Etude de la perception et des pratiques autour
d’une coupure d’électricité
Incident Paris-Aurore du 19 novembre 1993
Direction scientifique :
Dominique DESJEUX, Professeur d’anthropologie sociale et culturelle à l’Université
Paris V – Sorbonne.
Etude réalisée par :
Laurence VARGA, Sociologue, chercheur à Argonautes.
Avec la participation de :
Serge BOUNIATIAN, Sociologue.
Sophie TAPONIER, Chercheur au Laboratoire d’Ethnologie de l’Université Paris V – Sorbonne, Directeur de la recherche et des études d’Argonautes.
Cécile BERTHIER, Sociologue, chercheur à Argonautes.
Contrat EDF, Février 1994
SOMMAIRE
PRÉSENTATION3
PREMIERE PARTIE, LES PERCEPTIONS DE LA COUPURE PAR LES USAGERS,
LE CHAMP IMAGINAIRE DE LA COUPURE. 6
I – Les perceptions de la coupure 7
1-. Des longueurs de coupure différentes. 7
2-. Un quartier dont la vie électrique est perturbée. 8
3-. Des coupures répétées, une confusion des usagers. 8
4-. Des perceptions variées. 9
5-. Un seuil de tolérance difficile à évaluer. 11
II- Les images de la lumière morte 13
1-. Le passé 15
2-. La campagne 15
3-. La guerre 16
4-. Les catastrophes 16
5-. L’enfance 17
6-. Les vacances 17
DEUXIEME PARTIE, LES PRATIQUES DES USAGERS PENDANT LA COUPURE 18
I- Les perturbations en chaîne et les diverses formes de coût 19
1-. Le coût financier 20
2-. Le coût émotionnel 21
3-. Le coût temporel 22
II- Les pratiques de substitution à la lumière et au chauffage 22
1-. Des pratiques de substitution rares. 23
2-. La lumière comme besoin essentiel 24
3-. Le chauffage, une préoccupation secondaire que les conditions climatiques ramènent au premier plan. 26
3-1. Les professionnels, une relation au chauffage qui dépend de la nature de l’activité 27
3-2. Les usagers domestiques ayant un chauffage mixte, une consommation d’énergie supérieure à la normale 28
3-3. Les usagers ayant une seule source d’énergie de chauffage, une variation des temps de refroidissement 29
III- Les pratiques de substitution aux loisirs 34
1-. Le vendredi soir 35
2-. Le samedi 36
2-1. Les sorties, une forme de loisir, la quête d’un refuge 36
2-2. Les pratiques à la maison 37
2-3. Les cas particuliers, la coupure facteur de lien social et la coupure ludique. 40
2-4. Quelques exemples de préventions pour une future coupure 40
IV- Les professionnels, des pratiques tournées vers la clientèle. 42
1-. La double fonction de la lumière, vecteur d’activité et signe d’activité 42
2-. L’électricité comme vecteur d’honnêteté 44
3-. Les multiples déplacements 45
4-. La baisse du chiffre d’affaire et de clientèle 46
5-. Le cas particulier de la brasserie 46
TROISIEME PARTIE, LA RESPONSABILISATION, LES ATTENTES ET LES PRATIQUES, DES USAGERS ENVERS L’ENTREPRISE EDF. 48
I- La responsabilisation 49
1-. Les usagers, le complexe de la sur-consommation. 49
2-. EDF, une entreprise mise en cause. 50
2-1. Un service minimal non assuré. 50
2-2. La communication 52
2-3. Les moyens mis en place par EDF 54
II- Les attentes des usagers par rapport à EDF 56
1-. Etre prévenus 56
2-. Obtenir des excuses et explications 57
III- Les pratiques des usagers à l’égard de l’entreprise EDF pendant et après la
coupure 58
1-. S’informer pendant la coupure 58
2-. Porter plainte après la coupure 60
SYNTHESE
PRÉSENTATION DE L’ETUDE
A la demande la DEPS-EEG « économie externe », Argonautes a réalisé une étude qualitative auprès de vingt résidents et professionnels du XXème arrondissement ayant subi une coupure d’électricité d’une durée variable (de cinq à vingt-six heures) entre le vendredi 19 novembre (19h47) et le samedi 20 novembre 1993 (20h30).
L’objectif de cette étude était de recueillir les pratiques des clients domestiques et professionnels ayant subi cette coupure électrique. Il s’agissait essentiellement de comprendre quelles perturbations avait engendré cette coupure dans le déroulement de l’activité (professionnelle ou non) et quelles pratiques de substitution avaient été mises en oeuvre pour pallier à cet incident. Une attention particulière a été accordée aux pratiques de substitution du chauffage, l’épisode ayant eu lieu lors d’un week-end où la température était particulièrement basse. Enfin, était également abordée la question des comportements de prévention de la clientèle face aux éventuels incidents électriques futurs, et la perception de la responsabilité de l’entreprise EDF dans ce type d’incident.
SYNTHÈSE DES RÉSULTATS
I- Les perceptions de la coupure
– La différence de perception chez les usagers ayant subi une coupure de vingt-six heures et ceux ayant subi une coupure de cinq heures montre qu’entre les deux est franchi un seuil de tolérance à la coupure et un seuil de contraintes engendrées par celle-ci.
Chez les premiers la coupure a acquis un statut d’événement alors que chez les autres, la coupure du 19 novembre n’est pas toujours distinguée des nombreux autres cas de coupure déclarés dans ce quartier.
L’écart important entre cinq et vingt-six heures de coupure ne permet pas d’évaluer où se situe le seuil de tolérance à la longueur de coupure, mais on peut postuler que la coupure devient difficilement tolérable lorsqu’elle dépasse la durée d’un cycle d’activité et surtout lorsqu’elle déborde sur une deuxième journée.
– Le début de la coupure est facilement repéré par tous car il correspond à un moment-clé de la journée : c’est l’heure du retour de travail ou du dîner pour certains.
– Le délestage opéré sur une partie des résidences est rarement perçu comme un apport d’électricité soulageant la situation initiale de coupure, mais plutôt comme une multiplicité de coupures successives.
– Par ailleurs, plusieurs usagers, déclarent ne pas avoir eu d’électricité jusqu’au dimanche soir.
– Enfin, la coupure se situe dans un champ imaginaire où se superposent des souvenirs d’enfance et de guerre. Elle rappelle les conditions de vie frustes de la campagne et des temps anciens. Le Moyen-Âge et l’époque des grands parents sont des références courantes.
II- Les pratiques des usagers pendant la coupure
– Pendant la coupure les usagers ont eu à affronter une série de perturbations formant parfois une série d’effets en chaîne.
– On constate que les usagers mettent en place peu de moyens de substitution. D’une part, ils se sentent démunis de tout moyen d’intervention face à l’absence d’électricité qui représente la seule source d’énergie disponible ordinairement, d’autre part, ils sont en situation d’incertitude car ils ne connaissent pas la durée de la coupure et ne savent pas quel type de mesure prendre.
Cependant quelques pratiques sont mises en oeuvre, en particulier pour pallier à l’absence d’éclairage. C’est le seul vecteur d’électricité pour lequel les usagers ont en permanence un élément de substitution (bougies, lampes de poche) et pour lequel des pratiques sont mises en œuvre rapidement.
– Les conditions climatiques de la période concernée donnent au chauffage une place égale à celle de l’éclairage. Si les usagers domestiques ayant un système de chauffage mixte n’ont pas souffert du froid leur consommation d’énergie annexe a augmenté. Enfin, la résistance au froid des autres dépend du type de chauffage utilisé et surtout de son temps de refroidissement.
Les deux « pratiques » de substitution du chauffage sont le port de vêtements chauds et les sorties à l’extérieur (chez des proches ou dans des centres commerciaux).
– En dehors des pratiques liées à l’éclairage, les pratiques de substitution se mettent en place à partir du deuxième jour. En effet, le vendredi soir, les usagers se contentent de se coucher plus tôt qu’à l’habitude. Le samedi, des sorties sont organisées.
Le congélateur est l’appareil électro-ménager pour lequel la coupure a causé le plus d’inquiétude et de dégâts. Certains usagers ont déménagé les denrées vers d’autres congélateurs, les autres se sont contentés de ne pas ouvrir pendant toute la période de coupure, afin de garder le froid dans l’appareil. Cette tactique a eu des résultats inégaux.
– Pour les usagers professionnels, c’est l’absence d’éclairage qui a provoqué les plus importantes perturbations. En effet, pour ceux-ci l’éclairage électrique est à la fois la source de lumière permettant de procéder à l’activité, et le signe permettant aux clients de repérer que le magasin est ouvert et en activité : lorsque le magasin n’est pas allumé, les clients n’entrent pas.
D’autre part, les professionnels n’habitant pas sur place, ils ont effectués de nombreux déplacements pendant le week-end afin de vérifier l’état de la coupure dans leur magasin. Enfin, ils ont subi une baisse de leur chiffre d’affaire.
III- La responsabilisation et les attentes des usagers envers l’entreprise EDF
– Le complexe de la surconsommation :
Si la plupart des usagers interrogés ne cherchent pas à connaître les raisons de la coupure, quelques-uns l’expliquent par une consommation excessive entraînant une rupture des câbles. Cette consommation excessive est parfois attribuée à un manque de civisme.
– L’entreprise EDF mise en cause :
Certains usagers pensent qu’une entreprise telle qu’EDF devrait assurer un service minimal quelles que soient les circonstances et qu’elle n’a pas fait preuve de compétence. Le manque de moyens techniques et de main d’oeuvre est dénoncé par quelques interviewés. Les moyens de communication entre techniciens sur le terrain et dans les services centraux, ainsi que ceux entre usagers et employés d’EDF sont particulièrement mis en cause. Les usagers auraient aimé être informés de la durée éventuelle de la coupure et surtout obtenir des explications et des excuses à la suite de cette coupure.
Enfin, si aucun des interviewés n’a mené à terme une procédure de réclamation, environ la moitié d’entre eux y a songé. Des concertations entre usagers ont quelquefois eu lieu. En revanche, tous sont d’accord pour affirmer qu’aucun recours n’est possible auprès d’une telle entreprise, ceci explique d’ailleurs l’abandon de ceux qui avaient initialement décidé de poser une réclamation.
PRÉSENTATION
Objectifs de l’étude
Le présent rapport présente les résultats d’une enquête qualitative menée auprès de résidents du XXème arrondissement ayant subi une coupure d’électricité de durée variable les 19 et 20 novembre 1993.
Cette coupure, qui a pris effet le vendredi 19 novembre à 19 heures a touché une zone à proximité du métro Saint Fargeau couvrant entre autres les rue Haxo, du Borrégo, Henri Dubouillon et une partie de l’avenue Gambetta.
Cette zone comprend essentiellement des immeubles d’habitation et quelques locaux commerciaux accueillant des commerces de proximité (regroupés en grande partie sur l’avenue Gambetta).
L’ensemble de consommateurs (soit 1400 clients) touchés est relié à trois postes qui ont été réalimentés à des heures différentes pour des raisons diverses que nous n’exposerons pas ici. En conséquence la coupure s’étend d’une durée de six heures pour certains clients à une durée de vingt six heures pour d’autres en passant par un système d’alternance d’alimentation et de coupure toutes les deux heures pour une troisième catégorie.
L’objectif de cette étude est de recueillir les pratiques des clients domestiques et professionnels ayant subi cette coupure électrique. Il s’agit essentiellement de comprendre quelles perturbations a engendré cette coupure dans le déroulement de l’activité (professionnelle ou non) et quelles pratiques de substitution ont été mises en œuvre pour pallier à cet incident. Une attention particulière sera accordée aux pratiques de substitution du chauffage, l’épisode ayant eu lieu lors d’un week end où la température était particulièrement basse. Enfin, il sera question des comportements de prévention de la clientèle face aux éventuels incidents électriques futurs.
Population interviewée
L’enquête a été réalisée par entretiens semi-directifs d’une durée variable de une heure à une heure et demie qui se sont tenus entre le 24 janvier 1994 et le 5 février 1994. Vingt entretiens qualitatifs ont été menés.
Nous avons rencontré :
– 5 clients professionnels ayant subi une coupure de 5 heures plus délestage,
– 5 clients domestiques ayant subi une coupure de 26 heures,
– 7 clients domestiques ayant subi une coupure de 5 heures plus délestage,
– 3 clients domestiques ayant subi une coupure de 6 heures,
soit : 5 clients professionnels et 15 clients domestiques.
Comme convenu, les deux clients professionnels ayant subi une coupure de 26 heures ne pouvant être contactés, le nombre d’entretiens des clients domestiques ayant subi une coupure de 5 heures plus délestage est passé de cinq à sept.
Quelques entretiens avec les clients domestiques se sont effectués en présence des deux conjoints.
Les clients professionnels interrogés dirigent des petits commerces de proximité. Nous n’avons pas rencontré d’interlocuteur dirigeant une grande société, ou un cabinet d’étude. Il semble que l’essentiel de la clientèle professionnelle de ce quartier soit composé de petits commerçants et d’organismes de copropriété.
Plan du rapport
Les données recueillies sont présentées sur trois parties. Dans la première partie, nous nous intéresserons aux perceptions des usagers liées à cette coupure et tenterons de restituer un panorama du champ imaginaire dans lequel la coupure se situe.
Dans la deuxième partie, nous exposerons l’ensemble des perturbations et des pratiques des usagers liées à l’absence d’électricité.
Dans la troisième partie, nous traiterons des opinions et des pratiques des usagers tournés vers l’entreprise EDF et de l’attribution de la responsabilité de cette coupure aux différents acteurs présents.
PREMIERE PARTIE :
LES PERCEPTIONS DE LA COUPURE PAR LES USAGERS
LE CHAMP IMAGINAIRE DE LA COUPURE.
I – Les perceptions de la coupure
Nous analyserons dans cette première partie la façon dont les usagers ont appréhendé « l’événement-coupure » d’un point de vue perceptif, c’est à dire en dehors de la question des pratiques qui y sont liées ou qui ont été perturbées. Nous traiterons de la perception qu’ont les usagers de la longueur de cette coupure et des référents imaginaires qui lui sont associés.
1- Des longueurs de coupure différentes.
Avant toute chose, il est nécessaire d’opérer une distinction entre les usagers ayant subi une coupure de vingt six heures, de cinq heures (avec délestage) et de six heures. Tout comme les perturbations entraînées par cette coupure, le souvenir est avant tout dépendant du nombre d’heures de coupure subi. On peut dire très simplement que plus la durée de la coupure est longue, plus la coupure acquiert le statut « d’événement ». En conséquence, plus le souvenir que l’individu a de cette coupure est fort et plus « l’événement-coupure » est associé à des événements marquants de l’histoire individuelle ou à des périodes historiques fortement connotées.
« Cette panne me fait penser à la guerre, aux bombardements, j’avais 10 ans, j’étais en Lorraine, on se réfugiait dans les caves. On se demande ce qui se passerait s’il y avait un attentat sur un réseau EDF ! »
(Domestique, 26 heures)
Nous reviendrons sur la distinction nécessaire entre les populations plus ou moins longuement touchées. Cependant, on peut d’ores et déjà affirmer qu’entre cinq et vingt six heures est franchi un seuil de contrainte. Il est difficile, au vu de l’écart entre cinq heures et vingt six heures, d’évaluer la place exact de ce seuil. Dans le premier cas, c’est une coupure perturbante mais encore tolérable pour peu qu’elle soit exceptionnelle.
« J’étais agacée. Je voulais savoir pourquoi ça n’était pas réparé plus vite. J’ouvrais ma porte pour faire un peu de clarté aux gens qui montaient. On a eu des coupures, jamais aussi longues. On voyait passer des camions EDF. »
(Domestique, 6 heures)
Dans le second cas, elle devient un événement parfois lourd de conséquences (financières et émotionnelles) et difficilement supportable dans sa durée.
2- Un quartier dont la vie électrique est perturbé.
Par ailleurs, il semblerait que les cas de coupure soient nombreux dans ce quartier. D’après certains usagers, des travaux effectués sur le réseau EDF au cours de l’année écoulée auraient causé un grand nombre de perturbations dans « la vie électrique » du quartier. De façon unanime, et souvent sans recherche d’explication, le quartier est considéré par ses habitants comme un quartier où l’approvisionnement en électricité pose problème.
« Chez nous il y a souvent des pannes, surtout rue de Borrégo. Là, ils venaient juste de refaire les travaux. »
(Domestique, 26 heures)
« Ces derniers temps beaucoup de coupures se sont passées dans l’immeuble j’ai du mal à me souvenir précisément. »
(Domestique, 5 heures)
3- Des coupures répétées, une confusion des usagers.
Si les coupures sont un phénomène courant dans ce quartier, et en quelque sorte banalisé, la durée de l’incident du mois de novembre est exceptionnelle. Elle fait passer cette coupure au rang « d’événement », surtout pour les usagers touchés pendant vingt-six heures. A l’inverse pour un certain nombre d’usagers ayant été coupés moins longuement, la répétition de ces incidents empêche l’isolement d’un cas particulier de coupure. En conséquence, il est arrivé à plusieurs reprises que les interlocuteurs déclarent ne plus savoir si leur souvenir correspondait bien à l’incident du mois de novembre : il y a confusion entre les coupures.
« Je ne me souviens pas bien comment ça s’est passé. Il n’y avait rien de particulier. Finalement, je ne suis pas certain que cette panne était un vendredi à la fin de novembre car ça arrive de temps à autres. Après plusieurs fois, on ne sait plus bien. On oublie. C’est banal. »
(Professionnel, 5 heures et plus)
« Je ne me rappelle plus du tout ce qui est arrivé. Je crois que cela a dû arriver en début d’après-midi mais à quelle heure exactement, impossible de me rappeler. Je suis là de 14h à 18h. c’était un vendredi je crois, j’ai constaté qu’il n’y avait plus de lumière. Je suis sorti pour voir s’il n’y avait pas de lumière. C’était une panne de secteur. Les autres commerçants avaient les mêmes problèmes. Ça a dû commencer durant l’après-midi. Il y a souvent des pannes ici. Ce n’est pas la première fois. Une fois, un câble a pris feu. »
(Professionnel, 5 heures et plus)
4- Des perceptions variées.
Le vendredi soir, le début de la coupure est situé par la majorité des inrerviewés dans une tranche horaire entre 18 et 19 heures. Certains donnent une heure précise (18h45) mais la plupart la situent « vers » 19 heures. C’est une heure particulière dans le rythme de la journée : l’heure du retour du travail, ou l’heure de début du repas. Pour certains clients professionnels, cela correspond à l’heure de fermeture et pour d’autres c’est en temps normal, le début de la période d’affluence. En conséquence, le début de la coupure est retenu parce que assimilé à un des moments-clé de la journée.
« On s’est aperçu de la coupure vers 19h, on avait acheté tout ce qu’il faut pour une raclette, c’était pour fêter le retour de vacances de notre fille, mais on n’a rien pu faire, il a fallu laisser tomber la raclette. On a mis des bougies par ci par là parce qu’on n’y voyait rien. »
(Domestique, 26 heures)
Le samedi est un jour de repos pour la plupart des clients domestiques. Les horaires des différentes activités de la journée sont moins fixes, le programme peut varier d’un samedi sur l’autre et il existe moins de repères formels permettant de situer les heures de coupure. De plus, nombreux sont ceux qui passeront l’après-midi à l’extérieur pour pallier au froid. C’est pourquoi, à l’inverse des professionnels, la plupart des clients domestiques évaluent difficilement les moments successifs de coupure.
Les clients professionnels sont pour leur part beaucoup plus fermes quant à l’identification des périodes de coupure en raison des multiples rebondissements qu’elles ont entraînés dans le déroulement de leur après-midi.de travail
« Ça a d’abord coupé entre 18 h et 19 h jusqu’à minuit, le vendredi soir. Ça a recommencé le samedi entre 11h et 17h. Ensuite c’est revenu pendant deux heures et ça a recoupé le dimanche un quart d’heure par ci par là. Ils devaient faire des essais avec la centrale. »
(Professionnel, 5 heures plus délestage)
« Ça a coupé vers 18 heures, et on a fermé à 19 heures parce qu’on ne pouvait plus servir les clients. Samedi, ça marchait en arrivant et ça a recoupé dans l’après-midi. »
(Professionnel, 5 heures plus délestage)
A ce propos, il faut souligner que pour une partie des usagers, le délestage n’a pas été assimilé à un apport d’électricité à intervalles réguliers ayant pour but d’alléger la gêne causée, mais à une succession de coupures venant interrompre cette situation normale qu’est la présence d’électricité.
En conséquence, la majorité des usagers ayant subi les coupures de cinq heures avec délestage s’assimile d’elle-même à la catégorie des usagers ayant subi une coupure de vingt six heures.
Enfin, les avis sur la fin de la coupure sont divergents mais plusieurs usagers déclarent ne pas avoir eu d’électricité jusqu’au dimanche soir.
« Ça a commencé le vendredi à 19 heures et ça a duré jusqu’au dimanche soir 23 heures quand ils ont installé les groupes. J’en suis sûr parce que quand je suis monté le dimanche à midi, il n’y avait pas de courant. Ça s’est remis plusieurs fois pendant cinq minutes mais c’est tout. »
(Domestique 26 heures)
« Vendredi soir vers 18h ça a commencé… Le courant a été coupé du vendredi soir au dimanche soir. »
(Domestique 26 heures)
« Ça a commencé le soir vers 19h. Vendredi 19 Novembre. Ça a duré jusqu’au lundi matin. Nous étions les derniers à être rétablis. Quand je suis rentré lundi matin c’était rétabli. La panne a duré plus de 40h. »
(Domestique, 26 heures)
On peut se demander si ces usagers ont effectivement subi une coupure jusqu’au dimanche soir ou si l’événement a été tellement marquant qu’ils l’amplifient pour en marquer l’importance.
5- Un seuil de tolérance difficile à évaluer.
Il est difficile d’évaluer où se situe la limite d’une durée tolérable de coupure. Comme on l’a vu précédemment, un seuil est franchi entre cinq et vingt six heures, mais le discours sur la durée tolérable se définirait plutôt entre coupure de quelques heures, c’est-à-dire une ou deux heures et coupure très longue. On pourrait diviser comme suit, les trois sortes de coupures et leur appréhension :
– Lorsque l’entretien porte directement sur des coupures d’une longueur certaine, les micro-coupures sont abordées en référence comme des incidents sans importance.
– A partir d’une durée de une ou deux heures, la coupure acquiert le statut de coupure.
« Il y a souvent des coupures de courant courtes. Deux heures, c’est une grande coupure déjà. »
(Domestique, 6 heures)
Elle prête à perturbation, mais est à la longue assez vite oubliée. En témoigne notre difficulté à convaincre les usagers ayant subi cinq heures de coupure à accepter le principe d’un entretien.
« On n’a pas appelé EDF, pour quoi faire, oh, ça n’a pas duré bien longtemps, le dimanche c’était revenu. »
(Domestique, 5 heures)
– Lorsque la coupure dépasse cette durée, elle commence à perturber l’activité de façon conséquente. Lorsqu’elle se mesure en journées, elle n’est plus tolérable.
« Une heure de coupure, ça va, deux jours, ça devient vraiment très long. En plus ça se passait un week-end où il faisait vraiment très froid. On aurait envisager d’aller chez des amis si vraiment la coupure avait duré plus longtemps. »
(Domestique, 26 heures)
« Quand la coupure est de 2 ou 3 heures, c’est bon, mais quand c’est long comme ça, ils pourraient prévenir par courrier, même après. »
(Domestique, 26 heures)
Outre l’effet d’intensification progressive de la gêne au cours des heures de coupure, on peut comprendre le passage des seuils de tolérance en replaçant les diverses activités dans les cycles dans lesquels elles s’insèrent. Changer l’ordre des activités à l’intérieur d’une journée est supportable, dans le cycle d’une semaine, cela devient plus complexe et perturbateur. Parallèlement, les contraintes en matière de confort de vie et de besoins élémentaires (hygiène, cuisine) se répètent et sont moins tolérés.
« Je ne me suis pas inquiété. Au début, je me suis dit, ça va, ça ne durera pas, mais le samedi j’ai commencé à m’inquiéter, j’étais très en colère. «
(Domestique, 26 heures)
En quelque sorte la coupure prend de l’importance quand elle dépasse les limites d’un cycle d’activités : lorsqu’une coupure dure deux heures, les activités prévues pendant ces deux heures seront reportées aux heures suivantes ou à la même période de la journée suivante, lorsque la coupure dépasse le seuil de la journée suivante, de nouveaux reports sont à faire, la gêne (taper un rapport ou prendre une douche) se répète et s’intensifie. On passe d’un cycle d’activités compris à l’intérieur d’une journée au cycle naturel d’une journée par rapport à une autre.
« l y a des gens qui en ont fait une maladie, mais…c’est gênant quand même, on attend une heure et puis après, on commence à en avoir marre. »
(Domestique, 26 heures)
« La gêne, c’était à Saint Fargeau, là ils ont rétablis seulement 24 heures après, les clients m’en ont parlé. »
(Professionnel, 5 heures)
Par ailleurs, la tolérance est dépendante de la population touchée par la coupure. Les personnes âgées et les enfants sont désignés comme les personnes les plus receptives aux inconvénients d’une coupure et pour lesquelles le seuil de tolérance est très bas.
« C’est inadmissible de voir ça en plein Paris, il y a des personnes âgées, des femmes avec des bébés, les femmes enceintes…ça ne devrait pas arriver. »
(Domestique, 5 heures)
En conséquence on envisage beaucoup plus rapidement des mesures de substitution pour ces populations.
« Si le bébé avait été là (bébé de six mois), j’aurais fermé dans les dix minutes qui suivent. »
(Professionnel, 5 heures)
Enfin, la tolérance est également dépendante du caractère collectif de la coupure. En effet, lorsque c’est toute la collectivité qui est touchée par la coupure, les usagers supportent mieux la contrainte. En revanche, lorsque leur situation se marginalise, les premiers signes de contrariété apparaissent.
« On l’a assez bien pris, sauf quand on a vu que ça se rallumait partout et qu’on restait en carafe. »
(Domestique, 26 heures)
« Ce qui nous gonflait, c’est qu’on voyait les autres en face qui avaient de la lumière, et nous on n’avait rien. »
(Domestique, 26 heures)
Parrallèlement, les usagers ayant constaté chez eux un retour de la lumière plus rapide, s’estiment privilégiés.
« Heureusement qu’on a eu le groupe, c’est ce qui nous a sauvé. En face, ils n’ont rien eu du tout, ils étaient dans le noir tout le temps. Il y a beaucoup de personnes âgées dans cet immeuble, je ne sais pas comment elles ont fait. »
(Domestique, 5 heures)
II- Les images de la lumière morte
Tout au long du discours, les usagers domestiques illustrent leurs propos de références qui installent la coupure dans un champ imaginaire particulier. Ainsi les figures évoquées renvoient-elles à des événements du passé, d’un passé plus ou moins proche, mais fruste, à la guerre, à la campagne et à l’enfance.
A une exception près, les professionnels rencontrés n’habitent pas le quartier. Si les perturbations engendrées par la coupure n’en sont pas moins importantes et porteuses de conséquences, celles-ci s’arrêtent lorsque l’individu franchit le seuil de son local commercial pour rentrer chez lui. Chez les quelques professionnels interviewés, le discours autour de la coupure induit peu de références imaginaires, il est plutôt de l’ordre d’une énumération de faits perturbateurs et de pertes d’ordre financier et horaire. Outre le fait qu’habiter à l’extérieur réduit le nombre d’heures effectif de coupure subi par l’individu, tout se passe comme si lorsque la coupure franchit le seuil de l’habitat domestique et pénétre l’espace intime, elle pénètre également un champ imaginaire élargi.[1]
Il semble que la pénétration de ce « champ imaginaire élargi » soit également liée à la période du jour pendant laquelle la coupure intervient. En effet ce sont les usagers ayant subi la coupure pendant une période nocturne qui appellent des scénarios imaginaires de type catastrophique. Ces scénarios tournent autour d’une réaction à l’absence de lumière. Cette absence de lumière renvoie à des images de guerre et des sensations d’angoisse. Ainsi, se profile ici une première impression de ce que pourrait être une hiérarchie des inconvénients générés par une coupure : avant tout, la lumière est indispensable.
L’aspect événementiel et mémorable de la coupure est souligné, dans le discours, par les adjectifs utilisés pour la qualifier et pour qualifier les moyens mis en place afin de pallier aux inconvénients qu’elle entraîne.
« Quand on est parti le samedi, on a vu des groupes électrogènes près de la piscine, on a vu que c’était vraiment une coupure fantastique. »
(Domestique, 26 heures)
« Il fallait voir le camion, il était énorme, moi j’ai l’habitude des petits groupes électrogènes, comme celui que j’ai à la campagne, mais là, c’était vraiment un monstre.«
(Domestique, 5 heures)
L’incident du mois de novembre est associé à des événements marquants, dont l’étendue et l’importance sont inscrits dans la mémoire collective.
« En 1974, il y avait eu une grosse coupure comme ça sur la moitié de la France, on avait été obligé de se brancher sur la Belgique et la Hollande. »
(Domestique, 26 heures)
« Il ne faut pas exagérer. A New York, ils ont été coupés trente-six heures, on ne va pas se plaindre ! »
(Domestique, 6 heures)
1- Le passé
Le discours est émaillé de références à des moments de l’histoire individuelle ou collective fortement connotés (évocateurs). Pour certains, cette absence d’électricité caractérisée en premier lieu par une absence de lumière et de chauffage, mais aussi par l’absence de tout moyen de confort, renvoie à des temps anciens et inconnus, que l’histoire rapporte comme frustes et « primitifs ». Ainsi le Moyen Âge est-il illustrateur de ce dénuement dans lequel plonge l’absence d’électricité.
« Ce dont nous avons le plus souffert, c’est du froid, nous étions emmitouflés dans les plaids. Nous étions là, comme replongé au Moyen-Âge, en plus sans lumière…, il n’y avait plus d’eau chaude non plus, donc pas de bain…, je ne pouvais pas faire la vaisselle, il a fallu chauffer de l’eau sur le gaz.
(Domestique, 26 heures)
Plus généralement, les temps anciens appartiennent à un passé moins lointain (celui des parents ou arrière-grands-parents) mais évidemment révolu.
« On a repensé avec émotion à nos grands mères qui brodaient à la lueur des chandelles, je ne sais pas comment elles faisaient. »
(Domestique, 26 heures)
« Pour l’éclairage on a mis des lampes de camping, c’est des lampes qui ont une recharge d’électricité, ça n’éclaire pas grand chose, on s’est retrouvé quelques années en arrière. »
(Domestique, 26 heures)
« Ce n’était pas normal. Plutôt désagréable. On se serait cru autrefois du temps des chandelles. On attendait. L’éclairage à l’ancien temps. »
(Domestique, 26 heures)
2- La campagne
Aux conditions difficiles des ces époques sont associés des lieux géographiques représentatifs d’un mode de vie plus archaïque (rustique). La campagne reste une référence de sous développement en matière de confort de vie.
« Au XXIème siècle, on ne peut pas imaginer 26 heures sans lumière. Je suis de la campagne, je sais ce que c’est les coupures, parfois ça s’arrête pendant une tempête, mais c’est pas long et ça revient après. »
(Domestique, 26 heures).
L’aspect fruste des conditions de vie décrits comme caractéristiques de la vie à la campagne est parfois envisagé sous un angle ludique.
« Nous, on va souvent à la campagne, on a une maison de campagne. En fait c’est une caravane avec un cabanon sur les bords de la Loire. Il n’y a pas de courant, on a l’habitude de s’en passer. On n’a pas de télévision non plus, on a la Loire en face, on s’assoit face à la Loire et la soirée se passe comme ça! Quand il n’y a pas d’eau, l’été, on se lave dans la Loire ! »
(Domestique, 5 heures)
3- La guerre
Pour certains usagers, un tel événement dans un espace urbain à forte concentration renvoie à des souvenirs pénibles d’une époque dangereuse. L’absence d’électricité rappelle l’incertitude et la complexité des conditions de vie en période de guerre, le danger et la peur.
« Ça m’a fait penser à la période de la guerre. On n’avait pas de courant. J’ai ressenti là de l’agacement, pas d’angoisse. Très souvent il y avait des coupures durant la guerre. J’étais dans ce quartier dans la même rue mais pas dans cet immeuble.
(Domestique, 6 heures)
4- Les catastrophes
Pour d’autres, la coupure est assimilée à une catastrophe naturelle ou « technologique », à un événement de grande ampleur face auquel l’usager est sans ressource.
« Tout cela, ça me faisait penser à ce qui arrive aux gens qui sont victimes des inondations. On arriverait plus maintenant à vivre sans la lumière. Et puis dans la rue, sans l’éclairage public pour les gens qui rentrent tard, c’est dangereux. Le quartier n’est pas bien fréquenté surtout la nuit. Tout cela évoquait une catastrophe. »
L’usager se retrouve « piégé » par les instruments qui font en temps normaux l’essence de sa qualité de vie.
« Je me suis sentie “otage de la mécanique”. J’étais contente de ne pas avoir d’invités. J’étais mécontente de ne pas savoir quand ça allait revenir. »
(Domestique, 6 heures)
« Ça m’a fait penser aux coupures que j’ai connues quand j’étais enfant. Là ça avait des conséquences. C’était en Australie, il y avait de longues grèves. Nous avions de gros congélateurs. Tout ce qui était dedans était jeté. »
(Domestique, 5 heures)
5- L’enfance
Dans la plupart des cas, cet événement renvoie à des images d’enfance. La guerre, les grands-parents, etc, sont autant de références à des périodes de la jeunesse de l’interlocuteur. Mais la coupure ne renvoie pas systématiquement à des souvenirs funestes. Elle peut évoquer une certaine douceur de vivre des temps passés.
« Ça m’a fait penser à notre enfance. J’ai grandi en Guadeloupe. On avait des ruptures de courant. On habitait à Pointe-à-Pitre. Avant la nationalisation de l’électricité, il y avait souvent des coupures. En voyant les gens avec leurs bougies, ça nous a fait penser à notre enfance. Mais en Guadeloupe il fait chaud ! les conditions ne sont pas les mêmes. C’était quand même un clin d’oeil à notre enfance. »
(Domestique, 26 heures)
6- Les vacances
Enfin, lorque le souvenir est agréable, il est aussi question de vacances.
« Ça m’a fait penser à mon enfance et à la panne de courant très longue que j’ai eue quand je suis allée aux dernières vacances en Guadeloupe. C’était presque comme un souvenir de vacances. »
(Domestique, 6 heures)
DEUXIEME PARTIE :
LES PRATIQUES DES USAGERS PENDANT LA COUPURE
I- Les perturbations en chaîne et les diverses formes de coût
La coupure a pour effet de perturber les activités des usagers. Les perturbations engendrées peuvent être le fait d’une conséquence directe (le fonctionnement des appareils électriques est interrompu), ou indirecte (par exemple, l’absence de lumière modifie l’appréhension de l’espace physique et rend complexe le déplacement).
« Dans les étages on entendait les gens descendre avec des lampes électriques et se cogner partout, et bien sûr, on ne pouvait pas prendre l’ascenseur. »
(Domestique, 26 heures)
Ainsi une chaîne d’effets pervers se met en place. L’exemple qui suit illustre bien les perturbations les plus courantes auxquelles ont été exposés les usagers domestiques victimes des longues coupures.
« Alors, j’aime mieux vous dire que c’était le noir absolu parce que dans cet immeuble tout est régi par l’électricité, plus de lumière dans le couloir, l’interphone ne marchait plus, les portes du parking s’ouvraient encore parce qu’il y a une sécurité, sinon c’est automatique. J’étais dans le noir le plus complet ! (…) J’avais des invités à dîner le vendredi soir, mon congélateur était plein, le réfrigérateur aussi, j’ai eu une perte de 1000 francs parce que j’ai perdu beaucoup de nourriture. J’ai téléphoné à mon assurance, ça ne marche pas pour les congélateurs, alors je l’ai dans l’os. Alors évidemment, pas de lumière, mais pas de plaques électriques non plus, alors on ne pouvait rien faire cuire. (…) Donc on est allé au restaurant, il n’y avait pas d’autre solution. On s’est éclairé avec des chandelles, je suis allé en acheter, le petit maghrébin du coin a été dévalisé en chandelles. (…) Bien sûr, pas de chauffage, il faisait vraiment très froid. Pas d’eau chaude non plus parce que le ballon d’eau chaude n’a pas fonctionné ! j’ai un tarif heures creuses/heures pleines, le ballon se déclenche normalement de 23h à 7h, et là ça n’a pas marché. Le lendemain matin, je n’ai pas pu prendre de douche, parce que les douches à l’eau froide…! (…) Je n’ai pas pu me faire chauffer de café alors je suis allé prendre le petit déjeuner dans un café. En plus je fais un métier où je suis en contact avec le public et je n’ai pas pu me raser alors ça c’était gênant aussi. (…) Je n’avais pas de téléphone non plus. J’ai un téléphone sans fil, ça ne marche pas s’il n’y a pas d’électricité, ça se décharge instantanément. Je pouvais recevoir des appels mais je ne pouvais pas en donner, c’est pour ça que je n’ai pas appelé EDF. Il aurait fallu que j’ai un téléphone normal. (…) Je n’ai pas pu me réveiller à l’heure parce que le radio réveil ne fonctionnait pas et je ne pouvais pas me faire réveiller par le service Télécom parce que je ne pouvais pas les appeler! (…) On a subi le froid très rapidement. A 19h, ça allait mais une heure après déjà il faisait froid. (…) Ici il y a du tissus tendu sur les murs, j’avais peur à cause de l’humidité. »
(Domestique, 5 heures)
Toutes ces perturbations engendrées par la coupure peuvent se distinguer en terme de coûts financier, temporel et émotionnel.
1- Le coût financier
C’est la perte de biens dont la qualité ou la survie dépendent directement du fonctionnement d’un appareil électrique. Le cas le plus fréquent est celui de la perte de denrées en raison de l’arrêt d’alimentation électrique du congélateur, mais de nombreux cas particuliers apparaissent au cours des entretiens.
« J’estime qu’avec ce qu’il y avait dans le réfrigérateur… j’ai dû tout jeter, c’est une perte tout de même ! Il y avait beaucoup de choses environ pour 500 à 600 Francs de produits de supermarché et de produits que j’ai rapporté de la campagne. Je n’ai pas fait de déclaration à l’EDF. Peut-être on aurait dû après tout ! »
(Domestique, 26 heures)
« Les voisins ont perdu tout un aquarium avec des poissons de prix. Ils sont furieux. Ça leur a coûté très cher ! «
(Domestique, 5 heures)
C’est aussi le coût issu de l’achat d’éléments substitutifs (chandelles, lampes) ou curatifs (les médicaments pour la bronchite causée par le manque de chauffage dans l’appartement).
« On s’est éclairé à la bougie. On a utilisé toutes les bougies décoratives de l’appartement. Il nous restait quelques bougies ordinaires, mais il a fallu utiliser également toutes mes bougies décoratives. Ensuite, nous avons encore racheté des bougies. »
(Domestique, 26 heures)
Enfin, c’est le coût engendré par les sorties entreprises pour pallier à l’activité initialement prévue chez soi (les invités qu’on mènent au restaurant, par exemple).
« Donc on est allé au restaurant, il n’y avait pas d’autre solution. «
(Domestique, 5 heures)
Pour les professionnels c’est la perte du chiffre d’affaire d’une période (vendredi soir et samedi) pendant laquelle se font ordinairement les meilleures ventes.
« Le vendredi soir, j’ai dû fermer environ une heure et demie plus tôt que d’habitude. Le samedi soir aussi. J’ai eu une perte de clientèle évidente, surtout le vendredi soir qui est un très bon soir. J’ai un manque à gagner, à partir de 19 heures on travaille bien, j’ai dû perdre entre 800 et 1000 francs en chiffre d’affaire. Normalement, je ferme à 21h. »
(Professionnel, 5 heures)
La perte de chiffre d’affaire ne s’évalue pas uniquement sur les jours de coupure, elle peut être différée (les clients n’achètent pas non plus pendant les jours qui suivent la coupure) et indirecte (après la coupure, les clients du quartier évitent d’acheter une marchandise virtuellement avariée).
« En tous cas, à la suite de ça, j’ai fait attention à ne pas acheter les produits surgelés des épiceries du quartier parce que je ne voulais pas manger des choses abîmées. J’ai toujours respecté les dates de péremption, mais là, j’ai fait encore plus attention. »
(Domestique, 26 heures)
2- Le coût émotionnel
C’est en quelque sorte l’effet affectif négatif engendré par la coupure. Le rappel des images angoissantes de la guerre chez certains, les peurs causées chez les jeunes enfants par l’absence de lumière.
« Ma fille de dix ans a paniqué, elle avait peur dans le noir. Elle n’a pas voulu remonter dans l’appartement avant la fermeture du café. »
(Professionnel, 5 heures)
Mais c’est aussi la perte d’un bien porteur d’une charge affective.
« On a jeté tous les aliments du congélateur, toutes les compotes, et les conserves de notre maison de campagne. Ça nous a fait mal au coeur parce que c’est notre travail de vacances, toutes les compotes étaient molles. »
(Domestique, 26 heures)
C’est enfin l’inquiétude générée par le non fonctionnement d’un appareil.
« J’étais pas tranquille parce que ma vitre a déjà été brisée une fois. J’ai installé un rideau métallique exprès pour ça, alors autant qu’il serve. Je me disais : » il suffit que le seul jour où ça n’est pas fermé une bande de casseurs passe », non, j’étais vraiment pas tranquille ! Alors je suis revenu de banlieue en fin d’après-midi pour voir si je pouvais le refermer. »
(Professionnel, 5 heures)
3- Le coût temporel
C’est le retard d’activité engendré par les reports successifs d’actions qui n’ont pu être menées pendant la coupure, et, pour certains professionnels les allers-retours entre le local commercial et le domicile.
« On a rencontré des voisins qui avaient prévu de faire du bricolage, tout a été remis à plus tard. »
(Domestique, 26 heures)
« C’est le lendemain matin, quand ça a recoupé en fin de matinée vers 11h que ça a été gênant. Je suis resté jusqu’à 14h, comme ça ne revenait pas, je suis parti. Mais je suis revenu le soir pour fermer le rideau (métallique de sécurité), quand je suis revenu l’électricité était rétablie. Ensuite, je suis reparti chez moi jusqu’au mardi matin. J’habite en banlieue, mais je suis revenu quand même pour le rideau «
(Professionnel, 5 heures)
II- Les pratiques de substitution à la lumière et au chauffage
Nous traiterons ici des pratiques de substitution mises en place par les usagers pour pallier aux inconvénients engendrés par la coupure. Nous entendons par « pratique de substitution » aussi bien le remplacement d’un objet ou d’un appareil par un autre que le remplacement d’une activité par une autre
1- Des pratiques de substitution rares.
Ce qui frappe avant tout à l’écoute des usagers, c’est la relative économie de moyens mis en oeuvre pour pallier aux inconvénients de cette panne. Nous n’avons pas trouvé parmi nos interlocuteurs d’exemples de bricoleur ingénieux mettant en place des systèmes astucieux de chauffage et d’éclairage. Nous n’avons pas eu écho de pratiques détournant les objets de leur fonction initiale de façon originale et inattendue. En bref, les usagers ne se transforment pas en « Géo Trouvetout » lorsqu’une coupure de courant interrompt le cours normal de leurs activités.
Cette relative absence de réaction est expliquée par les interlocuteurs de deux façons :
-L’usager se sent démuni de tout moyen d’intervention face à l’absence d’électricité. Elle est la seule source d’énergie vitale, et aucune activité n’est envisageable sans elle. Il n’y a pas de recours possible à l’absence d’électricité. C’est la paralysie totale.
« J’étais gêné de tout. Pas de lumière! pas de télé! sans courant on ne peut rien faire. »
(Domestique, 6 heures)
Là encore se profile l’image de la fragilité de l’homme face à la domination de cette énergie toute puissante et son incapacité à faire face aux aléas et à la défection de celle-ci. L’homme ne peut rien face aux caprices de la fée électricité.
« Je ne vois pas vraiment ce qu’on peut faire quand on est victime de cette situation. »
(Domestique, 5 heures)
– D’autre part, l’usager est en situation d’incertitude. Pour faire face aux inconvénients générés par cette coupure et mettre en place une procédure ou une pratique substitutive, il lui manque une donnée, la donnée temporelle. Cette donnée est essentielle pour envisager le type d’action substitutive à mettre en place. Elle est essentielle également pour décider de la teneur de la pratique substitutive : changer un objet par un autre ou remplacer une activité par une autre ; se mettre à la recherche de nouvelles sources d’énergie ou s’éloigner du lieu de coupure pendant un certain temps. L’incertitude quant à la durée de la coupure paralyse le processus de décision qui permettrait d’aboutir à la mise en place d’une pratique substitutive.
« Bien sûr on savait que ça allait revenir. Mais quand ? On attendait ! »
(Domestique, 26 heures)
« Si j’avais su la durée de la panne, ça aurait changé mon comportement. J’ai téléphoné à mes parents vers 11h du soir. J’aurais appelé plus tôt. On n’est quand même pas esclaves de nos appareils. On était dans l’expectative. On attendait puis finalement on s’est couché. On serait peut wêtre allé chez des amis au lieu d’attendre. »
(Domestique, 6 heures)
Cette incertitude quant à la fin réelle de la coupure place l’usager dans une situation ambiguë à chaque courte période de réalimentation. Ces périodes de réalimentation que l’usager perçoit comme le signe de la fin de la coupure entraînent des actions répétitives.
« – On s’attendait à ce que ça revienne, on attendait, on attendait, heureusement qu’on avait le poste (transistor), parce que sinon on se serait ennuyé. Alors, ça revenait, ça repartait. Quand la lumière revenait, mon mari remettait toutes les pendules à l’heure et hop, ça recommençait. Il s’est amusé a remettre les pendules trois ou quatre fois !
– J’ai remis les pendules cinq fois et après, c’est le groupe qui alimentait. »
(Domestique, 5 heures)
De même, l’ignorance des moyens mis en place par EDF est génératrice d’incertitude.
« On attendait. Il y avait un manque d’information on s’est organisé en fonction de la situation. »
(Domestique, 26 heures)
2- La lumière comme besoin essentiel
Si les pratiques substitutives s’inscrivent dans un champ de pratiques relativement restreint, il est un besoin vital qui donne lieu à une recherche de substitution immédiate : l’éclairage. D’un point de vue historique aussi bien que symbolique, la lumière est la première forme de transformation et d’application de l’électricité. Dans l’imaginaire collectif, électricité et lumière sont étroitement liées jusqu’à ne faire qu’une seule et même matière. En témoigne la confusion sémantique faite dans le langage français entre les deux termes :
« Le plus gênant, c’est la lumière, c’est là qu’on se rend compte que c’est une invention formidable, on se demande comment les gens faisaient avant! »
(Domestique, 26 heures)
Ainsi, l’éclairage est-il le premier signe de reconnaissance de la coupure de l’électricité.
« On s’en est rendu compte (de la coupure) parce qu’il n’y avait plus de lumière bien sûr ! «
L’absence d’éclairage électrique est à la fois synonyme de handicap physique (on ne voit plus, on est dans le noir), et de handicap moteur (on ne peut plus exercer une activité).
« Finalement la lumière, c’est ce qui est le plus gênant surtout pour se déplacer.
(Domestique, 6 heures)
« Le plus gênant, c’était les sanitaires parce qu’ici c’est des sanitaires sans fenêtre alors on n’y voyait rien. En plus il n’y avait pas d’eau chaude. Comment voulez vous faire votre toilette sans lumière ? Le congélateur, ça nous faisait vraiment mal au coeur, les sanitaires, c’était vraiment pénible parce qu’on n’y voyait rien, et on se lavait à l’eau froide, mais bon le plus dur c’était vraiment la lumière. »
(Domestique, 26 heures)
Pallier à l’absence d’éclairage est une réaction de l’ordre du réflexe, c’est même une réaction anticipée. L’éclairage est le seul vecteur d’électricité présent dans l’univers domestique pour lequel la majorité des usagers a en permanence un objet substitutif.
« J’avais deux petites bougies et j’ai acheté une pile électrique au tabac. J’ai attendu le retour de la lumière. C’est revenu vers 23h. »
(Domestique, 5 heures)
« On a toujours des bougies, j’ai des bougies, alors je mets des bougies. »
(Domestique, 6 heures)
« Au moment où je cuisinais, j’avais une lampe électrique. On avait ensuite des bougies en nombre suffisant, trois ou quatre ? »
(Domestique, 26 heures)
Outre les bougies, ce sont les accessoires de vacances, lampes de camping et piles électriques qui sont utilisés.
« On avait prévu de regarder la télé. La soirée a été gâchée. On a mis des bougies. On a discuté pendant la soirée. Pour la cuisine, j’ai une plaque mixte. Je me suis servie du gaz. Pas de problème. J’ai une réserve de bougies. Il y a 2 ans il y a avait eu un problème mais pas aussi important. On a parlé et j’ai un peu lu à la bougie et avec une lampe de camping, mais ce n’est pas facile »
(Domestique, 26 heures)
Dans certains bâtiments, les parties communes ont été réalimentées en électricité et ont permis de mettre en place une installation de fortune.
« Les couloirs avaient de l’électricité mais nous n’en avions pas. Certains voisins en avaient parce qu’ils ont branché des rallonges dans le couloir, mais moi je n’étais pas équipé, je n’avais pas de rallonge. »
(Domestique, 26 heures)
Enfin certains se sont contentés de l’éclairage public des rues avoisinantes qui n’étaient pas touchées par la coupure.
« On a allumé des bougies pour le dîner. Une seulement. Les réverbères de la rue en face éclairaient. »
(Domestique, 6 heures)
3- Le chauffage, une préoccupation secondaire que les conditions climatiques ramènent au premier plan.
Si la lumière reste la préoccupation essentielle de la majorité des usagers, les conditions climatiques de la période concernée rendent certains usagers hésitants quant à la priorité de l’électricité sur le chauffage. Lorsque question leur est posée sur l’élément le plus perturbateur de leur week-end, ils oscillent entre les deux.
« Le plus gênant, c’était quand même le froid. L’électricité aussi, je ne pouvais pas lire. «
(Domestique, 26 heures)
L’attention particulière qui reste à l’éclairage s’explique par le fait que c’est une perte qui touche tous les usagers sans exception, dans la même mesure. La perte de chauffage touche par contre à des degrés différents. Si, à de très rares exceptions près, tous les types de chauffage étaient inutilisables (les chauffage au mazout et au gaz se déclenchent par impulsion électrique), le temps de refroidissement varie en revanche considérablement d’un système à un autre.
3- 1 Les professionnels, une relation au chauffage qui dépend de la nature de l’activité
La plupârt des usagers professionnels rencontrés déclarent ne pas avoir souffert du froid. Dans un cas particulier cela est dû à l’utilisation d’un chauffage individuel au gaz qui a donc normalement fonctionné pendant la coupure.
« J’ai le chauffage au gaz (vieux poêle), alors, ça allait Je n’ai pas eu froid, personne ne s’est plaint pour ça. Ici, il fait 20 degrés environ, ça chauffe assez vite, j’éteins l’électricité et le gaz tous les soirs par le compteur. »
(Professionnel, 5 heures)
Mais dans quelques cas, l’utilisation du chauffage n’est pas indispensable, voire incompatible avec la présence des produits utilisés. D’autre part ce sont des petits commerces de quartier dont l’activité ne nécessite pas un séjour prolongé de la clientèle sur le lieu d’achat.
« Dans le magasin, on n’a pas de chauffage parce que c’est tout petit, et avec le frigo (la vitrine réfrigérante), ça n’irait pas de mettre un chauffage. L’hiver, on ferme la porte, c’est tout. »
(Professionnel, 5 heures)
« Le chauffage ce n’était pas vraiment un problème. Ça n’a pas eu le temps de se refroidir beaucoup dans le bureau. »
(Professionnel, 5 heures)
« Je n’ai pas eu de problème avec le chauffage parce que de toutes manières pour les fleurs, c’est plutôt en été quand il fait chaud que ça nous pose problème. La température idéale pour les fleurs, c’est sept ou huit degrés, alors dans les cas de coupure, les fleurs ne souffrent pas. »
(Professionnel, 5 heures)
Ainsi, c’est dans le café-brasserie, lieu où s’attarde la clientèle, lieu de convivialité que sont exprimées les plaintes les plus importantes quant à l’absence de chauffage.
« Le chauffage électrique de la brasserie marche pour l’appartement au-dessus aussi. Ça marche au mazout mais l’accélérateur est électrique et donc en cas de coupure, rien ne fonctionne. On a mis des pulls et des chaussettes. Ordinairement, il fait entre 20 et 21 degrés. Il faisait très froid, quand ça a été rebranché dans la nuit, ça n’a pas eu le temps de tout réchauffer car le café est grand et au-dessus il y a un appartement de trois pièces. Il faut un minimum de huit heures pour avoir une bonne température. Les clients étaient frigorifiés. Si j’avais à changer de chauffage, je ne prendrais pas le chauffage électrique, ça se refroidit très vite dès qu’on arrête. Le chauffage au mazout, ça va. »
(Professionnel, 5 heures)
3-2 Les usagers domestiques ayant un chauffage mixte, une consommation d’énergie supérieure à la normale
Certains usagers n’ont souffert du froid que dans une moindre mesure. Parmi ceux ci, se trouvent quelques rares usagers domestiques ayant un système de chauffage mixte individuel. Dans ces cas là, c’est le chauffage électrique qui est ordinairement utilisé en appoint.
« Pour le chauffage on n’a pas vraiment souffert. On a 2 types de chauffage un convecteur électrique et un chauffage au charbon, un petit feu Godin. (…) Ici nous avons plusieurs chauffages. C’est la vieille méthode. »
(Domestique, 26 heures)
« On ne chauffe pas dans la journée. On a un chauffage mixte : gaz dans la salle à manger – électricité dans la chambre. On ne chauffe que quand on rentre car c’est du gaz. Le chauffage électrique, on le branche 1/4 d’heure avant d’aller se coucher, puis on le laisse au minimum durant la nuit ou on l’arrête.
(Domestique, 6 heures)
Malgré cela, la longueur de la coupure et la rudesse du climat entraînent quelques désagréments, une différence de température a été notée, et une gêne relative s’exprime.
« Pendant la coupure il faisait quand même très froid. On n’aurait pas pu continuer longtemps ainsi. C’est le même problème pour tous les locataires. Pas mal de personnes se chauffent à l’électricité. Pour nous c’est un appoint mais quelques heures après et surtout le lendemain j’ai ressenti le froid. On s’est couvert plus. »
(Domestique, 26 heures)
« L’hiver quand il fait froid on branche les résistances dans les salles de bains. Là c’était plutôt frais. Nous avons eu de l’eau chaude grâce au chauffage au gaz. »
(Domestique, 6 heures)
En conséquence, la consommation des autres énergies a été augmentée pendant cette période pour assurer une température confortable.
« En général dans la chambre on a 18°C, c’est bien suffisant. Dans la cuisine avec le chauffage charbon 20-25°C, et 20-22°C dans la pièce de réception avec le convecteur. Ce jour-là je n’ai pas regardé, dehors il faisait assez froid.(…) J’ai utilisé plus de charbon que d’habitude pour le chauffage ».
(Domestique, 26 heures)
3- 3 Les usagers ayant une seule source d’énergie de chauffage, une variation des temps de refroidissement
a- Les temps de refroidissement longs
Quelques usagers louent leur système de chauffage, qui malgré la coupure, a permis d’assurer une température, si ce n’est confortable, en tous cas suffisante pendant la première journée de coupure.
« On n’a pas trop souffert pour le chauffage bien que ça se soit refroidi. C’est descendu à 17 degrés. Ordinairement il fait 21°. C’est un chauffage central par le sol, les accélérateurs sont électriques. C’était supportable parce que c’est un chauffage qui met du temps à se réchauffer (environ deux jours pour obtenir la bonne température) mais après la chaleur reste longtemps même si on arrête la chaudière. Alors la chaleur s’est maintenue. On avait quand même baissé les stores pour garder la chaleur et il y avait interdiction d’ouvrir les fenêtres ! On était embêté d’ailleurs parce que les stores étaient baissés alors qu’on voulait voir ce qui se passait dehors parce que les ouvriers s’agitaient. »
(Domestique, 26 heures)
« Nous avons un chauffage collectif, par le sol. Ça chauffe à 20, 22 degrés. C’est un bon chauffage, ça met longtemps à se refroidir. »
(Domestique, 26 heures)
Mais le temps de réchauffe étant aussi long pour ce système que le temps de refroidissement, c’est finalement de manière différée que ces usagers ont ressenti dans une moindre mesure les effets de la coupure.
« On a eu froid à partir du dimanche, il faisait 15 degrés. »
(Domestique, 26 heures)
b- Les temps de refroidissement courts, une plus faible tolérance à la coupure
Quelle que soit la durée de coupure subie, les usagers mettent en cause le temps de refroidissement des différents types de chauffage Ainsi les usagers dont les systèmes de chauffage perdent leurs effets rapidement ont enduré les plus graves désagréments, qu’ils aient subi une coupure de cinq ou vingt six heures.
« Il faisait vraiment froid, chez nous les cheminées sont condamnées depuis qu’on a le chauffage individuel, alors on ne pouvait pas faire de feu. Il faisait trois degrés dans les chambres ; en temps normal, il fait seize ou dix sept. C’est un chauffage individuel électrique.
(Domestique, 26 heures)
« L’inconvénient, c’est que la nuit on a grelotté. Ici, c’est un chauffage central au mazout, mais le démarreur est électrique, et pour que le chauffage monte dans les étages, il y a un truc électrique aussi. Quand la chaudière s’arrête, ça se refroidit vite, et il faisait vraiment froid. »
(Domestique, 5 heures)
Les types de chauffage mis en cause sont parfois les convecteurs électriques
« Bien sur, pas de chauffage, il faisait vraiment très froid. Quand je suis rentré le samedi soir, il n’y avait toujours pas d’électricité. Il faisait 10 degrés dans l’appartement. Il faisait vraiment froid, ça et le congélateur c’est ce qu’il y avait de plus gênant. Je laisse toujours le chauffage sans interruption à 3-4 (environ 18-20 °) dans la chambre et la salle de bain, et le salon c’est le plus important. Il n’y en a pas dans la cuisine, je l’ai enlevé. La température n’était bien qu’à partir du dimanche matin. On a subi le froid très rapidement. A 19h, ça allait mais une heure après déjà il faisait froid. Je suis au premier étage alors ça refroidit plus vite. En dessous c’est le hall d’entrée. Aux autres étages, il y a quelqu’un en dessous et au dessus alors ça refroidit moins vite. »
(Domestique, 6 heures)
Mais d’autres types de chauffage sont également cités.
« Nous avons une chaudière à gaz. C’est le chauffage individuel. Nous aimons 30°C à l’intérieur. C’est très chaud chez nous. Nous venons de la Guadeloupe. Nous aimons la chaleur. Le chauffage marche tout le temps. Quand on sort, on baisse et quand on rentre on le met au maximum. La nuit on éteint dans la chambre. Pour le salon on baisse on a un thermostat. La maison s’est refroidie très vite durant la coupure. La mise en place d’électricité intermittente n’a pas suffit pour chauffer les pièces. Le chauffage était un gros problème. »
(Domestique, 5 heures)
c- Aucune remise en cause des types de chauffage
Quoi qu’il en soit, cet incident ne remet pas en cause le type de chauffage utilisé par chacun.
« Non, ça ne remet rien en cause, c’est ce qui est le plus pratique et le plus sain vu l’état des murs, c’est du papier mâché. »
(Domestique, 26 heures, convecteur électrique)
« Le chauffage central qu’on a là, c’est ce qui revient le moins cher, ici on a six radiateurs. On ne peut pas le changer parce qu’ici, ce n’est pas à nous, mais de toutes façons, c’est pas cher. Si on avait un appartement à nous, moi je préférerais les convecteurs électriques parce qu’on peut régler individuellement et c’est rapide. Ici, pour chauffer, ça met vraiment du temps, je ne peux pas vous dire combien de temps mais c’est long, plusieurs jours. »
(Domestique, 5 heures)
« Heureusement ce n’est pas fréquent, une telle panne. C’est exceptionnel. Ça ne remet rien en cause. On a réfléchi pourtant qu’on avait tout à l’électricité. C’est un risque dans ce cas.
(Domestique, 5 heures)
d- Les substituts au chauffage
Le port de vêtements chauds et l’utilisation de couverture sont les premiers réflexes de tous les usagers pour pallier au froid qui règne dans les appartements.
« Le chauffage électrique ne marchait pas. On s’est habillé plus chaudement. L’hiver quand il fait froid on branche les résistances dans les salles de bains. Là c’était plutôt frais. Nous avons eu de l’eau chaude grâce au chauffage au gaz. »
(Domestique, 6 heures)
« Je portais de gros pulls dans la maison. Le chauffage n’arrivait pas à chauffer l’appartement. Je suis assez frileuse. C’est ce qui m’a gêné le plus. Je me suis couverte plus. Au niveau des pieds et des mains c’était gênant. »
(Domestique, 6 heures)
« J’ai mis un pull, ça ne m’arrive jamais. »
(Domestique, 26 heures)
« Le plus gênant, c’est le chauffage, on a remis les gilets, et on a sorti des couvertures. Pourtant on a l’habitude de dormir la fenêtre ouverte. »
(Domestique, 5 heures)
Mais, il est fréquent que les usagers se décident à quitter leur appartement pour se promener à l’extérieur, ou pour rejoindre des centres commerciaux, des lieux où l’abondance de lumière, de chaleur et l’agitation créée par l’activité déployée contrastent avec l’état du moment de leur lieu de résidence.
« Il n’y avait pas de télévision, il faisait froid, on s’est dit, on va faire un tour, on va à la porte de Bagnolet, ou à Montreuil à pied, par ici c’est pas les promenades qui manquent. »
(Domestique, 5 heures)
« Le samedi après midi, il faisait froid dans la maison, en plus on est allé se promener, le Prisunic était fermé, là bas non plus il n’y avait pas de lumière, donc on est allé aux Lilas. On va souvent aux Lilas, il y a un supermarché, de toutes façons, on fait souvent nos courses là-bas. »
(Domestique, 5 heures)
Le froid qui chasse ainsi les usagers à l’extérieur de leur foyer (ce « foyer » ordinairement synonyme de chaleur et confort) les incite également à protéger les personnes reconnues fragiles en les déplaçant vers un autre lieu.
« Il faisait vraiment froid, chez nous les cheminées sont condamnées depuis qu’on a le chauffage central, alors on ne pouvait pas faire de feu. J’ai évacué ma mère chez mon beauf parce qu’elle a 72 ans et j’avais peur qu’elle attrape quelque chose. Moi, je travaille la nuit, donc je suis resté. »
(Domestique, 26 heures)
Quelques uns détournent certains appareillages à fonctionnement manuel de leur utilisation initiale.
Ils baissent les stores,
« On avait quand même baissé les stores pour garder la chaleur et il y avait interdiction d’ouvrir les fenêtres ! On était embêté d’ailleurs parce que les stores étaient baissés alors qu’on voulait voir ce qui se passait dehors parce que les ouvriers s’agitaient. »
(Domestique, 26 heures)
ou utilisent le four.
« Heureusement que nous avons une cuisinière mixte électrique et gaz, ce qui nous a permis de faire les repas au gaz. D’ailleurs nous avons utilisé le four pour nous réchauffer un peu. On restait cantonné dans la cuisine après avoir fait chauffer le four pour le repas, on le laissait marcher un peu plus longtemps … »
(Domestique, 26 heures)
Enfin, l’eau chaude utilisée dans des « bouillotte » ou dans des boissons chaudes apporte à ceux qui possèdent une autre source d’énergie (le gaz) un palliatif temporaire.
« On a un petit fils de quinze mois, s’il avait été là ce jour là, ça nous aurait vraiment embêté cette panne, je ne sais pas comment on aurait fait, il aurait fallu faire chauffer de l’eau, la mettre dans une bouteille et la placer sous les couvertures dans le berceau pour le réchauffer. Mais ce système là c’est pareil, il faut au moins avoir une gazinière ! «
(Domestique, 26 heures)
III- Les pratiques de substitution aux loisirs
Les activités initialement prévues sont selon leur importance, et selon les individus qui les pratiquent diversement traitées. Certaines sont tout simplement annulées, d’autres reportées. Enfin, pour certaines, des actions de substitution sont mises en place. Dans une certaine mesure, on peut affirmer que la plus grande partie des actions de substitution est liée à un déplacement géographique, à une sortie du lieu de résidence ou/et du périmètre touché par la coupure. En effet, face à la somme des contraintes cumulées imposées par l’absence de lumière, de chauffage, et de fonctionnement de tout appareil électrique, une grande partie des usagers va chercher à l’extérieur le confort et les conditions d’activité désormais absents du domicile. Pour certains, c’est un déplacement définitif pendant toute la durée de la coupure ; ils cherchent alors à se faire héberger par des proches. Pour d’autres, ce sont des sorties rythmant un des différents temps d’activité de la journée : promenades dans l’après midi, restaurant et/ou sortie du soir.
Cependant les actions substitutives ne commencent à se multiplier qu’à partir du samedi. En effet, l’heure à laquelle la coupure a commencé, le vendredi vers 19 heures, l’incertitude quant à sa durée, et surtout la certitude que, comme pour toute coupure, le courant sera rapidement rétabli, n’incitent pas les usagers à chercher immédiatement des palliatifs, hormis ceux liés à la lumière et au chauffage.
1- Le vendredi soir
Ainsi, seuls les usagers ayant initialement une sortie prévue le vendredi soir ont quitté leur appartement.
« On pensait que ça allait revenir. On a été se coucher très tôt. »
(Domestique, 5 heures)
« J’ai attendu le retour de la lumière. C’est revenu vers 23h. »
(Domestique, 5 heures)
Ainsi, la plupart des usagers attendent à la lueur des bougies la fin de la coupure, parfois en improvisant un jeu de société. beaucoup se couchent très rapidement.
« Donc nous avons fait un scrabble à la bougie après le repas. On attendait pour se coucher que l’électricité se rétablisse. »
(Domestique, 6 heures)
« Le vendredi soir on a tout laissé tomber. On s’est couché très tôt. On a senti le froid, on a remédié avec de grosses laines. »
(Domestiques, 5 heures)
« Nous n’avions rien de prévu ce soir là et nous sommes resté. Malgré la coupure, nous n’avions pas envie de sortir. Nous n’avions pas d’invité non plus, donc on n’a pas bougé. »
(Domestique, 26 heures)
« On est allé se coucher comme les poules. Quand il y a de la lumière et qu’on se couche tôt, on peut quand même lire un peu, mais là, on ne pouvait rien faire. »
(Domestique, 26 heures)
L’absence de la télévision dont la diffusion remplit ordinairement l’activité de la soirée contribue à réduire les possibilités de loisir pour la soirée.
« On était privé de télé, on ne savait pas quoi faire. On est allé se coucher plus tôt. «
(Domestique, 5 heures)
« Moi, je travaille le soir. A la place de la télévision, le vendredi soir, ma mère est allée se coucher plus tôt, et moi j’ai attendu dans le noir;. »
(Domestique, 26 heures)
2- Le samedi
En revanche, c’est à partir du deuxième jour que les usagers commencent à envisager des activités de substitution. Ainsi, si beaucoup sont restés chez eux le vendredi soir, c’est essentiellement en raison de l’heure à laquelle à commencé la panne et de l’incertitude quant à sa durée. Tous sont persuadés que le lendemain tout sera rétabli. Ce n’est qu’en constatant le lendemain la continuation de la coupure qu’ils commencent à envisager des activités substitutives autres que les actions élémentaires palliant à l’absence de lumière et de chauffage.
2- 1 Les sorties, une forme de loisir, la quête d’un refuge
Comme nous l’avons vu précédemment, la majorité des actions substitutives est caractérisée par un déplacement. Le froid, l’inconfort général chassent les usagers hors de chez eux. Parmi les usagers interviewés, il en est quelques uns qui cherchent à pallier à cet inconfort sur place, mais la plupart cherchent plutôt à retrouver ailleurs les conditions de confort. Ces sorties peuvent prendre la forme de visites chez les proches, visites plus ou moins longues qui ressemblent à la quête d’un refuge.
« Le samedi soir on est sorti, on est allé chez notre fils. On nous disait que ça allait revenir dans 2 ou 3 heures, mais les pauvres ouvriers (EDF) étaient occupés tellement, il n’y avait personne de EDF pour renseigner la clientèle. Alors on a décidé de partir.
(Domestique, 26 heures)
« On devait manger chez ma soeur le dimanche à midi, bon, du coup on a amené ma mère plus tôt. Bien sûr, c’était du provisoire parce que chez eux, il fallait bouger une banquette, c’était pas mal de dérangement, ça n’aurait pas pu durer longtemps seulement quelques jours. »
(Domestiques, 26 heures)
Mais c’est parfois une simple promenade dans le quartier. Cette promenade peut être l’occasion de prendre connaissance de l’état de la coupure.
« Le samedi,, j’ai promené le chien un peu plus longtemps, en même temps j’ai regardé ce que faisaient les ouvriers. »
(Domestique, 26 heures)
Enfin, pour certains le déplacement vers l’extérieur est imposé par l’impossibilité à se restaurer avec les moyens domestiques.
« Le lendemain on n’était pas là dans la journée et le samedi soir on n’a pas pu manger à la maison. »
(Domestique, 5 heures)
2- 2 Les pratiques à la maison
a- la cuisine
Beaucoup d’usagers ont un système mixte de cuisson et n’ont en conséquence pas eu de problème de restauration pendant ce week end. Cependant, même pour ceux là, le non fonctionnement des appareils de cuisine les plus couramment utilisés a été vécu comme une contrainte.
« La cafetière électrique ne fonctionnait pas, on a été obligé de boire du Nescafé. »
(Domestique, 26 heures)
« Ah, je me souviens qu’on a été coincé par un truc pendant le repas, …oui, c’était la râpe à fromage ! »
(Domestique, 26 heures)
Pour les autres, la solution de remplacement exigeait un déplacement vers les restaurants ou dans la famille. Mais certains sont restés chez eux et n’ont eu d’autres ressources que de manger froid.
« La gêne la plus importante avec le chauffage, c’est d’avoir à manger froid. Le samedi soir en rentrant, j’avais fait des courses en pensant que ça serait rétabli, et j’ai dû me faire un sandwich. »
(Domestique, 5 heures)
« On a mangé des crudités, impossible de faire de la cuisine. »
(Domestique, 5 heures)
b- le cas du congélateur
La coupure a été particulièrement perturbante pour les nombreux possésseurs de congélateur. Pour faire face au danger que représente une coupure de courant pour la conservation des denrées du congélateur, diverses tactiques ont été appliquées.
– Transporter les biens dans un autre congélateur :
« On a déménagé tout ce qui était dans le congélateur le samedi quand on a vu que ça commençait à être limite, on a tout amené chez mon beau frère qui habite à 2 km à Romainville. »
(Domestique, 26 heures)
– ne pas ouvrir :
« On n’a pas ouvert le congélateur pendant deux jours et dès la fin de la coupure, on l’a remis à fond. »
(Domestique, 26 heures)
« On n’a pas ouvert le congélateur pour garder le froid, et rien ne s’est abîmé. »
(Domestique, 5 heures)
« On a eu des craintes pour le congélateur. heureusement il était bien rempli. Plus c’est très rempli, plus ça garde le froid. Quand on a ouvert le dimanche soir, ça commençait à givrer, c’était juste. »
(Domestique, 26 heures)
Mais cette tactique est pour certains sujette à caution :
« Sur les papiers du congélateur, ils disent qu’ils ne faut pas ouvrir en cas de coupure, alors on a laissé. Mais après on a bien vu que tout était mou, les coulis de framboise, les concentrés de tomates étaient dégelés. Tout ce qui est en sucre met du temps à congeler et ça se dégèle très vite. »
(Domestique, 26 heures)
c- l’hygiène
Les usagers ayant une gazinière utilisent celle-ci pour chauffer l’eau nécessaire à la toilette quotidienne, et les bougies pour l’éclairage.
« On se lasse vite. Pour la toilette c’est ennuyeux, mais j’ai fait chauffer de l’eau. »
(Domestique, 26 heures)
« Il n’y avait pas d’eau chaude, on a chauffé l’eau pour se faire la toilette au gaz. »
(Domestique, 26 heures)
« J’avais des bougies. Je les ai mises. Je suis sorti dans la soirée. Je suis partie vers 9h. En rentrant j’ai allumé mes bougies. J’ai fait ma toilette aux bougies. Je me suis couché directement. »
(Domestique, 6 heures)
d- les activités reportées
Enfin, la majeure partie des activités a été reportée à un autre jour.
« J’avais prévu de faire du repassage, j’ai dû tout retarder. »
(Domestique, 26 heures)
« Le repassage et le lavage, si ce n’est pas fait aujourd’hui, ça sera fait demain, par contre c’est gênant pour les gens qui travaillent. »
(Domestique, 26 heures)
« J’attendais que l’électricité revienne pour passer l’aspirateur. »
(Domestique, 6 heures)
« Une dame devait venir me voir. Elle n’est pas venue faute d’ascenseur. Parce que j’habite au quatrième étage. »
(Domestique, 6 heures)
2- 3 Les cas particuliers, la coupure facteur de lien social et la coupure ludique.
La coupure a eu pour auitre effet d’activer ou de réactiver les liens de proximité. En effet, au cours de cette panne, des systèmes d’échanges d’informations se sont établis entre voisins.
« Nous avions pris le numéro d’appel EDF sur la facture. On a appelé 2 fois sans grands résultats. Tous les gens de l’immeuble ont défilé chez le concierge. Les voisins sont descendus par l’escalier. Nous on est au rez-de-chaussée. Tout le secteur était sinistré. Les gens parlaient, on s’est fait moins de soucis que si ça n’avait concerné que l’immeuble.
(Domestique, 6 heures)
« Des gens de l’immeuble sont venus me parler. Il y a eu une concertation avec les autres locataires. »
(Domestique, 26 heures)
Enfin, pour une conclusion souriante sur ce sujet, soulignons l’utilisation « ludique » de cette période de coupure par deux jeunes couples.
« Nous avons limité nos déplacements. On est resté ensemble l’un près de l’autre. Les pannes, ça provoque des rapprochements. Il paraît que pendant les pannes, on fait plus d’enfants. »
(Domestique, 6 heures)
« Finalement on a pris de façon “cool”. On a fait un dîner aux chandelles. On l’a pris comme un jeu. Si ça avait duré 2 jours comme pour certains ça aurait été beaucoup moins drôle.
(Domestique, 6 heures)
2- 4 Quelques exemples de préventions pour une future coupure
Confirmant l’importance accordée par tous les usagers à la lumière comme besoin essentiel, les clients ayant décidé après la coupure de se munir de précautions pour les coupures futures se sont tous procuré du matériel d’éclairage.
« Depuis cette coupure, on a acheté du pétrole lampant, on a une vieille lampe à pétrole, parce que les bougies ça reste très aléatoire. En plus on a un nouveau stock de bougies. »
(Domestique, 26 heures)
« Depuis, j’ai laissé la lampe de sortie de secours dans l’appartement. C’est une lampe avec une autonomie de trois heures seulement, mais je la laisse en haut pour ma fille qui a peur, au cas où il y ait une nouvelle coupure. »
(Domestique, 26 heures)
« Il y a des gens qui utilisaient des lampes à piles, mais ça ne dure pas longtemps, nous on va ramener une lampe à gaz de notre maison de campagne pour la prochaine fois. »
(Domestique, 5 heures)
« Depuis cet incident j’ai refait le plein de bougies. On espère que ça ne se reproduira pas. »
(Domestique, 6 heures)
Après cette panne, j’ai dû acheter des bougies par précaution.
(Domestique, 5 heures)
Un seul usager a fait l’acquisition d’un appareil de cuisson :
« Depuis cette histoire, j’ai acheté un camping gaz pour faire cuire les repas parce que j’avais vraiment été ennuyé mais j’espère que je n’aurais pas à m’en servir. »
(Domestique, 5 heures)
Un autre envisagerait de trouver un élément de substitution au chauffage.
« Pour une longue panne ? J’irai peut-être investir dans un chauffage camping. Vivre quelques jours sans frigidaire, ce n’est pas infaisable. »
(Domestique, 6 heures)
Mais, la plupart n’envisage aucun changement .
« S’il y avait une nouvelle coupure comme cela, si c’est un jour de repos, je m’en irais. je sors à la campagne. Sinon on referait la même chose. On sortirait pour s’occuper. se promener, faire des courses peut-être. sortir ça donne de l’exercice et ça m’échauffe. »
(Domestique, 26 heures)
IV- Les professionnels, des pratiques tournées vers la clientèle.
On peut distinguer les clients professionnels des clients domestiques par la différence de motif de présence sur les lieux de la coupure et la différence d’objectif. En effet, si les pratiques de substitution des usagers domestiques ont pour objectif d’améliorer leur propre confort (au sens large), celles des professionnels visent aussi des acteurs extérieurs. Elles ont pour objectif supplémentaire d’affirmer au client la présence et le maintien de l’activité ordinairement exercée par le professionnel.
1- La double fonction de la lumière, vecteur d’activité et signe d’activité
Pour les usagers professionnels, comme pour les usagers domestiques, la lumière est une nécessité première. D’une part parce que sans éclairage, il est difficile voire impossible d’exercer l’activité pour laquelle on se trouve sur les lieux.
« J’avais quelques bougies que j’ai sorties, mais de toutes façons, c’est juste pour éclairer un peu, ça ne suffit pas pour travailler. »
« J’ai continué à servir les clients, mais on n’y voyait rien. J’ai mis une seule bougie à l’arrière (dans l’arrière boutique), mais dans le magasin non. Par contre j’ai vendu beaucoup de bougies ! Finalement, on a fermé vers 19 heures parce que ce n’était pas possible de servir les clients. »
« Mais l’éclairage, ça c’était vraiment gênant, les gens rentrent mais si on ne peut pas faire un bouquet parce qu’on ne voit rien… et finalement les clients ne rentrent pas parce qu’ils croient que c’est fermé. »
D’autre part, la lumière est une nécessité première parce que l’éclairage utilisé en permanence annonce le caractère professionnel du lieu et confirme aux clients de passage l’état de pleine activité du moment.
« Ils voyaient que ça n’allait pas, normalement je laisse la lumière en permanence et là, c’était éteint ! »
« Le samedi, on a mis des bougies mais avec les bougies, les gens ne rentrent pas, le jour, ça va il y a la lumière du jour, mais la nuit on ne peut rien faire. »
« Sans enseigne, sans lumière intérieure, avec seulement les bougies, on ne voit rien de l’extérieur. »
En conséquence, beaucoup de professionnels ont fermé après quelques heures d’attente.
« Le vendredi soir, je n’ai pas eu beaucoup de problèmes, l’électricité a été coupée au moment où je fermais la boutique. C’est le lendemain matin, quand ça a recoupé en fin de matinée vers 11h que ça a été gênant. Je suis resté jusqu’à 14h, comme ça ne revenait pas, je suis parti. »
« Comme je ne pouvais plus faire de coupe à cause de la lumière, j’ai fermé à 14h. Je ne savais pas combien de temps ça allait durer. Pendant quelques heures, j’ai pensé que ça allait revenir mais ensuite je me suis bien rendu compte que ça clochait, il y avait des ouvriers dans la rue, tout le monde était autour pour essayer de savoir ce qui se passait. »
« Ça a coupé vers 18 heures, et on a fermé à 19 heures parce qu’on ne pouvait plus servir les clients. »
Certains se sont éloignés pendant quelques heures et sont revenus pour reprendre leur activité.
« Le samedi, ils ont recoupé vers 11h30-12h. J’ai attendu jusqu’à 13h et puis je suis allé faire un billard et je suis revenu vers 16h. Je crois qu’ils ont rétabli vers 15h, en tous cas quand je suis revenu du billard, ça remarchait, donc ça n’a pas perturbé ma soirée. »
Enfin, certains se sont procuré des sources d’éclairage autres que les bougies, tandis que d’autres ont affirmé leur activité par l’étalage de leurs produits.
« Ce qui nous a fait le plus de tort, c’est au bar, parce qu’avec les bougies, tout le monde croyait que c’était fermé. On nous a amené des lampes tempêtes du magasin de jouets d’en face. Ils avaient été coupés il y a quelque temps et ils s’étaient acheté ça. Du coup, quand elle a vu qu’on était dans le noir, elle nous les a amenées. »
« Comme la balance ne marchait pas, le samedi on n’a pas vendu de fruits ni de légumes, mais on les a quand même laissé dehors pour que les clients voient que c’était ouvert. Il n’y avait pas de lumière mais les gens voyaient que c’était ouvert parce qu’il y a les légumes et les fruits dehors sur l’étalage. »
2-L’électricité comme vecteur d’honnêteté
L’éclairage, s’il permet d’exercer l’activité, a également pour fonction de rassurer la clientèle, tant sur le plan du repère géographique (à quel endroit du magasin se trouve le client), que sur le plan de la qualité et de la quantité des biens fournis par le commerçant. Ainsi, l’absence de lumière freine t-elle le déplacement des clients et surtout est elle facteur de suspicion de la part du client au sujet des transactions entreprises. Par ailleurs, les professionnels eux mêmes déplorent l’image que renvoie à leurs clients un magasin mal éclairé.
« Il n’y avait plus de lumière, j’ai mis des bougies mais ça ne faisait pas sérieux, alors j’ai fermé. »
Le non fonctionnement de tous les appareils électriques servant ordinairement à évaluer la quantité de marchandise, à effectuer les comptes est également un facteur d’incertitude quant à la qualité et la quantité aussi bien pour les clients que pour les commerçants. La caisse pose particulièrement problème.
« La caisse aussi est sur ordinateur, et électrique, donc on a compté de mémoire, ça nous a fait travailler. »
Cependant, pour certains type d’activité, les professionnels ont opéré manuellement.
« J’ai demandé au client de s’asseoir sur le fauteuil près de la fenêtre parce que sans lumière je ne voyais rien. J’ai fini la coupe à la main. De toutes façons, je fais souvent des coupes sèches. Je ne me rapelle pas que quelqu’un soit parti avec les cheveux mouillés. Les clients qui attendaient sont partis, ils ont dû aller ailleurs. J’ai ressorti ma tondeuse à main, je m’en sers toujours un peu d’ailleurs. »
ou changé le programme initial de leur activité.
« La machine à café ne fonctionnait pas, le lave vaisselle non plus, mais ça, on peut le faire à la main. Bien sur il n’y avait pas de lumière, donc en cuisine, on n’y voyait rien pour cuisiner. La mise en place (les robots ménagers) étaient impossible à faire, on avait des crudités, des carottes rapées entre autres, on n’a pas pu le faire. On a changé pour une assiette des charcuterie, on a tout coupé à la main. Pour la cuisine, on est au gaz, donc on n’a quand même pu faire cuire les restes. »
3- Les multiples déplacements
La coupure a eu entre autres pour effet d’obliger les professionnels à de nombreux déplacements. En effet, les fermetures successives éloignent les usagers de leurs lieux de travail et l’ignorance de la fin de la coupure les oblige à revenir à plusieurs reprises pour vérifier la présence d’électricité ou pour éteindre certains appareils.
« C’est le lendemain matin, quand ça a recoupé en fin de matinée vers 11h que ça a été gênant. je suis resté jusqu’à 14h, comme ça ne revenait pas, je suis parti. Mais je suis revenu le soir pour fermer le rideau, quand je suis revenu l’électricité était rétablie. Ensuite, je suis reparti chez moi jusqu’au mardi matin. J’habite en banlieue, mais je suis revenu quand même pour le rideau. »
Les appareils qu’on a laissé en marche
Le début imprévu de la coupure, l’agitation et l’incertitude régnant pendant toute la période entraînent quelques oublis lorsque les commerçants ferment leur magasin.
« Quand je suis arrivé le samedi soir à 19h pour refermer le rideau, je me suis aperçu que j’avais laissé la lumière. D’habitude en partant, je coupe tout au compteur par mesure de sécurité, je coupe le gaz aussi. »
« Pendant la nuit quand le courant est revenu, c’était Versailles ici. J’avais éteint le chauffage, mais pas la lumière. En face, ils sont sortis à 6h du matin, ils ont cru que j’étais là. »
4- La baisse du chiffre d’affaire et de clientèle
Mais la plus grande perturbation causée par cette coupure reste la baisse de clientèle et de chiffre d’affaire effectué pendant cette période.
« J’ai perdu quand même de la clientèle, une demi-journée de travail surtout le samedi, c’est un bon jour normalement. J’ai perdu une après midi de travail, c’est à dire environ 600 francs. »
« Ça nous a fait perdre de la clientèle parce que normalement on ferme à 21 heures, on a perdu de la clientèle, surtout le soir et le soir c’est les meilleures heures de travail ! Il manque environ 1500 francs pour la soirée du vendredi et pour le samedi, à peu près la même chose. »
« On a eu des pertes au niveau des jeux, on a deux machines à sous, et on gagne un pourcentage sur le fonctionnement. On a surtout eu des pertes au niveau des clients, ça a été une perte importante, environ 3500 francs sur le bar et le restaurant. »
5- Le cas particulier de la brasserie
La brasserie est le lieu professionnel où est utilisé le plus grand nombre d’appareils électriques. C’est également un lieu où le chauffage est indispensable en raison du séjour prolongé qu’y effectue la clientèle. Cela semblerait être l’endroit le plus touché par les problèmes, d’autant que les propriétaires de la brasserie sont les seuls usagers professionnels à habiter sur le lieu d’activité et en conséquence à être doublement touchés par la coupure : en tant qu’usagers domestiques et professionnels.
« C’est surtout une clientèle de quartier, ce sont des clients fidèles qui viennent au moment de l’apéritif. Sans enseigne, sans lumière intérieure, avec seulement les bougies, on ne voit rien de l’extérieur. En plus, il n’y avait pas de café. Pour la bière, ça fonctionne au gaz, donc on pouvait encore en servir. Mais comme il faisait très froid les gens avaient plutôt envie de boissons chaudes. »
Cependant, bien que les perturbations et les pertes liées à cette coupure soient réelles, l’attraction exercée par l’activité de la brasserie ainsi peut être qu’une plus grande tolérance des clients dans un tel lieu ont permis aux propriétaires de garder la clientèle pendant cette période
« On avait du monde à manger dans la partie restaurant, des amis qui avaient réservé, et une dizaine de clients qui avaient prévenu au dernier moment. Ils sont restés par sympathie. »
La brasserie, lieu de sociabilité et de convivialité, a joué pendant la coupure le rôle d’un lieu fédérateur, où les habitants du quartier se sont retrouvés pour affronter la soirée.
« Finalement beaucoup de gens sont passés, sans lumière, les gens venaient au café. Comme on ne savait pas quoi faire, ils ont décidé de venir au café. Les clients qui habitent le quartier étaient au courant donc ils passaient quand même. »
Pour pallier à l’absence des moyens habituels de distraction, les propriétaires ont proposé des jeux de société et des boissons de circonstance.
« On est resté ouvert jusqu’aux heures habituelles malgré la coupure parce que le peu de clients qu’on avait, on les gardait. On a sorti le 421, les jeux de société. Il y en avait qui jouaient à la belote de comptoir, d’autres aux dés, aux petits chevaux.
« Les clients étaient frigorifiés, ils demandaient sans arrêt un grog, un vin chaud, donc je repassais en cuisine pour faire chauffer ça sur le gaz. »
TROISIEME PARTIE :
LA RESPONSABILISATION, LES ATTENTES
ET LES PRATIQUES DES USAGERS
ENVERS L’ENTREPRISE EDF.
I- La responsabilisation
1- Les usagers, le complexe de la sur-consommation.
Si la plupart des usagers ne recherchent pas les causes de la coupure,
« Ils n’ont pas branché de groupe électrogène. A côté, à 14 heures, ils ont eu de la lumière mais pas nous. Je ne sais pas ce que c’était, il y a dû y avoir une très grosse panne quand même. »
(Professionnel, 5 heures)
« Je n’ai aucune idée du problème qui est à l’origine de cette panne. Je n’ai aucune curiosité.
(Domestique, 6 heures)
et s’intéressent plus à la responsabilité d’EDF dans des termes que nous verrons plus loin, quelques uns cependant émettent un avis sur les origines techniques d’un tel accident.
Ils estiment que c’est au niveau des câbles que l’incident s’est produit.
« J’ai appelé l’EDF. On m’a dit que c’était à cause des câbles. »
(Domestique, 26 heures)
« C’est un câble qui a brûlé. J’ai appelé EDF la nuit. J’étais un peu inquiet. »
(Domestique, 26 heures)
Mais, pour les interviewés, les vrais protagonistes de l’incident, ceux qui sont à son origine, ce sont les usagers eux-mêmes. En effet, si les câbles se sont rompus, c’est en raison d’une consommation excessive des usagers. Tout se passe comme si, dans les représentations des interviewés, l’énergie électrique délivrée dans un volume large mais malgré tout borné, devait être utilisée avec parcimonie et précaution.
« Il y avait une demande de courant trop importante. Ce qui serait à l’origine de la surtension du câble. »
(Domestique, 26 heures)
« L’EDF nous a dit d’abord que ce serait rétabli dans le courant de la nuit de vendredi à samedi. Puis après ils ont dit d’attendre. Ils ont fait des essais plusieurs fois mais sans résultats. Ils cherchaient la cause. Il paraiî que les gens ont utilisé beaucoup d’électricité, c’était trop pour les capacités du réseau. »
(Domestique, 26 heures)
Par ailleurs, les règles d’utilisation de cette énergie ne seraient pas respectées de tous.
« Des pannes ça arrive une fois par an à peu près mais pas une panne de cette importance. Des câbles ont brûlé il y a un an à cause de la surconsommation. Parfois les gens gaspillent. »
(Domestique, 26 heures)
Dans un cas, cette tentative d’explication de la coupure permet également de justifier les défaillances du système de rotation des groupes électrogènes. Une partie de la responsabilité de l’incident est attribuée à « l’autre » qui, par son manque de sens civique, prive le premier d’électricité.
« Ils ont installé des groupes électrogènes en face en leur demandant de ne pas trop en utiliser pendant quelques heures, c’est-à-dire de ne pas brancher tous les appareils en même temps, de ne pas passer l’aspirateur. Mais vous savez comment est la société maintenant, ils ont dû trop utiliser d’électricité, c’est pour ça que nous après on n’en a pas eu. Le samedi, c’est le jour du ménage, ils ont dû faire le grand nettoyage et nous n’avons pas eu d’électricité, s’ils avaient fait des économies, peut-être qu’on en aurait eu. »
(Domestique, 6 heures)
2- EDF, une entreprise mise en cause.
2- 1 Un service minimal non assuré.
Quelques rares usagers ne prennent pas cet incident pour support de récriminations au sujet d’un éventuel dysfonctionnement de l’entreprise. Pour ceux là, EDF, comme toute entreprise, n’est pas à l’abri d’un incident.
« Les coupures, ça arrive, il ne faut pas exagérer, tout le monde peut faire une erreur. »
(Professionnel, 5 heures)
Mais, pour d’autres, EDF n’est pas une entreprise comme une autre. Avant tout, c’est un service public qui doit assurer aux usagers un service minimal en toute occasion.
« L’EDF c’est un service public. Il doit donner des garanties de sécurité. Prévoir un système de remplacement. Une gestion technique des installations. Il y a eu incapacité de EDF à faire face. »
(Domestique, 26 heures)
« L’essentiel : mettre en place un service minimum et donner des informations maximum. »
(Domestique, 26 heures)
« Ce système est fragile. J’étais énervé. Il n’y a eu aucun échos dans les média. En province on en aurait parlé. Ici c’est un événement banalisé. On mesure la fragilité du système. »
(Domestique, 26 heures)
Ce service n’a pas été respecté et on soupçonne une faute professionnelle à l’origine des incidents. Ces fautes ne seraient pas dûes à une erreur de manipulation au moment de la coupure, mais elles seraient à attribuer à une mauvaise qualité de travail au moment de l’installation des câbles. En effet, EDF est accusée de confier ces travaux à des entreprises privées qui recrutent de la main d’oeuvre sous qualifiée.
« Cette panne c’était pas la première fois, ils avaient fait des travaux il y a six mois, ça avait dû être mal fait. Je suis sûr que c’est une faute professionnelle, je les ai vu les ouvriers qui faisaient les travaux il y a six mois, c’était pas des professionnels. «
(Domestique, 26 heures)
« Chez nous il y a souvent des pannes, surtout rue de Borrégo. Là, ils venaient juste de refaire les travaux. D’ailleurs, on ne peut plus boire l’eau depuis qu’ils ont fait des travaux à EDF. Et on a plus de problèmes depuis qu’ils ont mis en 220 volts. »
(Domestique, 26 heures)
« On a supporté ça bien, que voulez-vous y faire, on ne peut rien faire, on fait toujours retomber ça sur les petits, on ne s’attaque jamais aux gros, moi je crois que c’est dû à une mauvaise qualité de travail. Les gars qui ont mis les câbles n’avaient pas de qualification, ils ont dû percer des câbles. C’est des sociétés privées qui font le travail, et elles ne font pas bien le recrutement. »
(Domestique, 26 heures)
2- 2 La communication
Si les critiques formulées jusqu’à présent concernent les activités de EDF en amont de la coupure, l’attitude de l’entreprise pendant la coupure est également mise en cause, en particulier dans le domaine de la communication. En effet, tous les usagers soulignent les désagréments causés par l’incapacité à obtenir une information fiable de la part de EDF.
« C’est tout de même surprenant que EDF réponde : “coupure indéterminée”. La communication passe mal. On dirait que le service EDF n’était pas au courant de l’importance du problème. »
(Domestique, 6 heures)
« Bien sûr, on savait ça allait revenir. Mais quand ? On attendait. Il y avait un manque d’information on s’est organisé en fonction de la situation.
(Domestique, 26 heures)
Ces désagréments sont essentiellement dûs à l’absence d’information sur la durée de la coupure.
« J’étais agacé. Je voulais savoir pourquoi ça n’était pas réparé plus vite. »
(Domestique,6 heures)
« Le problème c’est qu’on n’est pas informé sur la durée, apparemment ils devaient chercher la panne. »
(Professionnel, 5 heures)
Enfin, les interviewés insistent sur le manque de liaison entre les ouvriers sur le terrain et la direction.
« En fait l’EDF n’a rien pu dire aux gens. Au central ils ne savaient pas. Ce sont les gens dans les bureaux qui répondaient. Ils ne sont pas sur le terrain avec les techniciens. »
(Domestique, 26 heures)
« On nous disait que ça allait revenir dans 2 ou 3 heures, mais les pauvres ouvriers (EDF) étaient tellement occupés, il n’y avait personne de EDF pour renseigner la clientèle. »
(Domestique, 26 heures)
« Quand une telle coupure se produit, il serait souhaitable que EDF puisse indiquer un planning de rétablissement du courant. L’information était insuffisante. J’ai eu l’information parce que je suis allé dans la rue. On n’a su à aucun moment quand le courant revenait. Quand on explique aux gens ce qui se passe et ce qui est prioritaire, les gens acceptent mieux, ils comprennent. C’est plus supportable. »
(Domestique, 26 heures)
Mais, malgré tout, un seul usager remet en cause le statut de l’entreprise et estime qu’une entreprise privée saurait mieux faire face à ce genre de situation.
Nous avons téléphoné une première fois vers 7h le soir, une seconde fois vers 10h le soir. Ils ne savaient pas combien cela allait durer. C’est l’administration! Personne ne sait! Avec une entreprise privée ça ne se passerait pas ainsi. Sur la facture EDF il n’y avait pas un mot d’excuse. Pourtant ce n’est pas bien difficile, ils peuvent utiliser aussi l’informatique pour faire passer un message. Le service clientèle de l’EDF c’est zéro! Ils auraient dû s’excuser.
(Domestique, 6 heures)
Enfin, terminons ce sujet en citant les paroles d’une jeune femme dont l’opinion permet de tempérer les affirmations précédentes.
« On a vu arriver un gros car EDF. On s’est dit que la panne était grave. Ils étaient là le lendemain avec le camion EDF. On a téléphoné à l’EDF. On nous a dit que c’était une panne de secteur, qu’il fallait patienter. Ils nous ont expliqué ce que c’était : un câble avait sauté. Une grave panne de secteur. Le lendemain le camion EDF était encore-là. On est allé aux nouvelles. On s’est rendu compte qu’on n’était pas seuls. Ils avaient dit que ça reviendrait aux environs de 21h le samedi. Ça a été correct, les informations étaient bonnes. »
(Domestique, 5 heures)
2- 3 Les moyens mis en place par EDF
Les moyens mis en oeuvre par EDF pendant la coupure sont diversement appréciés. On trouve parmi les personnes interviewées, une égale répartition d’usagers satisfaits et insatisfaits des moyens humains et techniques mobilisés par EDF. Ces avis sont également répartis sur la population des usagers ayant subi une coupure de six heures à vingt six heures.
a- les usagers insatisfaits :
Pour certains l’absence de lien précédemment citée entre les techniciens sur le terrain et le service central, se double d’une insuffisance de main d’oeuvre mobilisée.
« Il n’y avait qu’un seul technicien qui faisait la navette entre 4 générateurs. C’était insuffisant. Il n’y avait pas assez de personnel. »
(Domestique, 26 heures)
« Il n’y avait aucune communication entre le personnel EDF du centre et le technicien qui était sur place. Un seul technicien ! je suis allé le voir le matin. Il avait travaillé toute la nuit. Je pense que cette coupure est exceptionnelle, que ça ne se reproduira pas. »
(Domestique, 26 heures)
« Un seul technicien : il y avait une insuffisance de personnel disponible. Le technicien n’était pas sûr que les câbles réparés allaient tenir. Pas d’information, c’est insupportable. »
(Domestique, 26 heures)
Les moyens techniques sont également jugés insuffisants.
« L’EDF nous a dit d’abord que ce serait rétabli dans le courant de la nuit. Ils avaient amené des groupes électrogènes je ne sais pas combien mais c’était insuffisant. »
(Domestique, 26 heures)
Enfin, pour ceux qui n’en ont pas bénéficié, la mise en place d’un système provisoire d’alimentation est inconnue.
« Il n’y a pas eu de système de distribution provisoire d’électricité. Il n’y avait rien. »
(Domestique, 26 heures)
b- les usagers satisfaits :
Pour d’autres, les moyens mis en oeuvre étaient impressionnants.
« Quand je suis parti à 11 heures du soir pour travailler, parce que je travaille de nuit, j’ai vu les gars (de EDF) qui travaillaient sur les trottoirs, et quand je suis revenu le lendemain matin, ils étaient encore là. On peut pas dire, ils ont vraiment bossé pour essayer de remettre tout en place. Les gens râlaient parce qu’on ne sait jamais rien dans ces cas là. Mais là, on voyait les gros 378 tonnes arriver, donc on voyait bien qu’ils travaillaient, qu’il faisait quelque chose pour arrêter la panne. Quand j’ai promené le chien j’ai regardé les ouvriers, parfois ça sautait, ils avaient l’air embêté. »
(Domestique, 26 heures)
Cet avis se retrouve aussi bien chez les usagers coupés cinq heures que chez les usagers coupés vingt six heures.
« Il faisait froid, on voyait les ouvriers EDF qui travaillaient autour des camions, ils ont pas dû s’amuser non plus. »
(Domestique, 5 heures)
« En fait ils ne savaient pas très bien. Ils ont dû chercher longtemps. Ils ont travaillé jour et nuit. J’ai vu un technicien qui travaillait sans arrêt. »
(Domestique, 26 heures)
Certains soulignent la sollicitude des ouvriers EDF et l’efficacité du système de délestage.
« Un câble a cédé avenue Gambetta. Le technicien de l’EDF nous a posé une question astucieuse: En quoi ça vous gêne le plus ? Il semble qu’il se souciait des problèmes les plus graves des gens. »
(Domestique, 26 heures)
« Sans ce système de délestage ça aurait été glacial. J’ai pu avoir un minimum d’électricité. J’ai apprécié ce système mis en place. Je sais que les camions sont venus rapidement. Ils ont fait de leur mieux. «
(Domestique, 6 heures)
II- Les attentes des usagers par rapport à EDF
1- Etre prévenus
Un grand nombre d’usagers auraient donc souhaité être prévenus pendant la coupure de sa durée possible. Pour certains, c’est une procédure permettant d’alléger psychologiquement l’attente, pour d’autres, elle donne la possibilité de prendre les mesures nécessaires à l’organisation d’une journée perturbée par l’absence d’électricité.
« Si j’avais été prévenu, j’aurais été rassuré, je me serais dit : »plus qu’une heure! »
(Domestique, 6 heures)
« Si j’avais été prévenu, j’aurais au moins amené des conserves dans le congélateur d’un ami. »
(Domestique, 26 heures)
« Si on n’avait su que ça recouperait plusieurs fois, je n’aurais pas remis les pendules à l’heure à chaque fois. »
(Domestique, 5 heures)
Cependant, certains se disent conscients de l’impossibilité pour EDF d’assurer cette information.
« S’ils avaient prévenu jusqu’à quelle heure c’était coupé, on aurait été fixé mais j’ai l’impression que d’un immeuble à l’autre, ça changeait, ils ne pouvaient pas savoir. Tout le monde téléphonait, donc j’allais pas m’y mettre. On ne savait pas si c’était une petite ou une grosse coupure. »
(Professionnel, 5 heures)
« Si j’avais été prévenu, je serais parti en week-end avant la coupure. Mais peut-être ils ne pouvaient pas savoir. J’ai ressenti un énervement d’être retardé. »
(Domestique, 5 heures)
2- Obtenir des excuses et explications
S’il est concevable pour certains usagers que EDF ne puisse pas les informer de la longueur des coupures, tous attendent de cette entreprise qu’elle justifie a posteriori ses activités et ses dérangements. Les demandes d’explication et d’excuses sont particulièrement fréquentes chez les usagers ayant subi les coupures de longue durée.
« Par contre après ils auraient pu nous informer après, on n’a jamais su ce qui s’était passé. Ils auraient pu faire un courrier pour s’excuser, sans entrer dans les détails juste expliquer en gros ce qui s’est passé. »
(Domestique, 26 heures)
« On n’a pas eu d’explication, on entendait des bruits à droite à gauche mais on n’a jamais su ce qui se passait vraiment. Comme on a payé, on aimerait bien savoir. »
(Domestique, 26 heures)
« Si une telle coupure se reproduisait, je demanderais des informations précises de la part d’EDF. Une panne courte, ça arrive. Une panne de quarante huit heures, c’est intolérable! »
(Domestique, 26 heures)
Pour certains, cela se justifie de plus par les dangers encourus par les usagers non informés des événements.
« EDF aurait dû prévenir. Si on était parti en vacances et revenu sans savoir qu’il y avait eu une telle coupure, le congélateur aurait eu tout le temps de recongeler et on aurait pu s’empoisonner avec des aliments abîmés. Quand la coupure est de 2 ou 3 heures, c’est bon, mais quand c’est long comme ça; ils pourraient prévenir par courrier, même après. »
(Domestique, 26 heures)
III- Les pratiques des usagers à l’égard de l’entreprise EDF pendant et après la coupure
1- S’informer pendant la coupure
1- 1 par téléphone
Le premier organe d’information sur la coupure est le téléphone. Cependant, nous avons trouvé, au cours de nos entretiens, un nombre à peu près équivalent d’usagers ayant téléphoné et n’ayant pas téléphoné.
« On avait appelé EDF plusieurs fois samedi et dimanche. Les gens s’impatientaient. Certains étaient en colère. Ils disaient à l’EDF qu’ils faisaient tout leur possible. On a beaucoup de coups de fil et de visites de locataires qui s’inquiétaient. »
(Domestique, 26 heure, concierge)
La satisfaction de ceux qui ont téléphonés est inégale.
« On a téléphoné plusieurs fois mais ils ne savaient rien, ils disaient : »allez voir dans la rue «
(Domestique, 26 heures)
« J’ai appelé EDF vendredi soir, ils m’ont dit que ça ne serait pas rétabli avant 21h, c’est pour ça que j’ai fermé. J’ai rappelé le samedi vers 11h, ils m’ont dit qu’il restait quelques travaux à faire et que ça serait rétabli. »
(Professionnel, 5 heures)
« C’était ennuyeux on devait partir le lendemain. On a dû téléphoner pour savoir quand l’électricité serait remise. Le préposé EDF ne pouvait donner d’information sur la durée. Je suis allé voir le technicien EDF dans la rue. C’était insuffisant. Quand on cherche l’information, on peut toujours l’avoir. »
(Domestique, 26 heures)
Certains ont appelé seulement dans les dernières heures de la coupure, lorsque l’électricité étant rétabli chez leur voisin, leur propre situation devenait intolérable.
« On a appelé le dimanche après midi quand on a vu que ça se rallumait autour. C’est ce qui était le plus pénible, voir que les autres étaient remis et pas nous. »
(Domestique, 26 heures)
« Mon mari a téléphoné à EDF pour savoir ce qui se passait. On lui a répondu que c’était terminé.
(Domestique, 6 heures)
Ceux qui n’ont pas appelé justifient ceci par la probable abondance de coups de téléphone auquel ils ne souhaitaient pas s’accumuler.
« On n’a pas téléphoné à EDF, on s’est douté que tout le monde le faisait. »
(Domestique, 26 heures)
« Je n’ai pas appelé EDF, tous les voisins ont appelé, tout le monde téléphone, c’est toujours occupé, de toutes façons, qu’est ce que vous voulez faire …? bien sûr, ça nous aurait arrangé de savoir quand ça allait revenir, mais…! »
(Professionnel, 5 heures)
Certains soulignent l’inutilité de la démarche.
« Nous n’avons pas téléphoné à EDF, nous avons demandé à la concierge en descendant le samedi, mais elle n’en savait pas plus que nous, mais téléphoner à EDF… De toutes façons, qu’est ce qu’on peut y faire ? »
(Domestique, 26 heures)
« Non, d’après mes voisins, ils donnaient toujours un horaire qui était reculé. »
(Domestique, 6 heures)
1-2 dans la rue
L’agitation et l’activité déployées par EDF dans la rue suffisent à certains pour évaluer la gravité de la panne
« Je ne savais pas combien de temps ça allait durer. Pendant quelques heures, j’ai pensé que ça allait revenir mais ensuite je me suis bien rendu compte que ça clochait, il y avait des ouvriers dans la rue, tout le monde était autour pour essayer de savoir ce qui se passait. C’était pas la peine que j’appelle EDF, tout le monde le fait, j’allais pas en rajouter. »
(Professionnel, 5 heures)
« A partir du moment où c’est général je ne m’inquiète pas, je voyais bien que quelque chose se passait dehors, il y avait les camions EDF, les ouvriers et tout le monde autour. »
(Professionnel, 5 heures)
Certains tentent d’obtenir des renseignements auprès des techniciens sur le terrain.
« On n’a pas pu avoir EDF, c’était toujours occupé. Le samedi, mon frère est allé voir le camion dans la rue, ils ont dit que ça allait être remis, mais on attendu encore longtemps. De toutes manières, même si on l’avait su, ça n’aurait rien changé, on ne peut rien y faire. »
(Professionnel, 5 heures)
2- Porter plainte après la coupure
Face aux pertes subies par certains, mais aussi face à l’absence de procédure de justification de la part d’EDF, de nombreux usagers font allusion aux possibilités de dépôt de plainte auprès de l’entreprise. Si aucun n’a finalement concrétisé la demande, quelques groupes de protestataires ayant l’intention de porter plainte se sont formés après l’incident.
« Je ne me suis pas inquiété. Au début, je me suis dit, ça va, ça ne durera pas, mais le samedi j’ai commencé à m’inquiéter, j’étais très en colère. J’étais au courant qu’une pétition allait circuler, puis finalement, ça ne s’est pas fait, et le dimanche après quelques heures de chauffage, on oublie tout ! Mais j’ai quand même perdu beaucoup dans le congélateur, la viande ça coûte cher! »
(Domestique, 6 heures)
« Quand on a reçu la facture, on avait décidé avec plusieurs commerçants du quartier de déduire nos pertes de la journée. On a téléphoné à EDF, ils ont dit qu’on ne pouvait pas faire ça. Alors on voulait prendre quelqu’un pour nous défendre mais on a pensé que ça nous ferait encore perdre de l’argent, on a laissé tomber. »
(Professionnel, 5 heures)
Certains auraient souhaité alerter la presse.
« On voulait prévenir la presse mais on n’a pas eu le temps et puis on a laissé tomber. Dans le 16ème arrondissement, il y a eu une panne du même genre, ils l’ont annoncé dans les journaux ! J’ai très mal pris la facture que j’ai reçu le jour même. »
(Domestique, 6 heures)
Si toutes ces déclarations restent sur le mode hypothétique, c’est parce que tous doutent de l’efficacité et des résultats de la démarche.
« On n’a pas porté plainte, pour quoi faire, et puis ça n’aurait pas changé grand chose de porter plainte. »
(Domestique, 5 heures)
« Le dimanche, ça allait parce qu’ils avaient mis un groupe électrogène.On n’a pas fait de réclamation, à quoi ça sert , on n’obtiendra rien . »
(Professionnel, 5 heures)
« On a pensé écrire à EDF mais on ne l’a pas fait, ni aux assurances. »
(Domestique, 26 heures)
Dans les perceptions des usagers tout se passe comme si toute tentative de réclamation auprès de l’entreprise EDF était vaine. Peut-être peut on voir derrière ces perceptions se profiler l’ombre des désillusions des usagers quant au fonctionnement des administrations françaises, et particulièrement quant à la capacité de réclamations des clients auprès de telles entreprises.
Ainsi, si, comme on l’a vu précédemment, l’homme est peu de chose face aux caprices de la fée électricité, l’usager est tout aussi démuni de moyens d’intervention face à l’entreprise EDF.
ANNEXE
SIGNALÉTIQUE
Entretiens |
Domestique / Profes-sionnel |
Heures de coupure |
Nombre d’individus par foyer |
Age de l’interlocuteur ou du couple |
Type de chauffage |
N° 1 |
D |
26 |
3 |
60 – 65 |
central par le sol |
N° 2 |
D |
26 |
2 |
34- 37 |
central par le sol |
N° 3 |
D |
26 |
2 |
51- 72 |
individuel électrique |
N° 4 |
D |
26 |
3 |
50 |
individuel électrique +poêle charbon |
N° 5 |
D |
26 |
2 |
56 |
central par le sol |
N° 6 |
D |
5+ |
3 |
65- 65 |
central mazout |
N° 7 |
D |
5+ |
1 |
22 |
central fuel |
N° 8 |
D |
5+ |
2 |
65 |
central fuel |
N °9 |
D |
5+ |
1 |
69 |
central fuel |
N° 10 |
D |
5+ |
2 |
34 |
gaz |
N° 11 |
D |
5+ |
1 |
25 |
gaz |
N° 12 |
D |
5+ |
3 |
43 |
individuel électrique |
N° 13 |
D |
6 |
2 |
28 |
individuel électrique |
N° 14 |
D |
6 |
2 |
30 |
gaz plus électrique |
N° 15 |
D |
6 |
2 |
65 |
collectif fuel |
N° 16 |
P |
5+ |
pas de chauffage | ||
N° 17 |
P |
5+ |
un convecteur électrique | ||
N° 18 |
P |
5+ |
gaz | ||
N° 19 |
P |
5+ |
électrique à accumulation | ||
N° 20 |
P |
5+ |
mazout |
[1]Nous n’entendons pas par là que le discours des professionnels reflète un intérêt moins marqué pour cet événement, mais que ce discours n’est pas illustré d’images et de références de type « passéiste ».