les pays peu développés et les risques réels de famine. Depuis un an on observe des émeutes de la faim, comme en Egypte et au Mali, et ces émeutes posent la question de bouleversements sociaux non imaginaires cette fois.

2009 03, Marion Msika-Jossen, journaliste

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