1993, Tateossian Pascal, Desjeux Dominique, L’identité des chimistes

Consommation

1993, Pascal Tateossian, Dominique Desjeux, Quelle identité professionnelle pour les chimistes ? [1]

I – PRÉSENTATION : problématique et méthodologie

1 – Le contexte de l’étude[2]

 

Cette étude sur les représentations que les chimistes ont d’eux-mêmes et de leur discipline a été réalisée à la demande du comité d’organisation du colloque « Chimie et Société ». Elle a été l’occasion pour nous, en tant qu’anthropologues, de découvrir un nouveau groupe social, celui des chercheurs en chimie, publics et privés. Elle nous a permis de réfléchir sur la question de l’identité professionnelle, et ceci grâce aux facilités d’accès qui nous ont été données par les chimistes eux-mêmes. Elle nous a aidés à progresser dans notre domaine, celui de l’étude comparé des pratiques scientifiques, entre les sciences humaines et  celles de la vie ou de la nature, et sur la façon dont chacun construit les faits scientifiques.

Pour les chimistes, cette enquête leur a peut-être  permis de découvrir que les problèmes d’image n’étaient probablement pas là où ils le pensaient et qu’il était possible de repérer une identité des chimistes. C’est pourquoi cette enquête s’inscrit dans un double contexte, à la fois de contacts entre disciplines, mais aussi d’image d’une discipline par rapport à elle-même, par rapport à la société et de la société vis à vis d’elle.

Enfin, les entretiens menés au cours du colloque “Chimie” et “Société”, peuvent être vus comme autant de rencontres entre des chimistes  qui, pour la plupart, n’ont l’occasion de ne parler de leur discipline qu’entre eux, et des membres du « grand-public », ici les sociologues,  qui en tant que représentant des sciences dites « molles » peuvent être assimilés à un public de non-spécialiste par les scientifiques des sciences dites « dures »[3]

Mais, notre enquête s’inscrit aussi dans le contexte d’une relation perçue comme “tendue” entre “Chimie” et “Société” [4]. Les chimistes se sentent souvent méconnus dans leur apport à la société, alors que « la chimie est présente partout où il y a transformation de la matière, inerte ou vivante », voire accusés à tort : ce qui est reconnu comme provenant de la chimie par le public n’est probablement qu’une partie de l’iceberg, celle qui lui est la moins favorable en général à leur légitimité propre.

Notre enquête va donc essayer de répondre à deux questions : comment les chimistes  perçoivent l’image qu’ils ont dans le grand public et peut-on retrouver une identité commune des chimistes au-delà des diversités de situation.

 

2 – L’identité des chimistes : une construction sociale mouvante qui mobilise la famille, la profession et l’image du grand public

 

L’enquête a permis de dégager un certain nombre de points communs auprès de vingt deux chimistes, pris comme indicateurs de l’identité professionnelle à découvrir. Nous avons utilisé la technique des “histoires de vie centrées”, à base d’entretiens semi-directifs.[5] Les entretiens abordaient l’ensemble de la trajectoire professionnelle de nos interlocuteurs : depuis la fin des études secondaires, où s’est généralement fait le “choix” de la chimie, jusqu’aux modalités de leur pratique actuelle.

Mais ils ont aussi explorés l’univers de la vie familiale. En effet, comme le note C. Dubar (1991), “avant de s’identifier à un groupe professionnel ou à un type de diplômés, un individu, dès l’enfance, hérite d’une identité de sexe, mais aussi d’une identité ethnique et d’une identité de classe” Les « histoires de vie centrées » nous ont permis d’aborder des thèmes comme la famille d’origine, le type de socialisation connu durant l’enfance, les circonstances qui ont amené à exercer la chimie, etc… et donc de montrer que l’identité des chimistes aujourd’hui pouvait participer autant de facteurs professionnels, que de facteurs générationnels au sein d’une même famille, que de la façon dont chacun est entrée dans une scolarité liée à la chimie.

Nous avons également voulu nous démarquer de l’approche « essentialiste » qui est parfois associé au concept d’identité, de la même manière que pour le concept de “culture”(cf. Desjeux D., Taponier S. 1994) et pour laquelle l’identité renverrait à une essence et à une origine pure et identifiable. Dans notre enquête, le postulat est que l’identité professionnelle n’est pas immuable et qu’elle ne se limite pas à la sphère du travail. La formation à la chimie, les manipulations de produits, l’étalonnages ou la rédaction de rapports, ne suffisent pas à eux seuls à forger une identité. Cette identité est donc la résultante d’interactions sociales, d’incorporations  de modèles de raisonnements professionnelles et de normes sociales.[6]

 

3 – l’échantillonnage raisonné des chimistes : des chimistes fortement diplômés, en chimie organique, minérale et analytique

La méthode d’échantillonnage a consisté ici à raisonner la diversité souhaitée, en la restreignant au groupe des chercheurs, afin de pouvoir en abstraire par la suite des éléments d’identité sur une base comparative minimum, c’est à dire celle des chercheurs et des chimistes diplômés plus que celle des techniciens.

L’échantillon comprend des chimistes âgés de 35 à 45 ans. Ils se répartissent en : 7 femmes et 15 hommes, 15 exerçant dans le privé et 7 dans le public, 16 sont passés par des écoles de chimie (petites ou grandes, plus 1 D.U.T., 1 B.T.S., 1 D.E.S.T., 1 maîtrise, 2 C.N.A.M), huit peuvent être qualifiés de “chercheurs” et 10 ont passé une thèse.

Nous avons de plus intégré d’autres variables comme la spécialité : chimie analytique, minérale ou organique ; des chimistes “chercheurs” et d’autres plus tournés vers la “gestion de la recherche”, des enseignants (du secondaire, du supérieur, des grandes écoles), ainsi que deux personnes qui ont à l’origine une formation de chimie, mais qui ne la pratiquent plus aujourd’hui.

La méthode qualitative utilisée dans cette enquête est valide pour saisir la diversité des situations possibles. Elle n’a pas d’objectifs de pondération statistique, qui n’est qu’un mode parmi d’autres d’administration de la preuve. Mais elle possède aussi sa propre validité dans le domaine de la généralisation.

Sauf à supposer que tous les comportements humains sont irréductibles à l’analyse du fait que chaque individu est unique, ce qui est juste par ailleurs, il faut au contraire penser qu’en réalité les comportements des individus, parce qu’ils participent de la vie sociale, possèdent des points communs sans lesquels aucune communication ne serait possible, à commencer par le langage. Ce sont ces points communs qui forment des régularités, des structures et donc qui permettent des généralisations limitées, comme dans la plupart des sciences.

 Dans les sciences humaines, en approche qualitative, la capacité à généraliser sans statistique, dans des domaines délimités  et suivant des méthodes spécifiques, vient du constat qu’en pratique, alors que l’esprit humain possède des potentialités importantes de créer de la variété, toute société « se choisit » un nombre limité de solutions, c’est à dire de comportements, de valeurs ou de gestes, dans un champ d’activité particulier.

Généraliser, ici, ne veut pas dire que tout le monde fait la même chose, ni dans quelle proportion, mais qu’il y a de fortes chances que l’on retrouve partout ces comportements de base, à leurs variations individuelles prêt. En chimie il y a de forte chance que la pratique de la paillasse ou celle de l’ordinateur aujourd’hui, soit une pratique généralisable à l’ensemble des chimistes à un moment ou l’autre de leur vie.

Cependant, répétons-le, le caractère de cette enquête est essentiellement exploratoire, et vise plus à offrir une base empirique à la formulation de nouvelles hypothèses, qu’à affirmer de manière péremptoire des “faits indiscutables”.

 

II – Résultats : les thèmes autour desquels se structure l’identité des chimistes

 

Nous avons cherché à dégager un ensemble de thèmes récurrents dans le discours de nos interlocuteurs, quelles que soit leur formation et leurs fonctions actuelles. C’est ce que nous appellerons les référents identitaires des chimistes.

 

1-La paillasse : entre mythe et réalité

L’activité professionnelle des chimistes s’organise sur un continuum entre deux pôles : le pôle « technicien » lié aux activités de terrain ; et le pôle « administratif » dégagé de toute activité de terrain.

Quelle que soit leur place dans ce continuum qui mène du “chercheur pur”, à “l’administratif »,  les chimistes définissent le “vrai chimiste” comme un “chimiste de paillasse”. L’élévation dans la hiérarchie, qui se traduit par un accroissement des tâches administratives, est d’abord présentée comme un éloignement de la paillasse, plutôt que comme un passage à de nouvelles activités. Ceci est le premier indicateur qui montre qu’une grande partie de l’identité des chimistes s’est à l’origine structurée autour de cette “paillasse” (qu’elle soit réelle ou mythique dans la mesure où de plus en plus d’opérations sont prises en charge par des machines).

Il en va de même des tâches administratives, des “devoirs de communication” (colloques, rédactions de rapports, etc.), de formation (des stagiaires, des doctorants) et des fonctions de management : ceux-ci sont mal perçus par les chimistes qui semblent vouloir se consacrer exclusivement à ce qu’ils appellent le “terrain”.

Le passage à la “gestion de la recherche” bouscule donc les référents autour desquels l’identité des chimistes s’est d’abord construite, et va les obliger  à une sorte de “restructuration identitaire”, en produisant de nouveaux référents : l’identité n’est donc pas une réalité immuable. Seule une étude auprès de chimistes plus âgés permettrait cependant de prendre la mesure de ces changements.

Une autre preuve de ce rôle de la paillasse dans la structuration de l’identité des chimistes est que l’activité de paillasse est considérée comme l’élément discriminant entre “vrai” et “faux” chimiste.

“Si j’ai a évoluer, ce que je souhaiterais c’est conserver le côté technique de la chimie.”

 “Le chercheur en lui-même est un anti administratif, ceux qui font de l’administratif sont des déconnectés de la recherche. Les administratifs ne sont pas des chimistes.”

“Le vrai chercheur, c’est celui qui a la tête pleine de théorie et quand même les mains sue la paillasse.”

Cependant si l’on croise les emplois du temps avec ces déclarations sur le rôle central du travail de paillasse, on se rend compte que ce dernier n’occupe bien souvent qu’une toute petite partie du temps total de travail. Autrement dit, la paillasse est à la fois réelle et mythique, elle est un emblème (au même titre que les fameux tubes à essais, si souvent cités par rapport à leur fréquence d’utilisation) que l’on met en avant, mais qui ne renvoie que partiellement à la réalité des pratiques. Cela prouve bien que nous sommes ici dans le domaine des représentations que les chimistes ont d’eux-mêmes, c’est-à-dire ce autour de quoi ils structurent leur identité[7].

Les réticences face au passage aux tâches administratives (inéluctables si l’on veut s’élever dans la hiérarchie), est donc un assez bon indicateur du référent identitaire que constitue la paillasse dans l’imaginaire des chimistes. L’automatisation de certaines tâches est d’ailleurs appréhendée de la même manière : une mise à distance  de la matière et de la paillasse. C’est peut-être dans ce sens qu’il faut comprendre cette invocation si fréquente des outils traditionnels de la chimie (la verrerie en particulier). La référence à la verrerie n’est pas la trace d’une attitude passéiste de la part des chimistes (bien au contraire, comme la plupart des scientifiques ils éprouvent une certaine jubilation face au matériel moderne), mais elle n’est qu’une autre façon de parler de la paillasse à un non spécialiste de la chimie.

 

2 – Le rapport au matériel : entre tradition et modernité

Le rapport à la paillasse nous amène tout naturellement à mentionner un thème adjacent : celui du rapport au matériel. Les chimistes rencontrés ont pris beaucoup de plaisir à nous montrer leurs coûteuses machines, à nous expliquer en détail leur fonctionnement, les gains de temps et d’argent qu’elles permettent, etc.. Leur rapport au matériel semble donc emprunt d’une certaine jubilation.[8]

Cependant le rapport au matériel moderne est ambivalent : d’un côté on met en avant la modernité et la sophistication du matériel actuel, et de l’autre on dit regretter certaines manipulations qui sont désormais automatisées, qui détruisent le contact immédiat à la matière.

Le matériel moderne remplie plusieurs fonctions. Tout d’abord, ils renvoient à des enjeux socio-économiques. Pour les chercheurs, chaque machine procure une arme dans la concurrence pour la production de faits scientifiques solides : elle est donc porteuse d’un espoir de réussite scientifique (et donc sociale).

Plus profondément, recevoir un budget pour acquérir une machine de plusieurs millions de francs, c’est d’abord recevoir un gage de la confiance que les organismes de financement portent en vous, et donc une assurance de pouvoir continuer à travailler dans de bonnes conditions. Ainsi, indépendamment de son utilité technique, chaque demande de matériel peut être vue comme un moyen utilisé par le chimiste pour tester la confiance qu’il inspire. La « jubilation » du rapport au matériel s’expliquerait donc par le fait qu’il est une forme de capital, un capital objectivé, qui atteste du poids social et de la valeur scientifique du chimiste.

Reste par ailleurs à expliquer cette constante référence au matériel traditionnel. Celle-ci s’explique peut-être par la volonté des chimistes de ne pas perdre les signes (au sens de la sémiologie) qui leur permettaient de se distinguer (au double sens de se (faire) reconnaître et se démarquer), par rapport aux autres scientifiques. Dans l’imaginaire du public, les appareils modernes n’évoquent en effet pas spécialement la chimie, ou, « pire encore », ils évoquent les disciplines concurrentes comme la médecine ou la biologie. Or, le tube à essai ou la pipette font partie de ces emblèmes (au même titre que la paillasse) qui évoquent immanquablement le chimiste. Ainsi, la référence à la verrerie fait partie de ces points de passage obligés par lesquels les chimistes affirment leur spécificité.

Cette évocation du matériel traditionnel est d’ailleurs souvent faite sur un ton humoristique de manière à montrer que l’on est conscient de son obsolescence, mais elle est présente quand même :

“Le tube ça donne déjà une bonne approche qualitative du problème, quand on sait pas l’origine du problème. Alors on se moque de moi ; mes collègues ils disent “attention, perds pas le tube de Tonton.”

Il en va de même d’un autre cliché concernant les chimistes : celui du “Professeur Tournesol”, du “savant fou”, du “chimiste distrait”, etc.. Ces images reviennent fréquemment dans les discours, tout se passant comme si on souhaitait se démarquer d’elles sans toutefois pouvoir s’empêcher de l’évoquer. On voit bien avec ces exemples que l’on peut difficilement se construire une identité sans tenir compte de l’identité qui vous est attribuée par les autres : dans une situation d’entretien mettant en relation un non chimiste avec un chimiste, ce dernier a besoin de se faire reconnaître dans ce qu’il a d’irréductible, de spécifique, et trouve dans ces stéréotypes un moyen économique et sûr d’y parvenir, quitte à s’en démarquer dans un second temps.

 

3 – Un imaginaire de la puissance sur la matière, symbolisé par le prestige de la chimie organique

Si l’on continue notre investigation de l’image que les chimistes ont d’eux-mêmes, on pourra remarquer que certains n’hésitent pas à comparer leur discipline à une sorte de création divine. Tout droit venues du cerveau du chimiste, ces nouvelles molécules serviraient au bonheur de l’humanité :

“Cette image négative de la chimie, je la balaye d’un revers de main et je me concentre sur ce qui est intéressant et beau. La chimie c’est une puissance merveilleuse et en plus vous pouvez créer des molécules qui n’existent pas.”

On a donc ici une image du chimiste qui domine les autres, qui crée de la matière et qui en quelque sorte joue le rôle d’un dieu. Or, cet aspect créatif de la chimie, incombe en grande partie à la chimie organique, les spécialistes de la chimie analytique ne faisant qu’enregistrer un état de fait.

On peut donc se demander s’il n’existe pas une sorte d’homologie entre cette image prestigieuse de la chimie organique et la structure de la hiérarchie sociale dans le champ de la chimie : les organiciens de notre échantillon semblent en effet avoir les parcours scolaires les plus brillants, ainsi que des responsabilités plus élevées.

De plus, à plusieurs reprises des analystes nous ont parlé de la chimie organique comme d’une sorte de “noyau dur” de la chimie. C’est ce que veut par exemple dire ce pharmacien de formation qui n’a pas réussi à exercer en chimie organique et qui a dû se spécialiser en analyse :

“La chimie organique c’est pur et dur de la synthèse. Il faut vraiment être branché en chimie, c’est clairement un métier de chimiste.”

De plus, du fait de l’instrumentation moderne (par le biais de I.C.P. par exemple), il est possible que les savoir de l’analyste aient subi une certaine dévaluation.[9] Cette hypothèse en suggère une autre qui tient compte de l’origine sociale des chimistes : est-il possible de distinguer deux “filières” structurant en partie le champ de la chimie ?

– la première filière mènerait des écoles les plus prestigieuses à la chimie organique puis à de précoces responsabilités administratives (dans le public aussi bien que dans des entreprises privées). Cette filière serait statistiquement plutôt associée aux classes sociales supérieures.

– la seconde associerait petites écoles d’ingénieur (ou université, C.N.A.M., voire études techniques courtes), chimie analytique et classes sociales moyennes, voire populaires.

Lorsque l’on examine l’origine sociale des personnes interrogées, on constate deux choses. Tout d’abord, une représentation a priori  importante d’individus issus des classes populaires (des enfants de boulanger, de charcutier, de technicien, d’employé de la S.N.C.F. par exemple). Deuxièmement, ces individus semblent, dans notre échantillon, attachés à des fonctions d’analyse chimique, c’est à dire dans le secteur moins « noble » de la chimie.[10]

 

4 – Le rapport au danger

Dans les laboratoires, il existe le plus souvent des règlements  visant à codifier la façon dont doivent procéder les chimistes pour ne pas mettre en danger leur santé. Ainsi, le port des lunettes ou de la blouse lors de certaines expériences seront posés en impératifs. Les chimistes eux-mêmes, quand on leur parle des risques de leur métier, commencent toujours par évoquer ces règlements impersonnels. Cependant, lorsque l’on creuse un peu, on voit que l’existence d’une règle ne suffit pas à organiser les pratiques, et que tout un jeu se développe autour de celle-ci : il y a toujours une marge, même très réduite, dans le comportement individuel face au danger. Étudions les différents sens que revêt cette mise à distance des règles.

Voyons d’abord comment les chimistes nous parlent des risques de leur métier. On peut dire que leur discours oscille, parfois chez un même individu, entre dramatisation  et volonté de dédramatisation  du danger. La dramatisation d’abord :

“Il y a quelques années, quelqu’un s’est fait sauté la figure dans une manip. Ca a explosé, ça lui a coupé la tête… La chimie c’est dangereux.”

“Nous on sait jamais ce qu’il y a dans un échantillon, et c’est pour le savoir qu’on nous paye. Supposez qu’on nous envoie du cyanure de potassium, ça peut être dramatique.”

Ces deux exemples illustrent très nettement cette façon dramatique de parler de la chimie. On peut penser que les fonctions d’un tel discours sont multiples. Tout d’abord, il peut s’agir d’un moyen de maîtrise de l’angoisse de mort liée à la pratique : peu importe que les dangers soient réels ou fantasmatiques, seule compte ici l’idée que certains chimistes exercent avec l’idée d’un danger potentiel. Par ailleurs, cette dramatisation peut également être un moyen de se mettre en valeur en attestant de son courage et de sa maîtrise du danger.

A côté de cela, peut coexister un discours visant à dédramatiser la chimie :

“Faut pas croire que tout est dangereux, mais on fait très attention.”

“On manipule des produits dangereux comme n’importe qui.”

Ce discours peut également être vu comme un façon de maîtriser l’angoisse. Il est enfin une façon de corriger l’image que l’on juge excessivement négative de la chimie dans le grand public[11]

Dès lors, l’utilisation du matériel de protection dépendra de tous ces facteurs. Examinons par exemple sommairement l’ensemble des significations que peut revêtir le port de la blouse et des lunettes. Premièrement, la blouse peut être vue comme le signe de son appartenance à la “tribu des chimistes”. Ainsi, lorsqu’un stagiaire entre pour la première fois dans un laboratoire, on commence par lui donner une blouse et des lunettes et par lui rappeler certaines consignes de sécurité. La blouse est à ce titre un signe d’appartenance.

En même temps, et nous rejoignons ici le second sens du port de la blouse, donner une blouse à un stagiaire c’est implicitement affirmer la hiérarchie du laboratoire : le stagiaire est celui qui peut commettre des erreurs, et qui a donc en permanence besoin de protections. C’est cette affirmation de la maîtrise du danger qui est en jeu quand le chimiste dit ne pas avoir besoin d’une blouse. On voit donc s’organiser tout un jeu autour de la blouse : la porter, ne pas la porter, la porter ouverte… sont autant de façons de mettre en scène sa compétence.

“On met des lunettes, on a des blouses. Moi j’en porte pas, ce qui n’amuse pas ma femme d’ailleurs, car ça fait des trous dans les chemises. Mais si j’en met pas c’est par négligence, mais je vais en remettre.”

Enfin, la blouse est associée étroitement à la paillasse. La porter ou ne pas la porter (et porter, à la place, la chemise ou le costume du cadre), c’est affirmer sa position sur le continuum qui mène du “chimiste de paillasse” au “chimiste gestionnaire”. Ainsi, en fonction du capital d’autorité qu’il voudra mettre en avant (capital scientifique / position dans la hiérarchie de l’institution), un chef de laboratoire pourra porter ou ne plus porter sa blouse, et ainsi implicitement se placer soit du côté de la “recherche”, soit du côté de la “bureaucratie”. Un simple objet comme la blouse peut donc apparaître chargé d’enjeux sociaux.

 

5 – Une opposition à la physique et aux mathématiques : le “complexe” de chimistes

Une partie de l’identité des chimistes, comme pour tout groupe social, se construit soit en se plaçant sur une hiérarchie des sciences, soit en opposition avec les groupes disciplinaires proches que sont les mathématiciens et les physiciens.[12] On constate que les chimistes comparent spontanément la chimie aux autres disciplines (dans plus de la moitié des entretiens), ce qui est d’autant plus intéressant que nous avions pris soin de ne pas aborder nous-mêmes ce thème au cours de l’entretien. Examinons donc maintenant les représentations par lesquelles les chimistes se posent en groupe différent des autres, c’est à dire sur ce qui fonde leur identité.

Les comparaisons de la chimie avec les autres disciplines portent d’abord sur la complexité, comme si celle-ci, dont le contenu reste malgré tout difficile à discerner, servait d’axe organisateur du sommet à la base de la hiérarchie des sciences, du plus complexe au moins complexe. Pour les uns la chimie serait plus complexe que la physique, pour les autres la chimie serait beaucoup plus simple :.

“Bien sûr il existe une hiérarchie des disciplines selon la difficulté. C’est maths, puis physique et chimie en dernier.”

“Les phénomènes de la chimie sont simples, les lois marchent bien. La chimie nécessite une analytique beaucoup plus puissante que la physique. Une molécule c’est quand même plus compliqué qu’un fil de cuivre dans lequel passe du courant.”

Bien que certains chimistes soient fermement convaincus de la “supériorité” de leur discipline, on peut cependant, sans trop prendre de risques, avancer qu’il existe chez eux un certain “complexe d’infériorité”. Ce sentiment se retrouve par exemple autour de l’opposition théorie / pratique, la chimie étant placée du côté de la pratique, la physique et les maths du côté de l’abstraction. Les exemples de ce genre sont légion :

“La chimie a une image négative alors que les maths ont une image positive. Peut-être parce que les maths ont un haut niveau d’abstraction. La physique est plus pratique, et la chimie est plus vue comme de la cuisine.”

Si nous avons choisi de citer cet exemple, c’est parce que la comparaison de la chimie avec la cuisine revient à plusieurs reprises. On note que cette association chimie / cuisine est toujours mentionnée de manière assez péjorative pour la chimie :

“Il y a un aspect recette de cuisine dans la chimie.”

Mais se démarquer ou non n’est pas  l’ordre de la bonne volonté. Construire une identité renvoie à des enjeux. D’abord, les attaques portées sont en partie imputables au fait que la distinction physique / chimie est en partie institutionnelle, et que les acteurs ont intérêt à sans cesse travailler au maintien de ces frontières : des postes, des budgets et des carrières sont ici en jeu. Mais il semble qu’une partie des chimistes aient la sensation d’être symboliquement dominés dans le champs de sciences exactes. Cela ne signifie pas qu’ils soient malheureux d’être chimistes (la plupart étaient au contraire très satisfaits de leur métier), mais uniquement qu’ils vivent avec l’idée d’exercer une discipline plus simple et moins prestigieuse que les autres.

 

6 – Les chimistes veulent  être des “savants utiles”

Les chimistes, contrairement aux hypothèses de départ, et cela est plutôt bon signe en sciences humaines, car cela signifie que la réalité n’a pas était « tordu » dans le sens de ce que voulait le sociologue, ont une image positive d’eux-mêmes. Ils l’expriment en nous renvoyant aux applications concrètes de la chimie, au “bien être” qu’elle génère, depuis les médicaments jusqu’aux anti-polluants en passant par les insecticides. Il s’agit là d’un leitmotiv qui est revenu à maintes reprises dans tous les entretiens. Le chimiste veut donc être un savant utile. Il est probable que pour le chimiste plus que pour le mathématicien, l’utilité soit un pôle de structuration de son identité.

La volonté d’être un savant utile est un référent identitaire positif qui permet de comprendre un autre référent identitaire, négatif celui-là ; l’identité de chimistes se construit également  en opposition à l’image qu’ils pensent avoir dans le grand public : ils sont tous d’accord pour dire que la chimie est mal perçue, pour s’insurger contre l’idée qu’ils sont à l’origine de la pollution, et pour rejeter la vision “antinaturelle” des produits chimiques, etc.. C’est donc en articulant la volonté d’être un savant utile à la société avec le sentiment de ne pas être reconnu par elle, que l’on peut comprendre la force de la réaction des chimistes.

“…les anti cancéreux, la synthèse de la vitamine B12, les antibiotiques, les aspirines, c’est de la chimie, mais pour vous, c’est de la pharmacie.”

Bien évidemment,  il n’est pas possible de faire totalement abstraction de l’identité qui vous est attribuée par autrui. C’est pourquoi, à côté de cette réaction de défense, on voit parfois coexister un certain sentiment de culpabilité. Tout se passe donc comme si les chimistes avaient eux-mêmes intégré en partie cette image négative de la chimie à leur identité. Ainsi, ils ne cherchent pas systématiquement à se disculper des accidents d’origine chimique qui peuvent survenir, ou encore ils mettent en avant le rôle de la chimie pour lutter contre la pollution d’origine chimique :

“Alors il n’y a pas que des choses bien : on me dira, Bhopal, Seveso, mais enfin les gens qui se servent du feu peuvent mettre feu à la forêt… On peut faire de la chimie mal ou bien, autant la faire bien.”

“La chimie est forcément dangereuse.”

 

 

CONCLUSION

Nous avons passé en revue un ensemble de thèmes autour desquels les chimistes construisent leur identité de groupe. Une partie de ces thèmes, pris isolément, ne suffisent pas à définir en propre les chimistes. On peut les retrouver dans d’autres univers professionnels ou scientifiques :

– l’importance accordée au terrain peut se retrouver chez nombre de scientifiques, comme les sociologues par exemple ! ;

– l’importance accordée au matériel moderne se retrouve chez la plupart des scientifiques, sauf peut-être chez les ethnologues ! ;

– le plaisir de créer de nouvelles formes à partir d’éléments plus simples se retrouve chez les sculpteurs ou chez les artisans ;

– la conscience de travailler dans un cadre potentiellement dangereux existe dans tous les métiers à risques. Les mineurs par exemples ont un rapport au danger très proche de celui des chimistes : une dramatisation de celui-ci, doublée de la volonté de le maîtriser (cf schwartz O., 1990 ) ;

– la volonté de mettre en avant l’utilité de son domaine varie en fonction des enjeux financiers auxquels sont soumis les scientifiques.

Ce qui est propre aux chimistes, c’est l’organisation de tous ces éléments autour d’un symbole, la paillasse, voire la verrerie et les formes particulières du danger lié à l’activité de chimiste, quelque soit l’ambivalence de ce rapport.

Par contre, la compétition, et la défense de l’utilité sociale qui lui est liée pour acquérir de nouveaux financements ou de nouveaux appareils se retrouve dans tous les secteurs de la recherche scientifique. Mais ce n’est pas ce qui fait l’originalité de l’identité des chimistes.

 En terme plus général, ceci tendrait à montrer que l’identité est à la fois une réalité et une fiction dans l’imaginaire, fiction qui permet à chaque groupe de s’autonomiser pour organiser sa survie. Au niveau le plus profond l’identité touche à tout ce qui se rapportent au corps, à l’espace, au temps, à l’alimentation ou à l’argent, et qui est de l’ordre des valeurs incorporées, des habitus ou des cadres a priori de la connaissance. Ceci demanderait plus de temps pour être analysé chez les chimistes. Par contre, les éléments de l’identité que nous avons fait ressortir montrent que les chimistes ont puisé dans leur activité professionnelle un certain nombre d’éléments qui pris isolément ne sont pas originaux, mais dont la combinatoire va servir à construire une identité. De plus ces éléments jouent une fonction stratégique pour se différencier des autres scientifiques, ou pour  les stigmatiser.

 Les chimistes ne sont pas des êtres à part, des êtres radicalement différents de tous les autres chercheurs ou professionnels. En fait, il nous semble que la spécificité des chimistes tient au contraire à cet assemblage particulier  d’éléments communs  à d’autres professionnels. Ce n’est certainement pas les chimistes qui nous contrediront, eux qui savent à quel point il est possible de créer des configurations différentes à partir d’un tout petit nombre d’atomes…

 

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GOTMAN A., 1992, L’enquête et ses méthodes : l’entretien, Nathan, Paris

schwartz O., 1990, Le monde privé des ouvriers, P.U.F., Paris

TAPONIER S., DESJEUX D., 1994, Informatique, décision, et marché de l’information en agriculture. Anthropologie de l’innovation : des logiciels d’aide à la décision aux systèmes d’informations géographiques, Paris, L’Harmattan, 380 p.

TAPONIER S., DESJEUX D., BERTHIER C.,1993, ENITA Bordeaux, création et développement du laboratoire « système d’information », Paris, ARGONAUTES/ contrat ministère de l’Agriculture, 76p. (multig.).

 



[1] – Pascal Tateossian est étudiant en troisième année de Magistère de Sciences sociales et en DEA, à Paris V-Sorbonne ; Dominique Desjeux est professeur d’Anthropologie, directeur scientifique d’ARGONAUTES et directeur du Magistère de Science Sociales de Paris V-Sorbonne

[2] Ce chapitre est le résumé d’une enquête réalisée et rédigée par les onze étudiants de deuxième année du Magistère de Sciences Sociales de L’université Paris V-Sorbonne, sous la direction scientifique de D. Desjeux et de S. Taponier. Le suivi de l’enquête a été réalisé par L. Varga, sociologue, chercheur associée à ARGONAUTES.La rédaction a été réalisée par P. Tateossian et D. Desjeux.

Cette enquête fait suite à plusieurs enquêtes menées par ARGONAURES sur les pratiques des chercheurs, la construction des faits scientifiques, l’image de la recherche et la reconstitution du lien entre offre de recherche, innovation et demande sociale. (cf. la bibliographie sur l’évaluation de l’ORSTOM, l’estimation du marché de la recherche pour une école d’ingénieurs en agriculture, la diffusion de logiciels de recherche, la valorisation des sciences humaines, la domotique comme demande sociale, l’image de l’université Paris V, …)

Nous n’avons pas toujours bien séparé les questions de méthode, voire de finanement, et de problématique dans cette présentation. Cette habitude de la “présentation séparée” renforce trop à notre goût l’illusion que ces deux aspects d’une recherche sont indépendants. Nous verrons en effet comment chaque aspect “théorique” appelle tout naturellement une question de “méthode”, et inversement. Cependant montrer « l’origine impur » d’un fait ou d’une hypothèse, même si elle postule une posture scientifique qui privilégie les faits concrets et la conclusion  qu’un résultat est relatif à un point de vue, n’implique aucun doute quant à l’objectif de parvenir à du vrai, à de l’universel,  à du généralisable. Mais cette généralisation sera toujours liée à un point de vue donné, à une échelle spécifique, suivant un découpage raisonné, et toujours provisoire quant à sa précision ou à son extension (cf BOUDON R., CLAVELIN M., eds, 1994, sur le relativisme ; DESJEUX D., 1993, sur la question des échelles d’observation)

[3] – Les différentes enquêtes menées dans le cadre  d’Argonautes auprès des chercheurs en sciences de la vie et de la nature, nous ont montré que toute les sciences étaient « molles » à un moment précis, celui du recueil de l’information, surtout en situation in vivo. Le « durcissement » apparait lié à une capacité à mobiliser des fonds financiers dans la phase d’administration de la preuve, en terme de matériel ou de traitement stastistique.

[4] – Les guillemets ont ici pour fonction d’inciter à un usage prudent de certains termes ou de marquer une distance par rapport à leur usage. Par contre les guillemets suivies par des italiques indiquent une citation.

[5] –  Cette technique s’inspire des méthodes ethnologiques d’histoire de vie ou de récit de vie. Dans le cadre des recherches d’ARGONAUTES,  nous les avons en partie réaménagées pour tenir compte des contraintes de temps liées à la vie quotidienne en France. L’histoire de vie est centrée sur un sujet, autour duquel les questions et les relances du guide d’entretien sont organisées.  Il s’agit d’entretiens longs de trois à quatre heures en moyenne. Ils sont réalisées, selon les cas, en un ou deux rendez-vous.

[6] – Rappelons donc que ce n’est qu’une partie de l’identité que nous avons pu dégager. Pour aller plus loin, il faudrait sur le plan qualitatif diversifier les entretiens au niveau de l’échantillon et au niveau de leur passation (de manière moins formelle que ceux pratiqués ici), utiliser l’observation participante, etc..Sur le plan quantitatif nous nous sommes limités aux hypothèse qui  pourrraient être pondérées, c’est à dire « durcies », dans une recherche ultérieure, mais à un soût supérieur ! (cf la note 3)

[7] – Nos interlocuteurs sont d’ailleurs parfois conscients de ce décalage entre le discours et les pratiques, ce qui ne manque pas d’entraîner l’invention de “théories” ad hoc  destinées à sauver la face :

Même si le temps est bouffé par d’autres activités, même si ça fait des mois que je suis pas allé faire mes recherches, ça reste en moi com

me une culture de base. Y’a pas forcément besoin de faire de la paillasse tous les jours, du moment qu’on en a fait beaucoup à une période de sa vie

 

[8] – Un rappel pour la bonne lecture de ce texte s’impose ici, suite à notre epxérience de restitutions de résultats des enquêtes : le fait d’élucider les pratiques ou de noter des observations sur les sentiments, n’est en rien un jugement de valeur. Simplement l’élucidation heurte la « connaissance » ordinaire, la « psychologie quotidienne » de chacun. Tout se passe comme si « dire », c’était stigmatiser en faisant apparaître implicitement que ce qui est décrit est « anormal » ; ou encore, ce qui paraissait aller de soi pour nous, ne le parait pas pour l’autre, ce qui est angoissant, voir agressant. Cette remarque renvoie au paradoxe de l’identité qui est en chacun de nous, qui revendique à la fois d’être unique, mais aussi d’être comme tout le monde, d’être dans la norme. Il suffit de rappeller aux chimistes que les sociologues, comme tout le monde participe de ce même phénomène !

[9] – On ne peut cependant rien affirmer de manière certaine car un tel résultat est trop évidemment lié aux caractéristiques de notre échantillon. Mais, dans une logique statistique, on pourrait creuser cette piste, par exemple en comparant les probabilités d’accès (ou l’âge moyen) des organiciens et des analystes aux postes les plus élevés, leur salaires moyens, ou encore en examinant comment se répartissent les responsabilités éditoriales ou les participations à des commissions ministérielles.

[10] – Mais attendons que des données statistiques attestent le bien fondé de cette hypothèse avant de la considérer comme un fait acquis.

[11] –  L’entretien, comme dans une conversation au quotidien, fonctionne toujours comme un moment de “négociation identitaire”, au cours duquel on cherche à agir sur la représentation que l’autre a de soi.

[12] – On peut rappeller que si on veut « faire de la peine » à un sociologue ou à un ethnologue, il suffit de lui dire que son travail c’est de la psychosociologie ! Classiquement ceci participe de tout un vocabulaire et une rhéthorique de la stigmatisation de l’autre, comme concurent dans uns discipline, ou entre discipline, depuis le « ce n’est pas nouveau », qui signifie qu’on aurait bien aimé le trouver soi-même ou qu’on a plus d’argument sur le fond, jusqu’au « ils n’ont pas les pieds sur terre », en passanr par l’accusation de « réductionisme », « de ne pas avoir tenu compte de certains facteurs », sous-entendu ceux défendus par le patron de thèse, etc…

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