Management / politique
UNIVERSITE PARIS V – SORBONNE
ENQUETE
MANAGER LE CHANGEMENT
OU
CHANGER LE MANAGEMENT
Contrat COGEF Directeurs scientifiques
Février – Juin 1990 Dominique DESJEUX,
Professeur à Paris V Sorbonne
Sophie TAPONIER,
Chercheur au Laboratoire
d’Ethnologie de Paris V Sorbonne
Contractant Réalisation de l’enquête
Société ARGONAUTES Sophie Benabdeljalil
Recherche et Conseil en Sciences Humaines Cécile Paulin
106, rue de Clignancourt 75018 Paris Marie-Hélène Sohler
42 62 27 40 Magistère de Paris V Sorbonne
Marie Lepoutre
Maitrise de Paris V Sorbonne
1990, Sophie Taponier, D. Desjeux, Manager le changement ou changer le management
Commentaire : Une enquête réalisée il y a 20 ans sur la perception de la crise des années 1980 et des métiers du futur en l’an 2000 ; sur la lecture des cadres, celle des journaux et des livres techniques entre ceux du public (Le Nouvel Observateur) et ceux du privé (Les Echos) ; sur l’ambiance de travail plus conviviale que dans les années 1960 ; etc.
SOMMAIRE
0 – FICHE DESCRIPTIVE POPULATION ENQUETEE p 5
A – SEXE ET AGE p 6
B – POSTE ET REMUNERATION p 6
C – SERVICE P 8
D – TAILLE DE L’ENTREPRISE P 9
E – SECTEURS ET LIEUX D’ACTIVITE P 9
F – LECTURE DE LA PRESSE P 9
G – LES LIVRES P 10
I – L’ENTREPRISE ET LA FORMATION DES CADRES:
UN MARIAGE DE RAISON LIE AUX INCERTITUDES
DE L’ENVIRONNEMENT ECONOMIQUE
A – COMMENT LES MANAGERS RESSENTENT LE CLIMAT
SOCIAL DE L’ENTREPRISE AUJOURD’HUI P 12
a – Le climat relationnel: une ambiance qui apparaît à
tous moins conflictuelle que dans les années soixante P 12
b – Une ambiance moins conflictuelle, mais plus incertaine P 14
c – L’émergence d’une convivialité plus affective chez les jeunes cadres P 14
B – COMMENT LES MANAGERS PERCOIVENT L’EVOLUTION DE L’ENTREPRISE :
UN FLOU DE PLUS EN PLUS IMPORTANT QUANT A L’AVENIR P 15
a – L’évolution des services clés de l’entreprise et des compétences du cadre :
la montée de la communication et de la polyvalence P 15
b – Les facteurs de réussite de l’entreprise : le cadre, un mercenaire compétent ;
le produit, une qualité qui est l’affaire de tous P 16
C – LA FORMATION EST D’ABORD UN MOYEN D’AUGMENTER LA PERFORMANCE
DE L’ENTREPRISE ET LA QUALIFICATION DES CADRES P 19
a – La formation n’est pas un luxe mais une nécessité vitale P 19
b – La formation est d’abord une affaire interne à l’entreprise P 21
c – La compétence du formateur: une condition de la réussite de la formation P 21
d – Le management et le social en tête des stages de formation P 22
II- PRATIQUES ET PERCEPTIONS DU MANAGEMENT
A – L’UTILISATION DES TECHNIQUES DE MANAGEMENT : UN PLEBICISTE p 23
a – Un succès différencié des techniques de management
au profit des techniques individuelles p 24
b – Les techniques collectives à responsabilité
individuelle font aussi recette p 27
B – L’IMAGE DU MANAGER ET DU MANAGEMENT :
LE CHARISME PLUS QUE LA COMPETENCE POUR LE PRIVE,
L’EXEMPLARITE PLUS QUE LE CHARISME POUR LE PUBLIC p 28
a- Le charisme pour les managers, la compétence pour les cadres p 29
b- Antoine Riboud, le manager idéal p 31
c- Les USA: L’indétronable pays du management idéal p 32
C – LE MANAGEMENT ET L’INCERTITUDE :
UNE APPROCHE SITUATIONNELLE MARQUEE PAR L’INSECURITE p 32
III– QU’EST CE QUI MOTIVE LES CADRES SELON LES MANAGERS ?
A – LES FACTEURS D’ORDRE PERSONNEL : RECONNAISSANCE ET SECURISATION p 36
B – LES FACTEURS LIES A L’ENTREPRISE : COMPETITIVITE p 37
C – LES FACTEURS D’ORDRE RELATIONNEL : ECOUTE ET TRANSPARENCE p 37
D – LES FACTEURS LIES AUX CONDITIONS MATERIELLES DU TRAVAIL :
SUPPRIMER LES FREINS A LA MOTIVATION p 37
Cliquez pour télécharger l’enquête dans sa globalité
L’objectif de l’enquête est de saisir des perceptions et des opinions, plus que des pratiques. Elle vise une population de cadres supérieurs. Ils se situent pour 85% dans le secteur des entreprises privées ou publiques et pour 15% dans celui de l’administration et des collectivités locales.
L’enquête va donc rendre compte des représentations que des managers à responsabilités élevées se font du management, de l’entreprise, et des cadres aujourd’hui.
Questionnaire envoyé à 10.000 managers
Nombre de questionnaires en retour: 700
Taux de réponse : 7%
Nombre de questionnaires traités : 589
Les opinions receueillies portent sur deux populations :
– Une population masculine et parisienne qui exerce dans une entreprise privée une fonction de direction stratégique plus que d’éxécution (517 personnes)
– Une population masculine et provinciale occupant essentiellement des postes de responsabilités, comme adjoint, dans l’administration publique (72 personnes)
Vu le faible échantillon de population de l’administration publique, les conclusions tirées concernent essentiellement le secteur privé. Des tableaux et des précisions s’attacheront à faire ressortir les points de différences significatifs de ces deux populations.
A – SEXE ET AGE : DES HOMMES D’EXPERIENCE ENTRE 40 ET 50 ANS
L’échantillon, composé majoritairement d’hommes (85 %) recouvre globalement la distribution par sexe existante dans la population des managers.
La classe d’âge majoritairement représentée est celle des 40-49 ans et l’ancienneté moyenne est de 6 à 8 ans de présence dans l’entreprise. Les managers ayant répondu au questionnaire ont donc une bonne expérience professionnelle et une bonne connaissance de l’entreprise et de l’organisation.
B – POSTE ET REMUNERATION : LES DIRECTEURS GAGNENT AUTOUR DE 500 KF ET LES RESPONSABLES FONCTIONNAIRES ENTRE 200 ET 300 KF
L’échantillon porte principalement sur des cadres qui ont un haut niveau de responsabilité directe dans l’entreprise (44 % des managers sont « Directeurs »). Leurs rémunérations sont en cohérence avec leur poste (classe modale au-dessus de 500 KF). A même niveau de responsabilité, un responsable de l’administration publique gagne autour de 200 à 300 KF.
POSTE OCCUPE – SECTEUR PRIVE
C – SERVICE
Les membres de l’échantillon sont principalement des managers implantés dans les services affaires sociales. Pour les
organisations publiques, ils sont plutôt administratifs et financiers.
SERVICE – SECTEUR PRIVE
1. Production, exploitation
2. Commercial, marketing
3. Gestion, informatique
4. Etudes
5. Affaires sociales et communication
6. Formation
7. Non réponse
D – TAILLE DE L’ENTREPRISE
100 à 1000 : 33%
1000 à 5000 : 33%
+ de 5000 : 27 %
Mises à part les entreprises de moins de 100 personnes, l’échantillon regroupe en proportion égale toutes les tailles.
E – SECTEURS ET LIEUX D’ACTIVITE
Industrie : 40%
Service : 37%
Distribution : 20%
Le secteur d’activité le plus représenté (40 %) est celui de l’industrie, comprennant l’industrie lourde, l’industrie de grande consommation, la chimie fine et l’agro-alimentaire. Puis vient le secteur des services (37 %) qui comprend les loisirs, le tourisme, la banque, l’assurance, la communication, l’information, le conseil, le transport. Et le secteur de la distribution (20 %) avec le commerce, la distribution et l’édition.
Paris et la région parisienne rassemblent 77 % des managers. Par contre, 64% des responsables de l’échantillon des organisations publiques travaillent en province.
F – LECTURE DE LA PRESSE
La presse quotidienne et notamment la presse nationale, le Monde, les Echos, le Figaro et Libération est régulièrement parcourue par l’ensemble des managers du secteur privé. Dans le public, seuls les Echos sont peu lus.
Les quotidiens régionaux sont d’avantage lus par les responsables du secteur public.
Tous les managers lisent des magazines : le Point pour tout le monde, et une préférence pour l’Express et l’Expansion pour ceux du privé et du Nouvel Observateur pour ceux du public.
La presse professionnelle est lue par 90% des managers du privé (Liaisons Sociales, Usine Nouvelle, LSA). Les responsables du secteur public lisent surtout des journaux communaux (La Gazette des Communes, Le Quotidien du Maire).
Dans le privé, la lecture des journaux devient de plus en plus régulière au fur et à mesure que les cadres prennent de l’âge et du grade. Les cadres jeunes (20-29 ans) lisent moins.
G – LES LIVRES
Les managers du privé déclarent lire en priorité :
– de la littérature ( à 57% plus de 3 livres par an)
– du management ( à 28% plus de 3 livres par an)
– des sciences humaines ( à 26% plus de 3 livres par an)
Par contre, les domaines techniques et scientifiques ont moins de succès : – des livres scientifiques (à 6% plus de 3 livres par an).
LES LECTURES
I – L’ENTREPRISE ET LA FORMATION DES CADRES: UN MARIAGE DE RAISON LIE AUX INCERTITUDES DE L’ENVIRONNEMENT ECONOMIQUE
A – COMMENT LES MANAGERS RESSENTENT LE CLIMAT SOCIAL DE L’ENTREPRISE AUJOURD’HUI :
a – Le climat relationnel : une ambiance qui paraît à tous moins conflictuelle que dans les années soixante
A la question « aujourd’hui diriez-vous que les relations entre supérieurs et subordonnés sont conviviales, hiérarchiques ou amicales ? »:
– 57,5% répondent « conviviales » (contre 39% dans le public)
– 30% répondent « hiérarchiques ou distantes »
– 12% répondent « amicales »
Par rapport à la fin des années soixante où le patron était ressenti comme le « gros », « l’ennemi de classe » ou le « mandarin », le climat, du point de vue des managers, parait largement apaisé. Ceci ne veut pas dire qu’il n’y a plus de conflit, ni que les cadres ont forcément la même opinion que leur manager, mais que les tensions sont entrées dans une nouvelle phase de régulation moins frontale, plus négociée.
Mais le terme convivial ne signifie pas des relations « à la bonne franquette ». Il renvoie majoritairement à un univers professionnel dans lequel la dimension affective, la relation directe « à l’américaine », ou l’amitié ne sont pas prises en compte de façon prioritaire. Une bonne ambiance ne signifie pas la suppression des barrières sociales ou la confusion des statuts.
Une bonne ambiance, c’est d’abord:
– « partager les mêmes intérêts » pour 62%
et
– « bien faire la part des choses entre travail et loisir » pour 20%
« Se tutoyer », « déjeuner ensemble », « se rencontrer en dehors du travail » ne recueillent que 17% des réponses.
Plus de 80% des managers pensent donc qu’il faut à la fois garder une distance avec les subordonnés et bien séparer le travail du loisir ou de l’amitié.
Le terme convivial a donc principalement une connotation professionnelle. Ainsi il traduit une meilleure ambiance entre services de production et services commerciaux. Pour 64% des managers les relations sont « synergiques » ou « amicales ». Elles ne sont « agressives » ou « méprisantes » que pour 15% des réponses. Ceci peut paraître surprenant quand on sait combien la concurrence commerciale fait peser de plus en plus d’incertitudes dans le fonctionnement de l’entreprise et donc, combien les tensions entre services devraient augmenter. Ainsi, même si cette perception n’exprime qu’un point de vue, celui des managers, mais des managers directement concernés par le climat social de l’entreprise, son caractère massif (moins de 15% de sentiments négatifs) limite les risques qu’elle ne soit qu’une simple rationalisation rassurante. Ces réponses confirment un changement de climat. Ce changement est corroboré par la réponse à la question relative au caractère menaçant, indifférent ou sécurisant des syndicats : 61 % répondent indifférent, et 21 % sécurisant.
b – Une ambiance moins conflictuelle, mais plus incertaine
Ce changement de climat est probablement du à un effet de changement de situation, notamment internationale. A la question « pour vous la concurrence internationale c’est menaçant (ou sécurisant) », 61% des managers répondent que c’est menaçant et 19% que c’est sécurisant.
On peut faire l’hypothèse que c’est cette insécurité qui a entrainé une introduction massive des techniques de management depuis 10 ans: 91% des entreprises ont introduit de nouvelles techniques de management depuis le début des années 80.
c – L’émergence d’une convivialité plus affective chez les jeunes cadres
Il est aussi possible que cette insécurité entraine un autre changement au-delà de la seule convivialité professionnelle d’aujourd’hui, avec l’émergence d’une convivialité plus affective. En effet, à la question « à votre avis, des relations affectives entre deux personnes de la même entreprise ont-elles une incidence ou non sur la qualité du travail »:
– 29% pensent qu’elles sont négatives (contre seulement 17% dans le public)
– 32% pensent qu’elles sont positives
mais 36% pensent qu’elles sont sans incidence sur la qualité du travail
Or ce sont parmi ces derniers (36% sans incidence) que l’on trouve le plus de cadres jeunes ( les 20-29 ans choisissent à 50 % la modalité). Si les cadres jeunes sont aujourd’hui plus familiers des relations affectives interpersonnelles dans l’entreprise et semblent en avoir moins peur, on peut faire l’hypothèse que cela jouera sur les styles de management dans l’avenir. Cette meilleure capacité à réguler l’affectif est d’ailleurs cohérente avec un constat plus global, celui de la montée de l’hédonisme et du plaisir tel qu’on peut le trouver dans les styles de vie de Cathelat au CCA ou chez Maffesoli à la Sorbonne (L’ombre de Dyonisos).
B – COMMENT LES MANAGERS PERCOIVENT L’EVOLUTION DE L’ENTREPRISE: UN FLOU DE PLUS EN PLUS IMPORTANT QUANT A L’AVENIR
a- L’évolution des services clés de l’entreprise et des compétences du cadre : la montée de la communication et de la polyvalence
A la question « quel est le métier qui selon vous est caractéristique des années soixante, quatre vingt et de l’an 2000 », 54% répondent « la production » pour les années 60. Dans les années 70, ce sont les services « recherche et développement » ainsi que « méthode et qualité » qui se sont développés. L’objectif des cadres était alors d’être efficients techniquement. C’est l’ère des ingénieurs. Il faut exécuter et produire.
Dans les années 80, il faut gérer le changement lié à la crise: l’informatique (23%) et les finances (18%) sont les deux métiers qui paraissent les plus significatifs; le marketing (14%) et le commerce (12%) suivent d’un peu plus loin.
Pour l’an 2000, le taux de non réponse augmente (16%). Les choix se resserrent autour d’une nouvelle gestion de l’incertitude, celle de l’information, avec la communication interne et externe (21% des réponses pour les métiers de l’an 2000) et celle des comportements humains, avec les ressources humaines (15%). L’incertitude de l’avenir est aussi indiquée par l’émergence de métiers plus variés tels que « polyvalent », « consultant », « généraliste » … (21% de réponses dans la catégorie « autre »).
La montée de l’incertitude entraine une nouvelle perception de l’efficacité de l’entreprise et donc, un nouveau management plus situationnel: c’est la fin de l’attachement du cadre à l’entreprise comme condition de l’efficacité, au profit d’un cadre compétent.
b – Les facteurs de réussite de l’entreprise: le cadre, un « mercenaire » compétent ; le produit, une qualité qui est l’affaire de tous
A la question, « pour vous, la réussite de l’entreprise repose plutôt sur la qualification, l’attachement, l’ambition ou la discipline du cadre ? », les managers répondent :
– à 70% des cadres qualifiés
– à 21% seulement des cadres attachés à l’entreprise
et à l’opposé
– à 2% des cadres disciplinés.
De façon métaphorique, le nouveau cadre est plus perçu comme un « mercenaire » qui « vend » sa compétence, que comme un salarié fidèle attaché à son entreprise comme à une famille. L’efficacité supplante la fidélité.
Si l’on rapproche la question de la compétence de celle de la mobilité, on constate que les managers enquêtés ont eu à plus de 70% de 2 à 5 employeurs avant leur présent emploi. Mais 60% ont une ancienneté de 6 à 8 ans dans leur entreprise. Ceci amène au constat que les managers sont plus mobiles au début de leur carrière. On peut alors faire l’hypothèse que la mobilité de début de carrière est une des conditions de l’apprentissage de cette compétence, celle-ci devenant seconde en importance au fur et à mesure que la carrière progresse.
A la deuxième question sur l’efficacité de l’entreprise pour savoir si elle résidait plutôt sur de « bons outils de production, un bon service marketing, de bons produits ou une bonne communication interne », les managers placent en tête :
– à 42% de bons produits
– puis à 35% une bonne communication interne.
– le marketing ne suit qu’à 17%, contrairement à ce qu’on pourrait attendre par rapport à l’air du temps. Le marketing reste cependant en tête pour les managers de deux secteurs de l’échantillon: celui du commerce ( 27% des cadres travaillant dans ce secteur choisissent cette modalité ») et celui de l’agro-alimentaire (35% des cadres travaillant dans ce secteur choisissent cette réponse). Si la culture technique n’est plus dominante, si la synergie existe entre service de production et service commercial, les relations entre les deux cultures d’entreprise, technicienne et marchande, ne vont peut-être pas encore de soi.
Cependant la prise en compte de la qualité n’est plus du seul ressort des services de production. Et c’est là un grand changement sur 25 ans.
En dehors des services financiers qui ne recueillent qu’un score de 61%, les managers pensent que la prise en compte de la qualité c’est l’affaire:
– de la direction générale à 95%
– de la production à 90%
– du service qualité à 87%
– du service commercial à 83%
– des relations humaines à 82%
– du service communication à 82%
– du service marketing à 81%
– de la recherche et developpement à 80%
Autrement dit la qualité, pour les managers, c’est l’affaire de tous. On comprend mieux dans ces conditions que la compétence, qui conditionne la qualité au sens le plus large, prime sur la fidélité. On comprend aussi pourquoi le thème de la culture d’entreprise, nouvelle forme possible de l’attachement à l’entreprise, a pris une telle importance dans les années 80 et autour de ce thème celui de la communication et de la formation, mais là encore au service de la performance.
Il est intéressant de noter par ailleurs que les questions sur la qualité obtiennent des taux de réponses plus faibles dans le secteur public, les responsables se sentant moins concernés. Le message « qualité », s’il est bien passé dans le privé, n’est pas encore totalement intégré dans le public.
LA PRISE EN COMPTE DE LA QUALITE
« selon vous, la prise en compte de la qualité, c’est l’affaire de »
(% comparé des réponses positives secteur public et secteur privé)
C – LA FORMATION EST D’ABORD UN MOYEN D’AUGMENTER LA PERFORMANCE DE L’ENTREPRISE ET LA QUALIFICATION DES CADRES
a – La formation n’est plus un luxe, mais une nécessité vitale
Quand on demande aux managers quel est l’objectif premier de la formation, ils répondent :
– à 97%, la performance de l’entreprise
– à 88%, l’acquisition d’une meilleure qualification pour les cadres.
Mais la formation apparaît aussi comme un atout stratégique pour les cadres. Les managers sont 55% (contre 32% de non) à penser que la formation est un moyen d’être plus compétitif sur le marché de l’emploi. C’est donc aussi un moyen de gérer l’incertitude face aux risques de licenciement ou de faillite de l’entreprise.
– 80% de managers pensent qu’il n’y a pas de carrière toute faite.
– 35% vont à penser qu’il n’est pas exagéré de dire qu’on peut perdre sa place à tout moment.
– 25% pensent que l’entreprise peut mourir du jour au lendemain (contre 46% qui trouvent cette proposition « un peu exagérée »)
– 26% des managers interrogés ont vécu un licenciement au cours de leur carrière.
Face à une incertitude généralisée, la formation assure donc une double fonction:
– elle assure la performance de l’entreprise
– elle maintient la compétence du cadre pour l’entreprise et pour sa carrière face à la concurrence des emplois.
Par contre le gain personnel en terme de salaire ou d’estime de l’entourage vient loin derrière:
– 19% pour le salaire
– 16% pour l’estime.
Ceci confirme bien que la formation est d’abord un moyen de lutter contre l’incertitude du marché et de la carrière, avant d’être un moyen d’obtenir des avantages immédiats. La formation n’est plus un luxe mais une nécessité vitale.
b – La formation est d’abord une affaire interne à l’entreprise
Si la formation n’est plus un luxe, elle n’est plus seulement l’affaire de cabinets exterieurs.
– 65% des managers pensent que la formation des cadres est d’abord une affaire interne à l’entreprise.
– 26% déclarent même que les cadres sont les mieux placés pour assurer la formation dans l’entreprise.
– 36% pensent cependant qu’un cabinet exterieur est le mieux à même de l’assurer.
L’Education Nationale recueille …1% des suffrages.
c – La compétence du formateur : une condition de la réussite de la formation
Globalement les entreprises semblent satisfaites de la formation.
– 69% des managers interrogés pensent que leurs cadres sont satisfaits de la formation reçue contre 25% non.
Si on demande aux managers les conditions de la réussite d’une semaine de formation ils répondent à :
– 38% la compétence du formateur
– 29% l’intérêt pour le sujet traité
– 15% un bon outil pédagogique.
On retrouve avec la formation la théorie de la compétence, les aspects conviviaux restant seconds. La formation est d’abord utilitaire avant d’être un plaisir, elle n’est pas de l’ordre du luxe mais de l’efficacité. On cherche à acquérir un savoir, et on recherche pour cela le bon formateur, « celui qui sait ».
Ce qui parait nouveau c’est qu’avec la valorisation de la compétence, la formation entre comme un outil à part entière du management d’une entreprise, au même titre que les finances ou l’informatique.
d – Le management et le social en tête des stages de formation
– 82% des enquêtés ont suivi au moins un stage
– 74% ont suivi deux stages
– 57% ont bénéficié de trois stages
Il s’agit essentiellement de stages de formation :
– au management (management participatif, stratégique, motivation des hommes)
– aux affaires sociales (gestion des salaires, bilan DRH, évaluation des postes, recrutement…)
Domaine de formation | 1er stage | 2ème stage | 3ème stage |
Management | 21% | 20% | 12% |
Service | 11% | 11% | 9% |
Communication | 8% | 7% | 4% |
Gestion | 6% | 5% | 5% |
Les taux de satisfaction sont très élevés pour tous les stages, même s’ils vont en décroissant légèrement : 87,5%, 85,5%, 82%.
II – PRATIQUES ET PERCEPTION DU MANAGEMENT
A – L’UTILISATION DES TECHNIQUES DE MANAGEMENT: UN PLEBISCITE
Si on prend comme point de référence le livre de GELINIER, écrit en 1965, sur « le secret des structures compétitives », on peut constater le chemin parcouru en 25 ans. Dans les années soixante le management fait son apparition. Les entreprises françaises sont dominées par deux grands modèles traditionnels de fonctionnement:
– l’entreprise privée traditionnelle
– la « bureaucratie » à la française
et deux modèles en émergence (1965)
– la structure de transition de type latin
– le « management » moderne (initiatives, adaptation, dépendance à l’égard du chef, menace par la concurrence, tensions).
Aujourd’hui ce qui paraissait marginal il y a 25 ans est massivement accepté :
– 91% des managers déclarent que leur entreprise ont introduit de nouvelles techniques de management depuis 10 ans
– 95% pensent même que ces techniques sont indispensables ou nécessaires (49% et 46%).
Seulement 3% pensent qu’elles ne sont qu’un pur gadget et 0% qu’elles sont catastrophiques. C’est un véritable plébiscite, au moins au niveau du déclaratif des opinions (ce qui veut dire qu’il peut exister un écart dans les pratiques réelles de management).
a – Un succès différencié des techniques de management au profit des techniques individuelles
LA DIFFUSION DES TECHNIQUES DE MANAGEMENT
% comparé de réponses positives des personnes ayant répondu oui à l’introduction des techniques de management
(91 % pour le privé, 82 % pour le public)
Ce sont les techniques de gestion individuelle des cadres qui arrivent en tête:
– 69% pratiquent l’entretien d’appréciation
– 60% pratiquent la remunération individualisée
Ensuite viennent les techniques plus collectives:
– 44% ont mis sur pied des projets d’entreprise
– 44% ont pratiqué le management participatif
– 40% ont recherché la qualité totale
– 39% ont créé des cercles de qualité
Deux techniques de management paraissent peu utilisées depuis 10 ans:
– 34% la gestion des carrières
– 27% les groupes de concertation (ceux-ci sont par contre des techniques majoritairement utilisées dans le secteur public).
On peut noter la faible utilisation des techniques individuelles dans les organisations publiques, ce qui conforte bien la différence de culture entre les deux univers et leur protection inégale face aux contraintes du marché.
Le faible chiffre de « groupes de concertation » dans le secteur privé semble lié à leur ancienneté et donc du à leur remplacement par de nouvelles techniques. Le faible chiffre relatif aux « gestion de carrières » est par contre, probablement lié à sa nouveauté. Ce sont les entreprises de plus de 5000 personnes qui semblent le plus mettre en place les méthodes de gestion de carrières. Ceci confirme l’importance du passage d’une entreprise des années 60 dont la gestion est fondée sur la gestion des choses (la production) à une gestion fondée sur la gestion des hommes. Ceci contribue à expliquer l’importance accordée aux ressources humaines et à la communication, mais surtout sur un mode plus individualisé, plus responsabilisé.
Remarque : On peut bien sûr l’expliquer par rapport à la montée de l’individualisme que la plupart des sociologues et publicitaires nous signalent depuis 10 ans.
Mais d’une part on peut se demander si cela est bien explicatif et si surtout cela ne renvoie pas à un effet d’observation : la découverte de l’individu, qui existe depuis longtemps, mais dont le mode de vie a changé. Comme si le collectif, la dimension sociale des comportements individuels avaient disparus. Ce sont leurs forces de contrainte et d’influence qui ont évolué et qui se sont déplacés. Il faudra bien toujours gérer du collectif, c’est à dire des relations entre des hommes ou des services.
Ce qui change par contre c’est le mode de management de ce collectif: plutôt que de définir les modèles de gestion sur un mode technocratique, valable pour tout le monde, à partir de critères imposés, la tendance serait plutôt de partir des individus pour améliorer leur participation à la gestion collective.
La complexité de plus en plus forte de la gestion collective condamne à terme le management qui définit de façon centralisée les taches à accomplir. L’adaptabilité provoquée par l’incertitude nécessite de fortes capacités d’innovation et conduit à une approche plus individualisée du management, au moins au niveau des cadres. La complexité et l’incertitude condamne à terme le management centralisé.
Il existe une explication du succès du développement des techniques individuelles de management, c’est l’interêt que trouvent les managers pour eux ou pour leurs cadres: quand on leur demande, parmi toutes ces techniques de management, quelles sont celles qui vous paraissent menaçantes et celles qui vous paraissent sécurisantes, ils répondent à:
– 80% l’entretien annuel c’est sécurisant
– 79% le management participatif c’est sécurisant
– 61% être remunéré au mérite c’est sécurisant (29% d’indifférents)
– 58% les cercles de qualité c’est sécurisant
TECHNIQUES QUI SECURISENT LES MANAGERS
DU SECTEUR PRIVE
(% de réponses positives)
Le succès des techniques individuelles s’explique donc par le fait qu’elles sont sécurisantes. Si on les relie aux questions sur les carrières, on comprend donc qu’elles sont un moyen d’évaluer sa compétence et donc que l’on reste toujours concurrentiel sur le marché du travail. Les techniques nouvelles de management sont donc un mode de gestion de l’incertitude.
b – Les techniques collectives à reponsabilité individuelle font aussi recette
On constate aussi que sur les quatre techniques de management sécurisantes, deux sont collectives. Ceci confirme que le management n’est pas seulement une affaire individuelle, liée à des motivations qu’il suffirait de faire naître ou évoluer, ce qui paraît dans la réalité très irréaliste, mais aussi une affaire de gestion collective, fondée sur une reponsabilisation individuelle.
Il est à noter que 76% des managers interrogés pensent être bien préparés pour diffuser ces techniques de management, proportion plus importante que chez les responsables du secteur public.
B- L’IMAGE DU MANAGER ET DU MANAGEMENT : LE CHARISME PLUS QUE LA COMPETENCE POUR LE PRIVE, L’EXEMPLARITE PLUS QUE LE CHARISME POUR LE PUBLIC
Quand on demande comment s’impose un manager, on constate que la compétence ou la technique qui sont reconnues comme primordiales dans la formation d’un cadre (88% des réponses), passent au second plan au profit de l’affectuel lorsqu’il s’agit du manager.
Au contraire dans le public, le charisme n’arrive qu’en troisième position. C’est la compétence plus que la séduction qui l’emporte dans l’organisation publique. Le charisme est laissé aux politiques.
LES QUALITES D’UN BON MANAGER
« selon vous, un bon manager, c’est quelqu’un qui s’impose avant tout par »
% comparé des choix de réponses secteur privé et secteur public
a- Le charisme pour les managers, la compétence pour les cadres
41% des interviewés pensent qu’un manager s’impose surtout par son charisme, 36% par son exemplarité contre 8% par sa compétence technique ou 0% par ses diplômes. Le chef charismatique ( que l’on retrouve dans les travaux de Max Weber à la fin du 19ème siècle pour désigner une forme de gouvernement possible), altruiste, médiateur et séducteur, impose donc sa marque. Ceci correspond à un ensemble d’analyses faites par Michel Maffesoli sur le plan du consensuel, de l’affectuel dans les sociétés contemporaines. Le manager apparaît ici comme un « chef de tribu », un « guide culturel » qui saura conduire son entreprise à travers les aléas conjoncturels. Il saura la représenter aux yeux des autres entreprises, auprès des leaders d’opinion et de ceux qui véhiculent l’image et l’information.
Ces conclusions corroborent donc tout à fait la tendance actuelle à la médiatisation générale. Même l’entreprise, lieu du secret par excellence, doit communiquer et s’exposer à l’opinion.
La fonction de chef charismatique est de gérer l’individuel dans une structure collective. Le chef charismatique doit gérer l’insécurité par une aura qui dépasse le cadre du quotidien.
On peut faire deux remarques :
1) – le fait que le diplôme n’apparaisse pas important (0% des choix sur les caractéristiques du bon manager) montre qu’une qualification importante est positive et nécessaire mais qu’au-delà d’un certain niveau de responsabilité, elle tend à s’éffacer derrière la personnalité du manager.
Ceci renvoie à ce que le sociologue Pierre Bourdieu appelle « l’idéologie du don » : la réussite semble plus liée à un don personnel, ici le charisme, qu’à des raisons d’origine sociale ou de diplôme dont on sait qu’elles jouent pourtant aujourd’hui un rôle important dans les carrières
2)- On relève une différence d’appréciation entre les managers de haut niveau qui choisissent le charisme et les adjoints ou les autres responsables qui choisiront la compétence en proportion plus importante.
On pourrait donc dire que si le cadre, qu’il soit responsable, adjoint ou chef de service, doit prouver qu’il est bien à sa place, le manager lui, n’a plus rien à démontrer. Il a pour mission d’entrainer dans son sillage toute son entreprise et de « doper » son personnel.
b – Antoine Riboud, le manager idéal
C’est Antoine Riboud qui arrive largement en tête avec 20% de choix comme étant la personne qui incarne le mieux le manager idéal. Pour le secteur public, il n’existe aucun manager idéal (26 %). Le seul qui recueille des voix, 12,6 %, est A. Riboud.
Les quatres premiers cités : – Riboud (20%)
– Calvet (6%)
– Tapie (3%)
– Bolloré (3%)
ont tous un style de management très différent. Leurs points communs sont le charisme et la capacité médiatique. Il n’y a donc pas de modèle de manager en tant que tel, ce qui infirme les discours sur la formation comportementaliste.
C’est BSN qui en toute logique recueille 22% des suffrages comme entreprise idéale.
De même, il n’existe aucune entreprise idéale pour les responsables du secteur public. Le taux de non réponse est élevé (30 %), et là encore BSN fait le score maximum.
Ce double score d’A. Riboud ou de BSN, confirme la double importance du charismatique et du médiatique comme composante de la qualité d’un manager.
c- Les USA : l’indétronable pays du management idéal
Contrairement à ce qu’on pouvait attendre, ce n’est pas le Japon qui arrive en tête des pays du management idéal :
– 21% pour pour les USA
– 13 % pour la RFA
– 10% pour le Japon
– 6% pour la France
– 5% pour la Scandinavie
Les USA jouissent d’un capital historique de notoriété en matière de management. Les best-sellers dans ce domaine sont d’ailleurs pour la plupart d’origine américaine ( Cf Le prix de l’excellence de Peters et Waterman). Ils ont joué aussi un rôle important dans le développement du mouvement des « relations humaines », mouvement qui s’est plus développé en France dans le sens d’une recherche des motivations ou des qualités d’un bon chef que dans celui d’un approfondissement des conditions du travail collectif (au contraire de M. Crozier). La tendance est à ramener tous les problèmes à des questions de personnes et de caractères sans rechecher les conditions collectives d’un travail individuel.
C – LE MANAGEMENT ET L’INCERTITUDE : UNE APPROCHE SITUATIONNELLE MARQUEE PAR L’INSECURITE
D’après M. Crozier, dès que « le client, la qualité et le service deviennent centraux : la ressource humaine prend le pas sur tous les autres »… « mais ce n’est plus une ressource humaine de partage », comme dans les conceptions traditionnelles du social, mais un « social de participation et d’engagement » (L’entreprise à l’écoute).
En réalité, on entre dans une nouvelle ère du management: on sort de l’ère des réponses toutes faites sur le meilleur management possible ou sur les meilleures motivations à inculquer aux hommes, pour entrer dans une ère où domine la capacité à interpréter les situations, à gérer l’imprévisible et à négocier les innovations ou les changements.
D’après les résultats de notre échantillon, l’incertitude porte sur deux domaines :
Le premier, déjà cité, est celui de la concurrence internationale, ressentie comme menaçante à 61%.
Le deuxième est celui de l‘obsolescence rapide des produits, considérée à 67% comme menaçante (au contraire les produits nouveaux sont considèrés par 75% des managers comme sécurisants; ceci confirme que la perte de la durée crée une forte insécurité). La qualité d’un produit, les goûts de la clientèle et les services après-vente prennent dans ces conditions une importance primordiale qui transforme les relations au sein de l’entreprise, les services de production devant de plus en plus s’adapter aux incertitudes et à la mobilité du marché.
Ce qui était souligné comme une émergence en 1965 par O. Gelinier, devient ici un facteur premier de la vie de l’entreprise : « tension » et « menaces par la concurrence » semblent deux des données majeures du management aujourd’hui. On est bien passé du conflit à l’insécurité.
Cette insécurité est marquée par un deuxième phénomène, celui des événements marquants qui menacent la routine, la stabilité, la sécurité de l’entreprise.
Ainsi les managers ont subi pour :
– 71% une restructuration
– 39% une fusion
– 27% un licenciement
– 9% une OPA
EVENEMENTS IMPORTANTS AU COURS DE LA CARRIERE DES MANAGERS DU SECTEUR PRIVE
(% des réponses positives)
La plupart des managers ont donc vécu une expérience importante de changement, voire de menace quant à leur carrière. Ceci explique pourquoi 80% pensent qu’il n’y a plus de carrière toute faite, et 53% ‘ »qu’il faut être sans cesse sur le qui vive ».
Il est probable que cette insécurité, vécue plus ou moins fortement par les individus, va contribuer à la montée du narcissisme ambiant déjà souligné par R. Lash, dans les années 80 pour les U.S.A : un besoin de se contempler dans son miroir pour savoir si on est toujours le plus compétent !
Ceci entraîne là encore un retournement du management classique fondé sur une recherche des motivations et du cadre parfait, jeune, dynamique et accrocheur. Il ne suffira plus de promettre des avantages avec des primes, il faudra vendre de la réassurance de soi. Ceci explique en partie le succès des techniques individuelles de management qui permettent la réassurance de son identité et des techniques collectives qui favorisent la sécurité du petit groupe, voire de la tribu animée par son chef charismatique.
III – QU’EST CE QUI MOTIVE LES CADRES SELON LES MANAGERS ?
En répondant aux trois questions ouvertes
-« Aujourd’hui qu’est ce qui, selon vous, motive le plus les cadres ? »
– « Ajourd’hui qu’est ce qui, selon vous, démotive le plus les cadres ? »
– « Une seule chose serait-à changer dans votre entreprise, laquelle ? »,
les managers interrogés ont pu donner libre cours à leurs opinions.
Les facteurs de motivation ou de démotivation des cadres selon les managers, peuvent s’organiser dans une typologie en quatres catégories :
– Les facteurs d’ordre personnel
– Les facteurs liés à l’entreprise
– Les facteurs d’ordre relationnel
– Les facteurs liés aux conditions matérielles de travail
A – LES FACTEURS D’ORDRE PERSONNEL : RECONNAISSANCE ET SECURISATION
Les motivations exprimées confirment le besoin des cadres d’être valorisés et sécurisés, besoin auquel répondent les nouvelles techniques de management plébiscitées aujourd’hui. Les motivations sont essentiellement psychologiques (mais ceci est peut-être induit par le terme même de « motivation »), et d’ordre narcissique. Elles sont très peu sociologiques ou stratégiques (jeu, calcul). Les motivations expriment la recherche d’un équilibre entre autonomie et fédération.
Les cadres, selon les managers, souhaitent être estimés, valorisés et reconnus, mais cette reconnaissance doit se traduire par l’octroi d’une liberté, d’une autonomie et d’un pouvoir décisionnel. Ce qui motive les cadres c’est aussi la diversification des fonctions, la responsabilisation, la consultation et la possibilité de prendre des initiatives. La reconnaissance de la compétence des cadres doit se matérialiser par des promotions salariales et professionnelles. A l’opposé, ce qui les démotive est la négation de leur identité (l’indifférence, ne pas être écouté, se sentir inutile) et le manque de responsabilisation (ne pas être consulté, être courcircuité, ne pas pouvoir prendre d’initiative).
B – LES FACTEURS LIES A L’ENTREPRISE : COMPETITIVITE
D’autres facteurs de motivations des cadres concernent l’entreprise, sa performance, sa compétitivité. Les cadres s’identifient à leur environnement professionnnel et la réussite de l’entreprise contribue à leur épanouissement personnel. Ils sont engagés et impliqués (même si l’attachement est relatif par rapport à la compétence) puisque « appartenir à une équipe qui gagne » ou « appartenir à une entreprise en bonne santé » est stimulant. A l’opposé ce qui démotive est l’inertie, l’immobilisme, la bureaucratie, le cloisonnement. Les cadres sont donc motivés s’ils peuvent s’identifier à une image positive de l’entreprise.
C – LES FACTEURS D’ORDRE RELATIONNEL : ECOUTE ET TRANSPARENCE
L’ambiance dans l’entreprise et le climat relationnel sont d’importants facteurs de motivation. Les cadres souhaitent la circulation de l’information, l’écoute, une transparence accrue dans les processus décisionnels. Un « bon » manager motive les cadres…(selon les managers). Les supérieurs hierarchiques doivent être enthousiastes, et donner des objectifs clairs et précis. Les objectifs flous ou inatteignables sont plusieurs fois cités comme facteurs de démotivation, ainsi que le manque de délégation ou une trop forte concentration de pouvoir.
On peut faire ici l’hypothèse que la demande de clarté contient de façon sous-jacente un souhait de maîtriser l’information. Le flou est démotivant car en termes stratégiques, le flou exprime l’absence de contrôle et donc une position d’infériorité. On retrouve également ici l’image du chef charismatique, qui, par son aura, gère l’insécurité, en créant un équilibre entre autonomie et fédération.
D – LES FACTEURS LIES AUX CONDITIONS MATERIELLES DE TRAVAIL : SUPPRIMER LES FREINS A LA MOTIVATION
Motiver, ce n’est par forcément un acte positif, c’est aussi supprimer ce qui démotive. Les éléments démotivants peut être internes au travail même (routine, exécution simple, …) ou aux conditions du travail, qui vont des horaires par exemple (manque de souplesse) à la décoration : « la seule chose à changer dans mon entreprise, c’est le papier peint ! »
On peut noter ici la faible émergence en déclaratif spontané des facteurs externes à l’entreprise (clientèle, marché international…), alors qu’en assisté (questions directes) la concurrence internationale est ressentie comme menaçantes pour 61 % des managers.
En conclusion, les managers semblent avoir bien intériorisé le management et la formation au management (rappelons que 76 % d’entre eux se sentent bien préparés pour en assurer et en diffuser les techniques). En effet, les facteurs de motivation et de démotivation qu’ils attribuent aux cadres sont en cohérence avec les objectifs déclarés du management aujourd’hui, et notamment :
– responsabilisation des cadres
– concertation, délégation
– régulation de l’affectivité
– communication interne sur l’image de l’entreprise.
Reste à savoir si les managers projetent leurs désirs sur les cadres ou si ces souhaits sont vraiment ceux des cadres. On pourrait se demander aussi quels sont les souhaits et les motivations des salariés. Les managers projetent-ils les mêmes motivations sur leurs cadres et sur leurs salariés ?